Indicateurs de Développement Durable |
Par Anne Musson |
SAFE, un nouvel indicateur de soutenabilité |
Une bonne surprise s’est glissée au cours de ma veille scientifique en matière d’indicateurs cette semaine… Dans un article publié dans « Ecological Economics », Phillis, Grigoroudis et Kouikoglou [1] nous proposent un nouvel indicateur de soutenabilité. Ils ont ainsi donné naissance à SAFE, pour « Sustainability Assessment by Fuzzy Evaluation », ou lui ont plutôt donné un écho, puisqu’un premier jet de cet indicateur était apparu en 2001 [2], avant d’être progressivement développé [3] .
La structure de l’indicateur est décrite dans le schéma joint.
La soutenabilité globale d’un pays, appelée OSUS est la combinaison de la soutenabilité écologique (ECOS) et de la soutenabilité sociétale ou humaine (HUMS). Ces deux composantes sont alors divisées en variables secondaires : l’eau, la terre, la qualité de l’air et la biodiversité pour ECOS et les aspects politiques, le bien-être économique, la santé et l’éducation pour HUMS. Pour chaque variable secondaire est mesurée la pression (PR), l’état (ST) et la réponse (RE), l’idée, venant de l’OCDE, étant que l’humanité exerce des pressions sur son environnement qui altère celui-ci (état) et amène à une réaction de la société (réponse). La combinaison d’indicateurs permet alors de mesurer chaque dimension de chaque variable. Finalement, SAFE utilise 75 indicateurs mesurés et mesurables pour 128 pays.
Les auteurs procèdent de la façon suivante :
Au risque de vous perdre, ou au minimum de vous ennuyer, je n’irai ici pas plus loin dans les détails techniques…
L’analyse de la sensibilité apparait comme un début de réponse, et c’est une innovation dans le monde des indicateurs, qui me semble, d’un point de vue scientifique et pragmatique, très intéressante et pertinente. En effet, elle permet d’identifier les priorités d’action, alors que souvent, améliorer une variable provoque la détérioration d’une autre (par exemple, développer l’énergie éolienne permet d’améliorer la catégorie « énergies renouvelables » mais elle risque dans le même temps de détériorer la catégorie « biodiversité »). SAFE clarifie la situation, et l’adapte au contexte de chaque pays, et c’est là un important progrès.
Mais le chemin est encore long, car si les décideurs politiques veulent comprendre pourquoi ils doivent améliorer telle ou telle variable, ils vont se heurter à la très absconse apparence de l’indicateur… SAFE n’est pas une construction limpide, et en cela il limite clairement son écho et son impact. D’où l’importance de sa vulgarisation !
En pièce jointe vous trouverez également le classement.
Les dix premiers pays en termes de soutenabilité sont européens, et on retrouve les habitués du top : la Suisse, la Suède et la Finlande se partagent le podium (la France se place en 7ème position). Les résultats semblent similaires à ceux obtenus par les autres indicateurs de soutenabilité, comme l’ESI par exemple, surtout si l’on sépare la soutenabilité sociétale de l’environnementale. Il parait d’ailleurs très important d’observer les deux variables primaires, de nombreux pays développés compensant un mauvais score en soutenabilité environnementale par un bon score en matière de soutenabilité humaine, le meilleur exemple étant les Etats-Unis.
En conclusion, bravo à ces chercheurs grecs qui font avancer le débat en matière d’indicateurs de développement durable, spécialement grâce à leur analyse de sensibilité… et ouvrent la voie à de nouvelles améliorations !
[1] Phillis Y.A., Grigoroudis E., Kouikoglou V.S., 2011. Ecological Economics 70, pp. 542-553
[2] Phillis, Y.A., Andriantiatsaholiniaina, L.A., 2001. Sustainability : an ill-defined concept and its assessment using fuzzy logic. Ecological Economics 37 (3), pp. 435–456.
[3] Andriantiatsaholiniaina, L.A., Kouikoglou, V.S., Phillis, Y.A., 2004. Evaluating strategies for sustainable development : fuzzy logic reasoning and sensitivity analysis. cological Economics 48 (2), pp. 149–172 ; Kouloumpis, V.D., Kouikoglou, V.S., Phillis, Y.A., 2008. Sustainability assessment of nations and related decision making using fuzzy logic. IEEE Systems Journal 2 (2), pp.224–236 ; Phillis, Y.A., Kouikoglou, V.S., 2009. Fuzzy Measurement of Sustainability. Nova Science Publishers, New York.
[4] Fuzzy= principe généralisable et non précis. Cette logique peut être utilisée pour modéliser des phénomènes, elle exige la fixation de seuils pour délimiter des ensembles et définir des classes.
Docteur en économie et écologie humaine Maître de Conférences en économie |
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