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Prospectus  : la guerre noir sur blanc

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Prospectus : la guerre noir sur blanc
(Crédit photo : DR)
 
Vous pensiez naturellement que les pubs sur papier étaient des tueuses d’arbres ? 13 millions de dépliants tentent de vous convaincre du contraire : elles les bichonnent ! Retour sur une campagne qui force le trait.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Choisis ton camp, camarade. Les prospectus, tu seras pro ou anti. A croire que la France est coupée en deux : ceux qui les aiment d’amour et ceux qui les accusent de tous les maux. Tout remonte à septembre dernier. Cette guerre du flyer débute avec une annonce de Michel-Edouard Leclerc. Le pédégé de l’enseigne homonyme le promet : ses supermarchés seront « zéro prospectus » en 2020. Reste dix ans pour passer progressivement du papier au tout numérique. « Chaque année, près de 18 milliards d’imprimés (1) sont envoyés en France, soit l’équivalent de 830 000 tonnes de papier publicitaire, argumente-t-on chez Leclerc. Chaque foyer reçoit ainsi en moyenne 40 kg de prospectus par an (2) ; une part non négligeable dans l’ensemble des déchets ménagers et un coût de traitement élevé de près de 110 millions d’euros par an pour la collectivité. »

Pour l’industrie papetière, ce coup de communication est un affront insupportable. Antoine Gaillard, du « quotidien des arts graphiques » graphiline.com, crie au greenwashing et lance haut et fort que « les hypermarchés Leclerc déclarent la guerre à l’imprimerie ». En octobre, Laurent de Gaulle, président de l’Association culture papier, publie, lui, une lettre ouverte à Michel-Edouard Leclerc pour « rétablir quelques vérités sur le papier ». Le 30 novembre, ce dernier fait mine de battre en retraite et agite le drapeau blanc sur son blog : « Le papier, le plastique ont leur noblesse et il ne s’agit pas de mépriser le métier de ceux qui les travaillent. Mais n’appartient-il pas aux chefs d’entreprise de ce secteur d’anticiper les évolutions pour mieux les gérer ? » Las, il est trop tard pour désamorcer la bombe. La guerre aura bien lieu.

La campagne

Et le coup suivant est tonitruant. Le 3 février 2011 et les jours suivants, il explose dans nos boîtes aux lettres. 13 millions de livrets de 4 pages y débarquent : des petites bombes de papier imprimées en vert et intitulées « Comment vivrait-on dans un monde sans amour et zéro papier ? » Elles sont lancées par l’Observatoire du hors média (OHM) qui regroupe les pros de l’impression publicitaire. Passons charitablement sur la une et le kitschissime bichon qui brandit fièrement un journal dans sa gueule. Oublions également le logo à cœur rouge qui revendique : « J’aime le prospectus ». Entrons plutôt dans le vif du sujet. La double page intérieure s’ouvre ainsi : « Et si je m’étais trompé, et si on m’avait trompé ! » Quoi ? Un complot ? Presque. Pour l’OHM, on essaie de vous faire croire que l’industrie papetière nuit à l’environnement… alors que c’est tout le contraire. Elle « contribue à la croissance raisonnée de nos forêts (+ 4,3 % par an), au maintien de leur qualité et à la diminution des gaz à effet de serre ». Mais encore ? « En France comme en Europe, le recyclage des papiers/cartons utilisés dépasse 64 %. » Bref, « le papier est un des rares produits à la fois : naturel, renouvelable, recyclable, non toxique et biodégradable. »

Abus de nature ?

Chez certains destinataires de la missive, l’attaque, même affublée d’un cœur et de verdure, provoque l’indignation. Chez les associations écolos aussi. France Nature Environnement réplique aussitôt par un communiqué – numérique, évidemment – dénonçant une « tentative ridicule de désinformation ». Le papier lutte contre l’effet de serre ? S’il « permet de séquestrer temporairement le carbone, sa fabrication, son impression et son recyclage nécessitent la consommation de matières premières et d’énergie. Pour être au final au mieux recyclé, au pire incinéré ou enfoui. Le bilan CO2 est donc négatif. » Il est naturel ? « Le cycle de fabrication utilise des produits qui le sont moins : agents de blanchiment, encres… » Et « le recyclage a lui aussi un impact environnemental » puisque « l’activité de désencrage utilise des produits chimiques et génère des boues ».

