Un nouveau monde |
Par Pierre JAPHET |
7-03-2013
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Interdire le dumping énergétique des produits alimentaires |
Décidément, la nature est bien faite : un animal en recherche de nourriture ne dépense jamais plus d’énergie pour cette recherche que celle que la nourriture pourra lui apporter. Autrement dit, une lionne ne va pas s’entêter à poursuivre une gazelle pour dépenser au final plus de calories dans sa course que ce que la gazelle pourra lui permettre d’absorber si elle l’attrape enfin ! Il faut dire que, comme dirait Darwin, une espèce qui dépenserait plus d’énergie à se nourrir qu’elle n’en gagnerait par l’absorption de cette nourriture ne résisterait sans doute pas très longtemps au processus de sélection naturelle...
Et pourtant, c’est ce que nous, les hommes, faisons tous les jours ! Oh bien sûr, pas à l’échelle de l’individu : le problème de l’homo occidentalus est plutôt inverse ; il ne dépense pas assez de calories par rapport à celles que lui apporte sa nourriture, puisqu’ il n’a plus besoin d’aller la chercher par ses propres moyens. D’où l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, etc.
Mais à l’échelle de l’espèce, de l’humanité toute entière, c’est une toute autre histoire. Il semble hélas difficile de trouver des indicateurs précis et fiable sur le sujet (si vous en avez, je suis preneur !) mais pour le plaisir de notre démonstration, prenons deux ordres de grandeur qui sont généralement avancés : les cultures intensives consommeraient environ 10 calories (pour l’essentiel en carburants et en intrants) pour produire une seule calorie alimentaire (et végétale), tandis que l’élevage industriel des bovins consommerait à son tour 10 calories végétales pour produire une calorie animale, ce qui nous amènerait donc à un rendement énergétique de seulement 1% pour l’alimentation bovine. Imaginez une lionne qui dépenserait l’énergie équivalente à cent gazelles pour n’en attraper et n’en manger finalement qu’une seule...
Et c’est là que les règles de l’OMC, bizarrement, pourraient peut-être nous inspirer ! Une règle, plus précisément : l’interdiction du dumping. Comme vous le savez, le dumping consiste à vendre un produit à un prix inférieur à son prix de revient, pour fausser la concurrence. Et c’est interdit, d’un point de vue économique. Pourtant, sur un plan énergétique et agricole, c’est bien ce que nous faisons tout le temps : produire des aliments en dépensant plus d’énergie qu’ils n’en rapportent ! Interdire ce dumping énergétique pourrait être une mesure saine pour prévenir une double crise alimentaire et énergétique aux conséquences dramatiques.
Faisons le pari que le simple fait de porter le sujet à l’OMC, ou de brandir la menace d’une interdiction unilatérale, aurait déjà le mérite d’attirer l’attention des principaux acteurs et des médias économiques et peut-être, soyons fous, d’enclencher ou d’accélérer des programmes de transition vers des modes de production et de distribution agricole moins énergivores, et de favoriser le développement d’une agriculture locale et vivrière.
Je vois un autre aspect vertueux à cette approche, et non des moindres : elle redonnerait aux produits alimentaires leur vraie valeur, c’est-à-dire leur valeur nutritive, et non leur valeur économique. Et aucun trader ne pourra jamais spéculer sur la valeur nutritive de nos aliments !
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Maire adjoint (EELV) du 11e arrondissement de Paris, Chargé des Transports et des Déplacements |