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Indicateurs de Développement Durable

Par Anne Musson
30-05-2014

Une semaine à Harvard

Sustainability over the world

San Servolo, lagon de Venise. Durant plusieurs siècles, cette île abrita un couvent et sous décision de Napoléon 1er, elle devint un asile. Aujourd’hui, l’Université Internationale de Venise y est légion et ne vivent ici que des étudiants, venant des quatre coins du monde. Cachée dans le labyrinthe de ces quelques bâtiments, une terrasse surplombe le lagon, on peut alors admirer Venise un verre de Prosecco à la main. Et quand le soleil se couche, la magie peut commencer à opérer.

Nous étions 30 jeunes chercheurs, travaillant sur les thématiques du développement durable (plus précisément sustainability, mais le mot « soutenabilité » n’est pas encore intégré dans le dictionnaire français, contrairement à « selfie » ou « vapoter »), réunis ici par l’Université d’Harvard. Les premiers mots échangés ont été agrémentés des « cheers », « salute » et autres « saùde ».

Sur le toit du monde, 5 chefs d’orchestre nous ont questionné sur l’utilisation de nos instruments et nous ont laissé imaginer le son d’une symphonie. Morceaux choisis.

La nécessaire pluridisciplinarité

Les sciences liées à la soutenabilité s’entrechoquent. L’environnement comme l’économie se traduisent par des systèmes complexes et dynamiques. La croissance économique, le commerce international, la démographie, la consommation ou la diffusion des technologies ont des impacts biophysiques et sociaux qui eux-mêmes interagissent avec les économies. Quel que soit le champ scientifique auquel le chercheur s’intéresse spécifiquement, il doit inscrire sa réflexion dans un contexte global. L’enjeu, pour les scientifiques cherchant à construire un développement durable, est de comprendre ce qu’il se passe en parlant le même langage, en s’écoutant. Et c’est pour ça que nous étions là.

Pourquoi accorder un rôle central à la science économique ?

L’économie constitue l’un des trois piliers du développement durable, et il est particulièrement intéressant de l’étudier sous cet angle, car il s’agit là de remettre l’économie à sa place : un moyen au service d’un objectif sociétal. Il est question, dans la soutenabilité, de maintenir les stocks de capitaux au moins constants. Nous pouvons dès lors identifier cinq types de capitaux : capital naturel, capital humain, capital manufacturé, capital social, capital de connaissances [1].

L’enjeu se traduit alors en deux objectifs principaux :

  1. Comment comptabiliser ces différents capitaux ?
  2. Comment prévoir leur évolution ?

La première question renvoie à la question des indicateurs alors que la seconde soulève le problème des externalités. Effectivement, il est impossible de conclure quant à l’évolution d’un type de capital sans regarder l’impact sur les autres types de capitaux. Comme l’a justement fait remarquer l’une de nos intervenantes, non sans une certaine provocation, la destruction de capital naturel, aux Etats-Unis, a parfois mené à une amélioration de la santé et de l’espérance de vie… Au passage, il convient de remarquer que les externalités ne se résument pas à des externalités de marché, mais elles sont parfois des externalités institutionnelles. C’est ainsi que les réponses convergent souvent vers des arbitrages (courage ?) politiques. Si la tâche semble ardue voir impossible, la mission des chercheurs semblent donc de chercher à identifier ces capitaux et à les mesurer de la manière la plus précise possible. S’il est impossible de tout prévoir, il l’est tout autant de ne rien prévoir.

Nos priorités

A la fin de cette semaine de cours et d’échange, il nous a été demandé, par groupe de 5 ou 6, d’identifier deux problématiques prioritaires en matière de développement durable, d’abord en tant que citoyen, puis en tant que scientifiques. Nous devions tomber d’accord en 20 minutes, et la magie a opérée. Comme un ouragan d’optimisme, 30 jeunes chercheurs venant des quatre coins du monde ont dessiné, d’un commun accord, ce qui devait nous mobiliser, nous envoler, ensemble, nous, citoyens, scientifiques, pour rendre ce monde soutenable…et guider la troupe.

  • Quelques pensées unanimes…
    • Agir au niveau local, penser à la globalité. Nous n’avons rien inventé, cette formule date de 1972. Mais elle apparaît plus que jamais vrai. Le développement durable se construit avec les citoyens, sur les territoires infra-nationaux, là où chacun s’entend et s’implique. Au niveau mondial, la coordination et la coopération semblent autant nécessaire qu’utopique, mais, alors que nous étions plus de 15 nationalités autour de la table, elle apparaissait juste…simple et évidente.
    • Impliquer davantage (tous) les citoyens dans les décisions. Davantage de démocratie participative.
    • Deux problèmes majeurs apparaissent : les problèmes environnementaux, au premier rang desquels le changement climatique, et les inégalités. Deux leviers d’action prioritaires : l’éducation, et l’innovation.
    • Mesurer le véritable développement d’un pays et mettre fin à la toute puissance du PIB. Il s’agirait de mesurer la soutenabilité au niveau global et le bien-être au niveau local.
  • …et des questions :
    • Comment intégrer davantage les sciences liées au développement durable aux choix et décisions politiques ?
    • Comment impliquer les responsables et décideurs politiques ?

Made in World

Persisteront ces quelques points dans ma tête de chercheuse, les questionnements scientifiques et le bouleversement intellectuel.

Mais plus que tout, l’expérience vécue au cours de cette semaine fut la source d’une émotion incroyable –que j’aimerai partager, et que je vais donc par conséquent essayer de décrire. Par delà les frontières, et bien au delà de l’Europe, nous nous sommes compris. Nous avons échangé, beaucoup, sur nos différents travaux et nos approches, pourtant parfois bien éloignées les unes des autres. Nous parlons tous d’inégalités, notre but est incroyablement commun, nos priorités sont des accords. Il fut tant question de bien-être.

Si l’avenir du développement durable ressemble au casting d’Harvard, il sera impliqué, impliquant…et très, très fun.

Made in France

You know Anne, you’re the first nice french girl I met.

Quand vous entendez ça, et que c’est la 6ème fois que l’on vous le dit (true story), vous vous dites que vous avez déjà gagné votre semaine. Il y a matière à réflexion plus profonde, et elle est fascinante. Le fleuron du Made in France ne semble pas du coté de Moulinex ou du TGV, mais bien de cette French Touch. Italiens, américains, allemands, brésiliens…tous semblent à la fois fatigués et fascinés par ce qu’il convient d’appeler l’arrogance et la prétention françaises. L’énorme avantage réside dans le fait que, si finalement vous n’avez rien d’arrogant mais l’esprit et le cœur ouverts, ne reste que la fascination. Puisse Arnaud Montebourg m’entendre…

[1] Leur description pourra sans nul doute faire l’objet d’un prochain billet.

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