Verdict

Entre ceux qui voient tout en rose et ceux qui broient du noir, certains tentent de jouer les Casques bleus. « Je comprends l’initiative d’OHM, déclare ainsi Géraldine Poivert, directrice générale d’Ecofolio, organisme qui coordonne, finance et accompagne la collecte, le tri et le recyclage des papiers. L’amalgame fréquent qui veut que le papier détruit la forêt est faux. Et le papier est un support de communication utile, à condition qu’il soit bien géré : utilisé sans excès, en ciblant bien les marchés et en invitant au tri. Je regrette d’ailleurs que l’OHM n’aborde pas ce dernier point. » Quant à la forme du message, même à l’Observatoire, on admet qu’elle puisse susciter des critiques. « On les entend, assure Dominique Scalia, président de l’OHM. Mais on a eu besoin de prendre la parole, alors que notre profession était attaquée. On est tous conscients des enjeux environnementaux et toute l’industrie améliore ses pratiques. » Dommage de ne pas en avoir fait le centre du message. —

(1) D’après une étude de TNS Sofrès de 2009.

(2) Selon une étude de l’Ifop pour l’Ademe, datée de 2009.


Avis de l’expert : 1,5/5

Hugues Carlier, consultant en responsabilité sociale des entreprises au cabinet « Des enjeux et des hommes » : « Je suis le premier à défendre le média papier – quand il est réellement responsable – et à alerter sur la pseudo-innocuité du tout dématérialisé. Mais ici, la partialité est à l’honneur. J’aurais aimé un message plus pédagogique : incitation au tri, limitation du gaspillage, importance de la traçabilité, labellisation. Et puis, personnellement, je n’aime pas mon prospectus… ni parfois ses conditions de distribution : travail au noir, forçage des codes de porte, etc. »

A lire aussi sur Terra eco :
- la chronique d’Anne-Sophie Novel : Le prospectus qui chiffonne la toile écolo

Sources de cet article

- Le site de la campagne J’aime mon prospectus

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  • AU BUREAU AUSSI, RECYCLONS NOTRE PAPIER !

    Depuis 1997, ELISE crée des emplois durables pour des personnes en difficulté ou handicapées dans la collecte et le recyclage des papiers et déchets de bureau.
    Pionnier de la valorisation des papiers des corbeilles de bureau, ELISE (Entreprise Locale d’Initiatives au Service de l’Environnement) met en place dans les bureaux le tri sélectif, collecte, pèse et sur trie les papiers pour optimiser les bénéfices du recyclage.
    A l’occasion des collectes de papier, ELISE peut aussi enlever, pour les recycler, d’autres déchets de bureau :
    cartouches d’encre, piles, bouteilles et plastiques souples, boites de boisson, lampes, tubes néon, déchets d’équipement électrique et électronique (DEEE).
    ELISE peut aussi effectuer les désarchivages et la destruction confidentielle.
    En 2010, ELISE a collecté dans plus de 3.500 entreprises ou établissements publics, de Région Parisienne et du Nord-Pas de Calais, 9.000 tonnes de papier, permettant d’économiser :
    - 4.500 KWH d’énergie,
    - 270.000 m3 d’eau,
    et d’éviter le rejet de près de 5.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
    101 personnes travaillent chez ELISE, parmi lesquelles 20% de personnes issues de l’insertion et 60% de personnes handicapées.

    Plus d’informations sur www.elise.com.fr

    28.03 à 10h07 - Répondre - Alerter
  • Je suis clairement anti prospectus mais comme je n’aime pas les extrèmes : si c’est pour dématérialiser, mettre en fonction des serveurs énergivores et tous s’équiper de terminaux or,etain...le bilan risque d’etre pire que d’investir dans une rotative (50ans) et d’"écogérer" les forêts et la distribution ...Non ?
    Difficile de peser sur l’industrie du papier quand ceux du matos informatique nous vendent des ordis avec un taux de renouvellement moyen de 18 mois !!
    Mais je suis d’accord avec vos commentaires, c’est juste que j’ai les boules d’avoir acheté une machine à pain et de me rendre compte que la meilleur démarche est de mutualiser (au lieu d’individualiser) et donc d’aller chez le boulanger....

    22.02 à 09h48 - Répondre - Alerter
  • Sérieux ça me fait vraiment complètement halluciner cette campagne. Je suggère d’accumuler tous nos prospectus (et ceux des voisins, etc, pour en avoir le plus possible) et de les amener chez l’OHM :

    2 rue du Docteur Lombard
    92130 Issy-les-Moulineaux

    Une action coordonnée ferait-elle plus d’effet ? Terra Eco, acceptes-tu de fomenter la révolution ? :-)

    17.02 à 09h52 - Répondre - Alerter
  • Aillant vécu à St Gaudens (31), où se trouve une célèbre usine de pâte à papier (classée Seveso), y aillant travaillé et travaillant actuellement dans le domaine du traitement des eaux, je peux dire :
    - que des arbres sont abbattus, même si cette usine travaille avec le label FSC et même si son nouveau propriétaire, un indonésien est le roi de la déforestation..
    - que les 50 000M3/jour (soit 50 millions de litres pour les néophytes :) pompées en Garonne ne sont pas rejetés aussi propres (parfois même assez sales...)

