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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
24-09-2011

Une école durable est-elle possible ?

L'Education nationale en général, et chaque école, en particulier, est devenue le réceptacle de tous les espoirs et exigences de la société. Il faut y parler des problèmes de santé, éduquer à la sécurité routière, sensibiliser les enfants aux droits de l'homme.... L'enseignant est devenu, à son corps défendant, le canal obligé d'une éducation multiforme qui reflète la complexité croissante de nos sociétés. Alors, dans ce processus, l'enseignement au développement durable semble une nécessité incontournable.

Interrogeons cette évidence car nous allons voir que cela n’est pas aussi simple que cela.

1- L’enseignement au développement durable :

L’éducation au développement durable a été véritablement lancée dans le système éducatif français par la circulaire du 8 juillet 2004 mais les prémices de cette préoccupation du ministère de l’Education nationale se trouvent déjà dans la circulaire du 29 août 1977 consacrée à « l’éducation des élèves en matière d’environnement ».

Cette éducation se veut ancrée dans toutes les disciplines, multipliant les modalités et les points de vue, travaillant de manière systémique. Cette éducation, dans son essence même, se voit comme une initiation à la complexité. Travaillant sur des études de cas précis, l’enseignant et ses élèves découvrent ensemble une situation particulière, souvent locale, qui donne de « la chair » et permette de comprendre ses enjeux environnementaux, ses interactions avec les réalités économiques et sociétales.

Cette démarche séduisante a pourtant ses limites. Si la discipline peut être travaillée dans toutes les disciplines, les sciences et la géographie sont celles qui se prêtent le mieux à son utilisation.

Les programmes ont donc évolués pour tenir compte de cette nouvelle approche. Mais, face à elle, les enseignants sont souvent mal à l’aise.

Elle nécessite en effet une véritable remise en cause de leur travail. S’agissant d’une approche « politique » (au sens noble du terme), le développement durable bouscule les croyances et les convictions de certains d’entre eux, qui font preuve, en temps que citoyen, de scepticisme face à l’écologie.

Peut-on enseigner correctement le développement durable quand on est convaincu personnellement que le réchauffement climatique et les travaux du GIEC sont discutables, quand on est passionné, par exemple, de motos ou de voyages sous les tropiques ? L’enseignant rencontre parfois la contradiction entre sa vie quotidienne, ses convictions personnelles et les exigences de sa fonction.

Le ministère reconnaît d’ailleurs qu’il est difficile « d’identifier une définition simple et acceptable pour tous du développement durable, un concept encore en construction ». Il est difficile pour l’enseignant de s’emparer de savoirs imprécis et fragiles qui bousculent les certitudes de sa formation universitaire et les cloisonnements de sa discipline.

De plus, l’expression de développement durable est devenue redondante dans tous les discours : politiques, chefs d’entreprise et journalistes l’emploient à tort et à travers alors même qu’elle est discutable et fragile. Dans ce contexte, il est difficile de donner de la cohérence à un sujet aussi versatile et trivial.

Aussi, si l’éducation au développement durable est une nécessité incontournable, il ne faut pas s’en contenter. L’école durable peut prendre d’autres formes que l’on voudrait décrire ici.

2- L’école, une communauté durable :

Alors que les préoccupations environnementales ont occupé le champ des programmes, et commencent à entrer dans les classes, il est encore bien rare de voir des établissements scolaires s’intéresser à cette question.

Or, une école est d’abord un lieu de vie où, chaque jour de l’année scolaire, des centaines de personnes (élèves, personnels, parents) consomment de l’énergie, de l’eau, mangent et produisent des déchets. Une école émet du carbone comme une entreprise.

Cet angle d’attaque du problème présente l’intérêt de toucher à la vie quotidienne des gens et peut avoir un retentissement considérable car l’école touche l’ensemble de la population.

Dans l’établissement de vos enfants, le tri des déchets existe-t-il ? Lieu de passage et de vie, l’école peut se révèler un lieu de collecte de certains déchets (ampoules, piles, etc...).

Les cantines scolaires peuvent devenir une « force de frappe » considérable dans la généralisation de l’usage de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique.

A l’école, source de déplacements quotidiens pour les élèves, les parents et le personnel, une démarche de promotion des modes de transport « doux » est possible (transport en commun, co-voiturage).

Ces quelques exemples montrent qu’il y a de nombreuses actions possibles : les établissements scolaires ayant intégré une démarche Agenda 21 sont pourtant rares.

La multiplicité des missions fixées aux établissements, l’inflation croissante des tâches dans un contexte de réduction budgétaire ne facilitent pas l’implication des équipes. On sait aussi que l’impulsion donnée par les cadres du système (personnel de direction,inspecteurs) est cruciale. Or, ceux-ci ne sont pas toujours sensibilisés, et encore moins formés, à ces questions.

Alors que peut-on faire de plus ? Et bien, il est possible d’aller plus loin en s’intéressant aux établissements scolaires comme des écosystèmes dont il faudrait développer la durabilité.

3-Les bâtiments scolaires, des lieux à transformer :

Marqué par la démocratisation et la massification, le système scolaire français est constitué autour de bâtiments construits, dans leur grande majorité, entre les années 30 et les années 70.

C’est dire si les écoles, collèges et lycées sont, en général, de véritables passoires énergétiques. Les prix croissants de l’énergie sont d’ailleurs en train de mettre les établissements en difficulté. Leur budget n’augmentant pas ou peu, les collèges et les lycées sont obligés de réduire leurs crédits pédagogiques pour payer leurs factures de gaz, de fuel et d’électricité.

