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10-02-2014
Mots clés
Météo
France
Interview

« Comment convaincre les gens que l’inondation va vraiment se produire un jour ? »

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« Comment convaincre les gens que l'inondation va vraiment se produire un jour ? »
(Crédit photo : Loïc Raynard - flickr)
 
La Bretagne a les pieds dans l'eau, le Var passe en vigilance orange. Les Français sont-ils suffisamment préparés au risque d'inondation ? Pas encore, selon Bruno Ledoux, géographe et consultant spécialiste des inondations.
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Bruno Ledoux est géographe, consultant spécialisé dans la gestion des risques.

Terra eco : En France, est-on suffisamment préparé à affronter un événement climatique extrême ?

Bruno Ledoux : Il ne faut pas confondre la préparation à une crise et la gestion de la crise. Ce sont deux choses bien différentes. D’abord, il faut relativiser la crise en cours en Bretagne. Les gens en ont certes marre parce qu’ils ont les pieds dans l’eau tous les quinze jours, mais on a connu bien pire. Ce n’est pas la tempête Xynthia (qui a frappé l’Europe en 2010, ndlr). On n’a pas 3 mètres d’eau et des morts. Il n’y a pas de raison de paniquer. Toute la difficulté est de savoir donner la priorité aux risques les plus importants. Or, depuis trente ans en France, on a pris l’habitude de répondre au coup par coup.

Pour quelles raisons se contente-t-on de gérer au coup par coup ?

Parce que c’est plus facile politiquement ! Construire une politique publique qui définit des territoires prioritaires sur lesquels concentrer les efforts financiers de prévention, c’est difficile. Jusqu’à assez récemment, on ne s’était d’ailleurs pas posé la question : quels sont les territoires les plus exposés ? Depuis 2007, une directive européenne inondation nous oblige à faire ce recensement et ces analyses. On commence à bien identifier ces territoires, mais l’effort financier national ne leur est pas encore consacrés. Ce qu’il se passe en Bretagne, c’est modeste par rapport à ce qu’ont vécu le Var ou les Pyrénées. Le risque, c’est pourtant que l’on mette sur cette crise tout l’argent disponible. Est-on capable de concentrer les efforts financiers sur quelques territoires prioritaires pendant les dix prochaines années ?

Quels sont ces territoires identifiés comme vulnérables aux crises ?

Un récent rapport de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a été consacré au risque de crise majeure en Ile-de-France en cas de crue de la Seine. Là, on peut avoir peur ! Là, on peut se demander si la prévention est à la hauteur des enjeux. Le rapport prévoit entre 3 et 30 milliards d’euros de dommages. Avec la crue en Ile-de-France, le PIB sera écorné, des milliers d’emplois mis en péril. Le rapport souligne par ailleurs que notre préparation n’est pas à la hauteur des enjeux.

Aujourd’hui, une fois la crise déclarée, est-on suffisamment efficace ?

Il faut accepter qu’on peut surestimer ou sous-estimer un événement extrême. Mais, en quelques décennies, nous sommes passés du néolithique à l’ère moderne de la gestion de crise. Aujourd’hui, nous disposons de services météo performants. Ensuite, tout dépend des capacités de préparation et de réaction locales. En France, les capacités de secours sont remarquables, nous ne sommes pas à la traîne des autres pays européens. Sur la préparation, il y a des améliorations à faire. Il n’y a pas assez d’exercices de coordination des différents acteurs qui devront prévenir les habitants, les entreprises, les institutions… Par ailleurs, quand les gens n’ont jamais vécu une inondation, il y a un déni du risque. Ils n’y croient pas. Nous, les professionnels de ces questions, sommes très démunis face à cette réalité. On sait faire des plans sur le papier, mais comment convaincre les gens qu’une inondation va vraiment se produire un jour ?

La mémoire d’évènements passés ne se transmet donc pas ?

Les hydrologues ont mis en évidence que, entre la Seconde guerre mondiale et les années 1980, la France a été relativement épargnée par les évènements climatiques exceptionnels. C’est un pur hasard statistique. Pendant quarante ans, nous avons vécu un blanc dans la chronologie des catastrophes naturelles. Cette période correspond en outre à la fin des Trente glorieuses, à l’exode rural et à une extension urbaine importante. On a construit sans précaution sur les terrains facilement accessibles et plats : les lits des cours d’eau. Aujourd’hui, avec les crises actuelles, nous payons les pots cassés de cette urbanisation.

Y a-t-il une prise de conscience que le changement climatique va accentuer ces crises ?