    D’autre part, il faudrait savoir d’où vient la pâte des prospectus ditribués en France, car si les usines françaises semblent respecter globalement les forêts, la pâtes sembelnt importées en quantités importantes de lieux moins pérservés...

    16.02 à 11h19 - Répondre - Alerter
  • Pour être vraiment honnête cette campagne de OHM devrait assumer le coût du recyclage des prospectus distribués dans les boîtes aux lettres.

    Qu’un individu achète un produit papier, c’est sa responsabilité de consommateur, et donc le coût écologique (recyclage ou non) va se répercuter inévitablement sur la collectivité dont il est aussi contribuable. En effectuant l’acte d’achat, il engage du même coup sa responsabilité "écologique".

    Mais qu’une entreprise distribue des prospectus "gratuitement", c’est en fin de compte faire payer au citoyen-contribuable le coût écologique d’un produit qu’il n’a pas réclamé.

    En effectuant cette campagne de distribution de prospectus, OHM trompe l’opinion publique rien qu’en effectuant l’acte de distribution dont il n’assume pas le coût écologique. Cela revient indirectement à voler l’argent de la collectivité, puisque cette distribution n’a pas pour origine un acte d’achat volontaire par les citoyens.

    Avec cette campagne OHM continue donc de propager l’idée selon laquelle la consommation de masse (qu’elle soit de papier ou de pétrole ou toute autre matière première) - qui n’existerait pas sans des campagnes publicitaires de masse - est entièrement assumée par le système économique et n’a pas d’impact écologique négatif. Et OHM a même le culot de prétendre que cette consommation de masse a un bilan écologique positif !

    16.02 à 11h06 - Répondre - Alerter
  • J’avais pas percuté sur le titre :

    "Comment vivrait-on dans un monde sans amour et zéro papier ?"

    Bravo pour l’amalgame. Clairement, la conjonction "ET" indique que les deux sont indissociables. Autrement dit : si vous êtes contre les prospectus, vous êtes aussi contre l’amour. Jolie manipulation verbale. (En plus, c’est bien connu, le papier ne sert qu’à faire des prospectus, donc supprimer les prospectus, c’est supprimer l’amour)

    Pour la prochaine campagne, voici d’autres suggestions (bien noter qu’à chaque fois on utilise "et" pour bien montrer que les deux sont indissociables) :

    "Peut-on vivre dans un monde sans papier et peuplé de terroristes ?"
    (Autrement dit : si vous êtes contre les prospectus, vous êtes pour le terrorisme)

    "Ca vous plairait de ne plus avoir de papier et d’avoir le cancer ?"

    "Que serait un monde sans papier et dirigé par Hitler ?"

    "Pouvons-nous vraiment nous permettre de ne plus avoir de papier et de massacrer tous les bébés africains ?"

    Et pour bien convaincre même les écolos :

    "Peut-on vraiment se passer de papier et ne pas lutter contre le changement climatique ?"

    ou encore

    "Voulez-vous vraiment supprimer le papier et les baleines ?"

    On marche sur la tête. Je suis atterré.

    Je propose que nous collections tous nos prospectus et que nous les entassions sur le pas de porte de l’OHM.

    16.02 à 10h49 - Répondre - Alerter
  • En plus d’être une source de gâchis (des kilos de papier qui vont DIRECTEMENT à la poubelle - ou plutôt dans le bac de recyclage - j’ai du mal à voir comment ce n’est pas du gâchis de ressources, d’énergie pour l’impression et le retraitement, etc), pour moi le gros problème du prospectus c’est qu’il participe à un modèle de consommation qui, disons-le une fois pour toute, n’est pas soutenable. "Regardez ! C’est pas cher ! Vous ne saviez pas que vous en aviez besoin mais c’est en promotion uniquement cette semaine donc dépêchez-vous de venir l’acheter !" nous dit ce précieux prospectus au sujet d’un jouet débile, d’un pantalon de mauvaise qualité ou de chaussures jetables. Donc en plus de finir par mettre le prospectus à la poubelle, on finira par y mettre aussi toutes les saloperies inutiles qu’il nous pousse à acheter. Ca tombe bien, il y a de la place dans les décharges...

    Pour moi, l’enjeu n’est pas écologique (j’ai quand même appris que les prospectus contribuaient à la reforestation, séquestrent le CO2, empêchent le réchauffement climatique, et permettent de nourrir tout le Soudan), mais bien de consommation. Après la publication du rapport du Centre d’Analyse Stratégique sur la consommation durable, la question ne devrait même pas se poser. Le prospectus charge nos poubelles et vide notre portefeuille. Il ne contribue pas à notre pouvoir d’achat, mais bien au chiffre d’affaires des distributeurs.

    16.02 à 10h22 - Répondre - Alerter
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