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Indicateurs de Développement Durable

Par Anne Musson
25-05-2011

Les habitants les plus « riches » du monde sont-ils heureux ?

Du Rapport Stiglitz aux nouvelles mesures de richesse et de bien-être

(Getty images)
Les luxembourgeois, même s’ils ont été dernièrement coiffés sur le poteau par les qataris (en 2010), ont la réputation d’être les plus riches du monde : leur PIB par habitant(en parité de pouvoir d’achat) est, de manière récurrente, en tête du classement mondial. Mais, pour autant, le Luxembourg est-il « the place to be » ? A quoi sert toute cette richesse ? Est-elle également répartie ? Equitablement ? Et surtout, permet-elle le bonheur de ses habitants ? Ces dernières années, le débat sur les limites de l’indicateur phare de « richesse », le PIB, a connu des échos sans précédent, notamment grâce au tonitruant Rapport Stiglitz…mais on reste assurément sur notre faim, car, depuis la remise de ce rapport…plus rien ne s’est passé. L’initiative luxembourgeoise visant à mesurer le bien-être de ses habitants est une occasion de faire le point.
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Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’Economie en 2001

Le Rapport Stiglitz…et après ?

Le 14 septembre 2009, la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussiremettait à Nicolas Sarkozy son « Rapport sur la Mesure de la Performance Economique et du Progrès Social » . Le Président de la République Française promettait alors, à travers un discours exalté et exaltant, un formidable élan à l’élaboration et l’utilisation de nouveaux indicateurs de richesse et de bien-être . « Il y aura un avant et un après cette Commission », disait-il, « il y aura un avant et un après ce rapport », et d’affirmer que « le débat sur les conclusions de ce rapport, la France l’ouvrira partout. Elle le mettra à l’ordre du jour de toutes les réunions internationales, de toutes les rencontres, de toutes les discussions qui ont pour objectif la construction d’un nouvel ordre économique, social, écologique mondial ». Force est de constater que l’on a rarement vu Nicolas Sarkozy se promener au sein des réunions internationales le Rapport Stiglitz sous le bras, et, près de trois ans plus tard, on en venait à se demander si ses recommandations ne s’étaient pas envolées avec la tempête économique et financière (alors même qu’elles en étaient issues).

L’initiative luxembourgeoise

Etonnement, c’est un rapport commandé par le gouvernement luxembourgeois , qui dirige le pays dont le PIB par tête est le plus élevé au monde (cet indicateur de richesse leur est donc pleinement favorable), qui non seulement remet le Rapport Stiglitz au goût du jour, nous démontre tout son intérêt et ses multiples apports (qui n’étaient pas mis en doute), mais surtout nous expose ses prolongements, et l’utilisation qu’il en est actuellement fait. Loin de l’écho médiatique dont le rapport a bénéficié lors de sa remise, c’est maintenant dans l’ombre que les statisticiens de divers organismes effectuent un travail de fond pour mettre en application ses recommandations. L’INSEE a été la première à proposer des prolongements aux travaux de la Commission Stiglitz, et a réussi à entrainer avec elle Eurostat et l’OCDE, et par là même des instituts statistiques nationaux issus d’autres pays européens. Si les statistiques et les indicateurs correspondants tardent à être publiés, c’est qu’il s’agit d’un travail long, complexe et controversé : comme tout travail scientifique, il est préférable d’aller doucement mais surement…et de manière rigoureuse. Le Projet PIBien-être mené conjointement par le Conseil Economique et Social et le Conseil Supérieur pour un Développement Durable du Luxembourg illustre parfaitement cette réalité. Commandé en avril 2010 par le Premier Ministre, le Rapport Technique proposé en Mars 2011 s’avère riche, complet, et propose une sélection d’indicateur. Ceci ne constitue qu’une étape de l’évaluation du Bien-être : demeure à décider les modes de calculs des variables (qualitatif/quantitatif) et surtout leur pondération, exercice très sensible (cf post précédent).

Actions globales, comparaisons internationales et spécificités locales

Au sein de ce rapport d’étape, quelques constatations et choix méthodologiques méritent d’être soulignés. Les différents experts consultés mettent en avant la nécessité d’indicateurs globaux, permettant de comparer les régions ou pays au niveau européen, voir mondial, mais également l’absolue nécessité de prendre en compte les spécificités locales. On ne peut évaluer le bien-être de la population de manière universelle, celle-ci est souvent relative [1] . Ainsi, les indicateurs identifiés comme spécifiques au Luxembourg sont les suivants :
-  Coût du logement ;
-  Nombre de logements achevés par an ;
-  Programmes locaux à la TV ;
-  Conservation de la langue locale ;
-  Proportion de gens pouvant parler la langue locale ; De même, les indicateurs suivants n’ont pas été retenus :
-  Population des oiseaux nicheurs/communs (il s’agit d’un indicateur non pertinent pour le Luxembourg du fait que les oiseaux communs ont tendance à se multiplier et que les « petits » oiseaux ont tendance à disparaitre) ;
-  Participation aux élections législatives (l’indicateur n’est pas pertinent étant donné le caractère obligatoire du vote lors des élections législatives). Il s’avérerait donc pertinent de décider d’indicateurs globaux et/ou de référence au niveau mondial et européen (cela pourrait être effectué par la Banque Mondiale, les divers organismes de l’ONU, l’OCDE ou encore EUROSTAT), permettant la comparaison et l’harmonisation des statistiques nationales mais qui serviraient également de « feuille de routes » pour décider d’indicateurs purement nationaux, voir intra-nationaux (arbitrage à effectuer par les organismes nationaux). Faisons un parallèle avec notre constatation précédente concernant le travail de longue haleine de chaque organisme : une étroite collaboration entre eux semble de surcroît nécessaire.

Quant à savoir si les luxembourgeois se sentent aussi heureux qu’ils semblent riches, d’après leur PIB par habitant, il faudra encore un peu de patience… A suivre donc !

[1] Le Professeur Andrew Clark explique que si le bien-être est fonction du revenu, il l’est de manière relative. Le fait de savoir combien possède une personne ne suffit pas, mais il faut aussi savoir ce qu’elle possède par rapport à une autre qui représente un niveau de référence. De même, il faut prendre en compte l’axe temporel, qui explique en quelque sorte que l’individu « s’habitue » au bonheur. Dans la lignée de ses recherches, Clark montre par exemple qu’un chômeur en couple va être plus heureux si son conjoint est également au chômage que s’il travaillait, cependant, il serait plus satisfait s’ils travaillent tous deux(!).

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