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FLA, la vraie-fausse association qui audite Apple et Nestlé

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FLA, la vraie-fausse association qui audite Apple et Nestlé
(Shenzen, la « ville-usine » du monde, où la plupart des produits Apple sont fabriqués. Crédit photo : tomislav_domes - flickr)
 
Pourquoi la Fair labor association a-t-elle été choisie pour réaliser les audits de grandes sociétés ? Créée en 1999 par des marques américaines qui l'emploient aujourd'hui, l'ONG est critiquée aujourd'hui pour son manque d'indépendance.
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La bonne nouvelle serait enfin tombée lundi dernier : Apple, après avoir été sévèrement critiqué pour être peu scrupuleux dans le choix de ses fournisseurs, ouvre enfin ses portes à un audit. Comme nous le rapportions la semaine passée sur notre site, l’inspection des conditions de travail chez Foxconn – entre autres –, sur ses deux sites de Shenzen et Chengdu, en Chine, a donc commencé : avec elle, ce sont les dessous de fabrication des Iphones, Ipads et autres produits de la marque à la pomme qui devraient donc être passés au crible. L’organisme recruté par Apple ? La Fair labor association (FLA).

A Terra eco, le nom de cet organisme, spécialisé dans l’inspection du travail, avait déjà récemment résonné dans notre boîte email. A la suite de la reprise d’un de nos articles consacré au travail de millions d’enfants dans les plantations cacaoyères dans les pages d’un de nos partenaires, Le Dauphiné, Nestlé avait souhaité « porter à [notre] connaissance certaines rectifications et précisions relatives à [leur] engagement contre le travail des enfants dans les plantations de cacao », ce qu’il considèrent, bien évidemment, « comme une pratique inacceptable ». Dans ce courrier, Nestlé se félicitait notamment « d’avoir signé un accord de partenariat avec l’association “Fair labor association”, une ONG qui enquête, depuis le mois de janvier, afin de savoir si des enfants travaillent dans les plantations de cacao approvisionnant les usines ».

« Rien de plus qu’une feuille de vigne »

Après avoir raflé ces deux énormes contrats en quelques mois (Apple est le premier groupe high-tech à entreprendre cette démarche d’audit externe, tout comme Nestlé, dans le domaine alimentaire), on est en raison de se le demander : pourquoi la FLA plaît-elle tant aux géants de ce monde ? Avant eux, Nike, Arena, H&M, Adidas ou encore Syngenta avaient aussi succombé aux sirènes de l’audit par la FLA. Lorsque Apple a annoncé avoir elle aussi recours à cette association, les critiques n’ont pas tardé à pleuvoir. « Manque d’indépendance ! », ont alerté de toutes parts les défenseurs des droits du travail.

Il est vrai que cette association ne manque pas « d’originalité » : elle a été fondée en 1999 par des universités et des organismes à but non lucratif, mais aussi par... Nike et d’autres firmes américaines du textile. Depuis, la FLA aurait inspecté quelque 1 300 usines entre l’Asie et l’Amérique latine, et effectivement mis le doigt sur de nombreuses violations des droits humains. Mais pour les observateurs, ce n’est pas suffisant. « La FLA est en grande partie est une feuille de vigne », a ainsi déclaré au New York Times Jeff Ballinger, le directeur de Press for change, un groupe de défense des droits du travail. Le conseil d’administration de la FLA comprend de fait, en plus de représentants d’ONG et d’universités, un tiers de membres issus de grandes marques (Patagonia, Syngenta, Hanesbrands, Russell Brands LLC, Adidas-group et Nike, Inc.). Difficile, dans ces conditions, de conduire des audits dits « indépendants », quand on est soi-même dirigé par les entreprises à investiguer...

Les travailleurs mécontents envoyés loin des regards

Un avis confirmé par l’International labor rights forum (ILRF), une organisation de défense des travailleurs dans le monde. Cible de sa critique, la responsabilité sociale d’entreprise (RSE), ces mécanismes de régulations qu’une société inclut elle-même dans son modèle économique et qui, trop souvent, ne sont qu’un subtil jeu de rhétorique destiné à redorer se blason social... sans vraiment changer la donne pour les employés.

« La RSE est compromise, parce qu’elle ne requiert que la moitié, voire moins, de ce qui est nécessaire pour sécuriser les droits des travailleurs. La RSE, au sens large, définit comment les entreprises repensent les aspects sociaux de leurs sociétés », nous explique Judy Gearhart, directrice exécutive d’ILRF. Pour la spécialiste, ce n’est bien souvent que de la poudre aux yeux : preuve en sont les communiqués de presse publiés par ces entreprises qui, en annonçant de telles initiatives, ne font rien d’autre que se faire mousser. « Quand Nestlé et Apple ont par exemple diffusé l’annonce de leur engagement avec la FLA, ils ont rendu très clair que leur initiatives en matière de RSE porte plus sur la gestion des risques d’entreprise (pesant sur les actifs de la société, comme ses moyens, ses biens, ndlr) que sur les droits du travail... », poursuit-elle.

Pour ILRF, ce n’est rien de moins que le concept de l’audit social qu’il faut remettre en cause, tant il a ses limites pour assurer des droits aux travailleurs. Le hic ? L’audit est une approche « top down » (du haut vers le bas), via laquelle les managers sont incités à agir différemment et de façon socialement plus responsable. « C’est une bonne chose d’améliorer le management des dirigeants, mais certains peuvent aussi chercher à gonfler leurs notes, en coachant leurs employés ou en envoyant les travailleurs mécontents ou trop jeunes loin des regards au moment des vérifications. Cela ne répond pas à ce qu’il est nécessaire de faire, à savoir permettre aux travailleurs d’exprimer leurs droits légaux », commente Judy Gearhart.

