TE - Qu’est ce qui vous inspire, chez les hommes politiques ?
Cabu - J’essaie de faire ressortir la grimace qui est dans chaque homme. Et puis, le plaisir du dessin guide le trait. Par exemple, Sarkozy est très vivant, c’est drôle à représenter. Comme je trouve qu’il ressemble à un diable, je le dessine avec des cornes. D’autres hommes politiques sont moins expressifs, ou alors leurs traits sont moins marqués. On peut les forcer : je représente VGE avec une bouche en cul de poule, qu’il n’a pas vraiment, en fait. Tout le monde a compris pourquoi...
TE - Que faites-vous de l’image qu’ils mettent tant de soin à construire ?
Cabu - En fait... je ne m’en préoccupe pas vraiment. Mais il m’arrive de continuer à représenter des traits qui ont été volontairement masqués. Mitterrand qui sourit, par exemple, je le dessinais toujours avec de longues dents, même après qu’il se les soit fait limer. Et je mets à Douste-Blazy sa mèche de travers. Il est bien coiffé, à présent, mais...je lui rabats la mèche ! Cela dit, ce n’est pas systématique. Le sonotone de Chirac a vite disparu : ce n’est pas un objet graphique.
TE - Combien la satire est-elle récupérée ?
Cabu - Les hommes politiques sont ravis d’avoir leur marionnette aux Guignols de l’info, c’est vrai. Même s’ils sont brocardés, ils ont besoin que l’on parle d’eux. Et, à part Le Pen qui ne veut pas être associé à des symboles nazis, personne ne me fait de procès en diffamation. .... Mais un dessin reste un espace de liberté, incontrôlable. Je pense que c’est pour cela qu’il n’y a pas de dessinateurs en direct à la télé. Et quand Charlie Hebdo fait sa Une sur "Ces cocus qui nous gouvernent", avec un dessin de Sarkozy dont les cornes de diable ont poussé, je ne suis pas certain qu’il soit ravi...
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