Sur le littoral, c’est très clair. Il y a quinze ans, les plans de prévention consacraient moins de deux lignes à cette question. Aujourd’hui, l’élévation du niveau de la mer à l’horizon 2100 est un sujet omniprésent. Ce risque a des traductions réglementaires et cartographiques. De moins en moins de gens discutent ce point. Et ces derniers mois sur le littoral constituent une belle démonstration de la direction que ces phénomènes vont prendre. Sur les crues des rivières, les scientifiques ont beaucoup plus de mal à qualifier et à quantifier le risque supplémentaire engendré par le changement climatique. Mais le risque actuel est déjà tellement important !

Sous-estime-t-on encore le risque de crue de rivière ?

On dispose d’une bonne connaissance de ce risque, et d’une cartographie bien meilleure qu’il y a trente ans ! La vraie difficulté, c’est d’arrêter l’urbanisation en zone inondable. D’un côté, que fait-on des gens qui y vivent ? Les force-t-on à déménager ? C’est une question politique. De l’autre, comment continue-t-on à densifier la ville ? Les directives du Grenelle, en effet, l’impose. Or, les seules zones encore aménageables sont les grandes friches industrielles en reconversion. Et ces sites sont en zones inondables. Toutes les villes sont concernées. C’est un défi pour les architectes et les ingénieurs : construire des quartiers capables de supporter la submersion, continuer à faire fonctionner les réseaux quand ces événements arriveront… C’est aussi un défi politique : pour arrêter l’étalement urbain, assume-t-on de mettre les gens les pieds dans l’eau ?


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  • A propos des inondations la bas il parait que le premier ministre David Cameron va faire appel a l’Union Europenne. Lui qui voit tout en terme d’argent puisqu’on lui reproche d’avoir facturer les sacs de sables que les habitants utilisent pour proteger leurs maison, il va surement demander de l’argent plutot que de l’aide materielle. Or c’est d’une aide materielle dont les gens ont beoin pour desenbouer les maisons. Peut-etre qu’on mouvement de solidarité devrait demarrer a ce sujet ?

    14.02 à 00h50 - Répondre - Alerter
  • Comment convaincre les pouvoirs politiques régionaux et locaux à empêcher les constructions en zones inondables ?
    Après quelques années de crues catastrophiques dans le Sud-Est, Pyrénées, Sud-Ouest, Picardie et maintenant Bretagne, on continue allègrement à délivrer des permis de construire pour des pavillons, des zones commerciales,et autres surfaces qui imperméabilisent inéluctablement le sol et mettent la population en danger.Au vu des projets actuels qui encourageraient l’emploi dans chaque commune, la tendance n’est pas prête de s’inverser.
    Témoin, ce futur "aéroport du Grand Ouest" qui, construit sur une zone humide (et actuellement inondée) remarquable s’apprête à détruire inexorablement l’hydrologie naturelle dont dépend toute la région.

    11.02 à 17h39 - Répondre - Alerter
    • C’est pour ça, entre-autres, qu’il faut être très nombreux à protester contre cet aéroport le 22 février prochain à 13 heures devant la Préfecture de NANTES... Le dernier recours venant d’être épuisé.

      11.02 à 19h49 - Répondre - Alerter
    • Oui , d’ accord avec toi et Martine ...c’ est en effet tres choquant de la part des pro aéroports d’ etre "contre les inondations", notamment à Redon (35-Ille et Vilaine) , durement touché, ou on entends le président de la Communauté de Communes du Pays de Redon, Mr Jean - Louis Fougére,sans étiquette, faire des déclarations pro-aéroport(et bloquer Redon - ville par la voie d’ accés dite de "La Digue" pour évacuer l’ eau du Centre Leclerc inondé...) ainsi que Mme Lebrun , Mairesse UMP de Morlaix (22 , Côtes d’ Armor) et députée Européenne , faire des déclarations enflammées sur le même sujet , alors même que Morlaix est inondé gravement , ou encore l’ incroyable maire PS de Rezé (44, Loire -Atlantique) et president de Nantes -Métropole qui déclare qu’ .../..." il nous faudra apprendre à construire en zone inondable"... ;

      Ces gens-là sont des fanatiques aveugles et dangeureux .

      Ces gens là sont ok pour artificialiser 2000 HA de terres à 98% en zone HUMIDE, à Notre Dame des Landes, alors que ces terres constituent une véritable éponge PROTECTRICE ...

      Allons , Mesdames et Messieurs les inondeurs, un peu de cohérence et de pudeur svp...

      15.02 à 22h59 - Répondre - Alerter
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