Certes, la décentralisation, à partir des années 80, a permis aux collectivités territoriales de reprendre la main. Ce qui les autorise, pour les nouveaux établissements neufs, à construire des établissements aux labels HQE ou BBC. Mais la très grande majorité des établissements n’en bénéficient pas.

Proposons de transformer le parc d’établissements en bâtiment à énergie positive : en installant une « peau » extérieure isolante, en mettant des mini-éoliennes et des panneaux solaires sur les vastes toits des bâtiments scolaires, en installant des systèmes de récupération d’eau et des toilettes sèches, on transforme la vie et l’organisation des établissements.

Si on associe les membres de la communauté éducative à l’élaboration du projet, on fait avancer la cause environnementale bien davantage que par quelques actions ponctuelles ou par l’étude de quelques cas en géographie. L’élaboration de ce projet peut devenir un objet d’étude pédagogique pour les élèves.

Voir et faire évoluer l’établissement comme un écosystème peut aller encore plus loin : si on possède, derrière un bâtiment, un espace vert, on peut y installer un potager, des ruches ou une mare pédagogique.

Certes, on va me rétorquer qu’en ces temps de disette budgétaire, l’Etat et les collectivités territoriales n’ont pas d’argent à mettre dans ces coûteuses opérations.

Mais la recherche de l’autonomie énergétique des établissements scolaires présente le double intérêt de participer à la relance du secteur du bâtiment et de limiter les dépenses énergétiques qui plombent notre balance commerciale.

On pourrait accélérer le processus, développer les initiatives et favoriser son financement, en demandant une petite contribution incitative aux établissements, contributions utilisés pour payer, en partie, les travaux.

Si le développement durable veut devenir une préoccupation centrale dans l’école de demain, il ne faudra pas seulement qu’elle pénètre dans les classes, il faudra aussi changer le mode de vie quotidien des membres de la communauté éducative, il faudra faire évoluer les bâtiments où ils vivent.

COMMENTAIRES ( 4 )
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  • Je vous invite à découvrir "la Ferme des enfants" école Montessori où ce sont les élèves eux mêmes qui construisent également leur collège, en TP en éco-construction. Je propose également d’utiliser la botanique comme outil de base sur http://levillagedessens.free.fr...
    Quelques soient les choix d’enseignement, ce qui est déplorable concerne le manque de philosophie à découvrir pour analyser la teneur des disciplines, et 1 multiplication et sophistication des fournitures scolaires. Ecole ou pas, pour atteindre une saine pérennité, il est obligatoire que les dirigeants sortent de leur hypocrisie. Pour l’instant, le contenu des livres à étudier poussent surtout vers le commercial, l’obéissance aveugle et surtout peu ou pas du tout d’esprit critique...

    27.09 à 15h07 - Répondre - Alerter
  • Bonjour,
    Je suis le directeur du MAVD, le Mouvement Actif pour une Vie Durable, une association d’éducation au DD. Au niveau du rectorat de Rouen il y a une vraie stimulation pour que les écoles, collèges et lycées s’orientent vers une politique EdDD (Etablissement du Développement Durable). Environ 144 établissements en Haute Normandie sont dans cette démarche. MAVD accompagne plusieurs écoles, collèges et lycées avec une méthodologie adaptée à chaque structure.
    Les sujets de l’EdDD font partie intégrantes des programmes, les actions visualisent bien les envies des élèves, parents, professeurs, mairies et partenaires pour travailler ensemble à son niveau sur les enjeux du développement durable...
    Restant à votre disposition pour tout complément d’information....

    27.09 à 12h00 - Répondre - Alerter
  • La Communauté Urbaine de Lille a mise en place dans les écoles primaires et maternelles le tri sélectif des papiers, avec la corbeille ELISE.
    ELISE passe ensuite collecter ce papier, le sur tri pour en optimiser le recyclage et l’envoie dans les filières de recyclage.
    ELISE collecte aussi les piles.

    Un bon moyen pour sensibiliser les enfants, et faire passer par leur intermédiaire un message aux parents.

    Un bon moyen aussi pour réduire les déchets, faire des économies, puisque le recyclage coûte moins cher que l’élimination, et surtout protéger l’environnement en réduisant la pollution, l’utilisation d’eau, d’énergie, de bois, et la prodution de CO2.

    Plus d’informations sur www.elise.com.fr

    27.09 à 11h44 - Répondre - Alerter
  • bonjour, oui il faut que la vie à l’école contribue à conscientiser et à faire évoluer les comportements des futurs adultes, car les jeunes urbains ont perdu les liens sensibles entre comportements et impacts environnementaux. Comme il serait coûteux de transformer tous les batiments existants d’école, il serait judicieux de construire des écoles-auberges autonomes, économes, performantes et instrumentées en sites non raccordés donc peu chers, pour des séjours d’une semaine pour une ou deux classes, pour recréer cette connaissance des liens et contraintes. Associer la vie et la pédagogie. J’ai écrit cela pour le colloque EEDD à Albi Juin 2006. Je peux envoyer à l’auteur et d’autres (mail svp) le résumé et le texte qui développe cette idée IRENEE "Initier un réseau d’écoles de la nature, de l’énergie et de l’environnment"

    27.09 à 11h19 - Répondre - Alerter
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