Une usine « tranquille » … où des explosions ont tué 4 personnes

Quid des réponses apportées à ces inquiétudes par Nestlé ? « Nous avons choisi la FLA car elle a une bonne connaissance du terrain et elle est capable d’y réaliser des expertises. Il y a 800 000 fermes de cacao en Côte d’Ivoire, c’est un travail de fourmis que de vérifier si des enfants y travaillent », explique Valérie Berrebi, du service de communication de la marque, et qui nous avait adressé le précédent courrier.

« Nestlé ne possède pas ses propres fermes de cacao. En Côte d’Ivoire, il y a peu de coopératives et la situation politique ces dernières années n’a pas aidé leur création. Nous travaillons ainsi avec environ 5 à 6 intermédiaires, ce qui est beaucoup. En Colombie, sur la filière café, nous n’avons par exemple qu’1 à 2 intermédiaires. Sur le terrain, nous encourageons donc le regroupement des cultivateurs de cacao en coopératives, car plus il y a d’intervenants, plus le produit perd de valeur tout au long de la chaîne, notamment pour les cultivateurs. Et c’est aussi là que se joue le problème du travail des enfants : c’est avant tout un problème de pauvreté » complète Jean-Emmanuel Bluet, directeur du développement durable chez Nestlé France.

Quant à l’indépendance de la FLA, la question a bien évidemment fait débat au moment du choix, nous assure-t-on : « Le choix de la maison-mère de Nestlé, en Suisse, s’est fait au vu des résultats obtenus par la FLA sur d’autres filières agricoles. La traçabilité, c’est leur métier, et c’est ce dont nous avons besoin. Je ne peux pas les condamner d’emblée ! Mais nous allons être très transparents, en publiant notamment la première vague d’audits, qui sera réalisée dès cette année. Tout le monde pourra alors juger de leur indépendance. Quant au fait que des industriels siègent au conseil d’administration de la FLA, ça n’a rien d’inédit, c’est le cas dans de nombreuses filières », poursuit le directeur du développement durable.

Face aux critiques, la FLA, elle, ne se démonte pas. Quelques jours après le début des inspections, Auret van Heerden, le président de la FLA, chante déjà les louanges des usines de Foxconn, rapporte le New York Times. Présent en Chine, il aurait notamment déclaré « que les conditions physiques de travail sont loin, loin au-dessus de la moyenne des normes » observées dans les usines en Chine. « J’ai été très surpris, alors que je foulais le sol de Foxconn, de la tranquillité ressentie comparée à toute autre usine à vêtements », a-t-il ajouté. Une description qui dénote avec la teneur d’autres témoignages, relatant des menaces environnementales et sanitaires, des semaines de travail de 70 heures et plusieurs suicides. L’an dernier, en sept mois, deux explosions avaient tué 4 personnes et en avaient blessé 77 autres. C’est sûr, Foxconn a tout d’une usine « tranquille ».

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Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

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  • Ce que fait la FLA est largement suffisant pour répondre aux objectifs de l’entreprise commanditaire : protéger l’image de la marque aux yeux des clients. Ces derniers entretenant un relation fort peu rationnelle avec la marque et ses produits, il suffit qu’on trouve quelqu’un pour leur dire ce qu’ils ont déjà envie d’entendre. FLA fait très bien l’affaire.

    Pour les Apple-maniacs, quiconque tentera de ternir l’icône sera automatiquement classé parmi les envieux, les empêcheurs de tourner en rond, les ringards, bref tous ceux qui par tare ou perversité, sont incapables de prendre part au progrès authentique, innovant, radical... « Des explosions, des morts, des suicides ? Ce se serait pas un peu exagéré ? Limite désinformation ? Comme quand on nous a dit qu’on était espionnés par nos iPhones. Ah, ça c’était vrai... Oui, mais non... Je suis sûr que c’était pas si clair que ça » :)

    23.02 à 19h36 - Répondre - Alerter
  • Bravo pour cet article qui apporte enfin un éclairage nouveaux sur les pratiques volontairement sociales de certaines entreprises.
    L’indépendance devrait être une règle non négociable pour les acteurs de l’audit social (encore plus si l’on parle d’ONG) or il suffit de creuser un peu pour s’apercevoir qu’on en est loin !

    23.02 à 12h57 - Répondre - Alerter
  • Pourquoi détourner le propos du patron de la FLA, il a juste dit que c’était mieux que les usines textiles...

    Je trouve le ton de l’article vraiment peu constructif, c’est quoi votre but : tous pourri, on fait rien ?

    Pouquoi vous ne dites pas que grâce à la FLA tous les employés des sous traitants peuvent joindre par téléphone les donneurs d’ordre (Apple) anonymement pour dénoncer des manquements aux codes de conduites ?
    Pourquoi ne pas dire que la FLA fait elle même des audits surprise sur 5% minimum des fournisseurs chaque années, en plus de ceux diligentés par les marques ?

    Je ne veux absolument pas faire l’éloge absolue de la FLA, mais s’il vous plait soyez objectifs, donner toutes les infos, on dirait presque du TF1 là, vous nous avez habitués à mieux

    23.02 à 11h33 - Répondre - Alerter
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