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Argentine : le pays où les vaches ont déserté les champs

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Argentine : le pays où les vaches ont déserté les champs
 
Fini les meuglements dans les campagnes argentines. Désormais le silence règne dans les rangées de soja transgénique. L’un des plus gros mangeurs de viande au monde risque de devoir importer sa ration de bifteck.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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(En Argentine)

Gustavo Tettamanti veut encore croire qu’élever des vaches dans des champs en Argentine reste possible. Pas évident lorsqu’on regarde le paysage autour de lui. La pampa infinie, les vaches paissant dans des prés : l’image a jauni. Car aujourd’hui, ce serait plutôt : la pampa infinie et le soja transgénique. Sur 19 millions d’hectares, soit 70 % de la surface cultivée du pays, s’étend à perte de vue un « désert vert ». Les vaches ? Il en reste quelques-unes dans les champs. Elles sont destinées à l’exportation et finiront dans vos assiettes, pas dans celle de la ménagère locale. La majorité des bêtes sont entassées dans des fermes d’engraissement, des feedlots. A Bigand, petite ville de 5 000 habitants dans la province de Santa Fe, à 300 km au nord de Buenos Aires, Gustavo est donc l’un des seuls à continuer à élever quelques vaches. Quand on lui parle des feedlots, l’homme s’emporte. « C’est délirant, l’Argentine possède toutes les ressources nécessaires pour un élevage efficace, rentable, durable et en pâturage. Laissons les feedlots aux pays européens qui n’ont pas assez de terres ! » D’autant que, selon lui, l’élevage est au moins aussi rentable que le soja. Seule différence : la quantité de travail à abattre. « Socialement, les gens ont changé, assure-t-il. L’élevage exige une attention quotidienne et intensive. Or, les gens veulent rester moins de temps aux champs et davantage au village. Là où il y a des vaches, il y a de la main-d’œuvre, de la vie. Là où il y a du soja, il n’y a personne. » 

Pour 2010, un rapport de la Fédération agraire argentine (FAA) prévoit « une chute de 5 à 7 millions de têtes, ce qui serait le stock bovin le plus bas des quarante-cinq dernières années ». La situation est telle que les plus alarmistes assurent que dans quelques années, si la tendance ne s’inverse pas, l’Argentine sera contrainte… d’importer de la viande, alors que ce pays est l’un des plus gros consommateurs de viande bovine du monde – 74 kg par habitant et par an, selon les statistiques nationales.

Sécheresse fatidique

Comment en est-on arrivé là ? Tout a commencé en 1996, avec l’autorisation de mise sur le marché du soja Roundup Ready, une oléagineuse créée par l’entreprise américaine Monsanto et résistante à l’herbicide total Roundup… créé par Monsanto. Avec ce soja, n’importe quelle terre devient cultivable car cette céréale s’appuie sur la technique du semis direct, donc plus besoin de labourer. Avec l’augmentation du prix du soja sur le marché international, une fièvre de « l’or vert » s’est alors emparée des agriculteurs. « Six ou sept millions d’hectares ont basculé de l’élevage vers l’agriculture, explique Pedro Peretti. Le soja a envahi les meilleures terres et fait reculer l’élevage vers des zones marginales du nord du pays. » Mais même là-bas, le soja fait des ravages. Depuis dix ans, 2,5 millions d’hectares ont été déboisés pour y cultiver cette plante. Ce soja est destiné à la consommation humaine, mais surtout animale : l’immense majorité de la production sert en effet à engraisser les vaches chinoises et européennes. L’Argentine est ainsi devenue en une poignée d’années le 3e exportateur mondial de soja, rapportant 12 milliards de dollars au pays, soit 65 % du montant total des devises.

Le facteur climatique a lui aussi joué contre l’élevage. En 2008, une terrible sécheresse a tué plus d’un million d’animaux. Et cette catastrophe a eu de sérieuses conséquences sur les naissances des troupeaux. Sans compter le blocage des exportations en 2006, pour tenter de juguler l’inflation. A Bigand, on connaît bien le problème. German Chianea a abandonné l’élevage il y a dix ans pour ouvrir une entreprise de services aux agriculteurs. Sur le sentier qui mène à l’exploitation d’un de ses clients, il montre, de part et d’autre, les champs où, jadis, paissaient des vaches. On y distingue encore des clôtures. Plus pour très longtemps. « On arrache tout pour que les machines d’épandage d’herbicide puissent passer », explique-t-il. Des vaches ? Difficile d’en apercevoir. « Avant, l’élevage se concentrait sur le bord des rivières parce qu’on ne pouvait pas labourer, se souvient-il. Avec l’arrivée des OGM, on a pu y cultiver du maïs ou du soja. Et les vaches ont disparu. » 

Pour croiser des vaches en quantité, pas d’autre solution que de se rendre dans des feedlots. Ce sont celles que les Argentins, qui pensent encore que leurs bœufs sont élevés dans les champs, mangeront. Le problème, c’est que les cours des grains ont grimpé en flèche. Alimenter les vaches de cette manière est devenu hors de prix. Ironie de l’histoire : le gouvernement est aujourd’hui contraint de subventionner ces fermes d’engraissement. —

Photo : Anita Back - Laif - Redux - Réa

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