"Il faudrait agrandir les raquettes et les balles, enlever la table, tracer des lignes au sol et remonter le filet. Avec ça, c’est sûr, nous intéresserions plus de monde". Voilà la solution, ironique, proposée par Thierry pour rendre le tennis de table plus attrayant. Ce pongiste de 35 ans, dont vingt de pratique, ne croit pas à un déchaînement des passions autour de la petite balle de cellulose. Même si celle-ci a officiellement troqué le blanc pour l’orange en 2001. Cette couleur plus voyante est une des nombreuses modifications du règlement adoptées récemment par la Fédération internationale de tennis de table (ITTF), afin de rendre la discipline plus spectaculaire.
L’instant critique
Comme nombre de "petits" sports, le ping-pong voudrait être davantage diffusé à la télévision. Alors il cherche à se vendre, à se rendre plus attractif, quitte à passer par une mue radicale. Une balle plus grosse, donc plus visible et plus lente, des sets en 11 points au lieu de 21, l’interdiction de masquer la balle au moment du service... Toutes ces mesures ont pour but d’atteindre plus vite l’instant critique lors de la compétition, d’augmenter l’intensité des matches et d’allonger les échanges. Bref, d’améliorer le spectacle. Donc d’attirer l’attention des télés. "Ces règles sont mieux adaptées à la culture zapping des téléspectateurs", souligne Hubert Guériau, à la Fédération française de tennis de table. "Passer à la télévision demande une lisibilité immédiate pour tous les publics, de l’expert au béotien", enchérit Jean Paul Clémençon directeur du cabinet du président du Comité national et olympique français. En clair, la première des règles dans le sport télévisé consiste à capter une audience suffisante pour être transformée par les chaînes en espèces sonnantes et trébuchantes, grâce aux écrans publicitaires.
- Illustration : ponofob
Prochain panier... après une page de réclame
S’adapter pour se montrer : le tennis de table n’est pas le seul sport à avoir ainsi devancé les attentes du média roi. Au prix parfois d’un petit lifting, d’une ou deux retouches. Le tennis, avant les autres, avait inventé le tie-break pour en finir avec les parties interminables. Au volley-ball, il n’est désormais plus nécessaire d’être l’équipe qui sert pour marquer des points. Terminés les échanges sans évolution du score et les incessants changements de service. Quant au basket-ball français, il a quasiment calqué ses règles sur celles de la fédération américaine NBA. Les deux mi-temps sont devenues quatre quarts temps, permettant plus de coupures publicitaires. D’autres modifications accélèrent le jeu, comme la réduction du temps de possession de la balle en attaque, passé de 30 à 24 secondes. Le football américain permet également, via ses coupures, de maximiser la réclame à l’antenne. Résultat, quatre heures de retransmission pour une heure effective de jeu.
- Illustration : ponofob
Le ski KO
Pour les beaux yeux de la télé, le ski tente lui aussi le hors-piste. L’ordre des départs en Super-G et en descente a ainsi été modifié pour que les meilleurs ne choisissent plus leur ordre de départ, tuant ainsi du même coup le suspense dès les premières minutes de course. Dans le même souci, le "KO slaloms" a été inauguré. Ces épreuves expérimentales opposent deux skieurs qui s’élancent successivement sur le même tracé. Celui qui effectue le meilleur temps remporte le duel et accède au tour suivant. "Pour l’instant, les résultats obtenus ne sont pas concluants. Des athlètes s’en sont plaints et je n’ai pas vu ces épreuves sur le calendrier des coupes du monde et d’Europe, témoigne Jacques Fourno, conseiller technique national de la fédération française de ski. En fait, la télé est plutôt demandeuse de compétition en parallèle où deux athlètes s’élancent de front, mais cela demande de nouveaux fonds".Arguments existentiels
C’est une évidence, la télévision marque les vestiaires de sa télécommande. Mais, pour les fédérations sportives, quel est l’objectif de ces gesticulations ? Pourquoi passer à la télévision à tout prix ? Le premier argument avancé par la Fédération française de tennis de table est quasi-existentiel. "Nous devons obtenir une meilleure représentativité. Une famille sur 6 possède une table de jeu, 2 millions de balles se vendent par an et Jean-Philippe Gatien est l’un des sportifs français les mieux payés".La tentation du sport-spectacle
Deuxième argument : la chasse aux financements. Exposée à la télévision, une discipline sportive peut attirer des sponsors qui transformeront les sportifs en hommes sandwich filmés en contre-plongée. Les bénéfices du sponsoring serviront les œuvres de la discipline en question, capable d’offrir à ses athlètes des conditions d’entraînement plus confortables. Une chance supplémentaire dans la quête de la victoire finale. Problème : tout le monde ne passe pas à la télévision. D’après le CSA (1), entre 1994 et 1999, 60 sports ont eu droit au moins à une retransmission télévisée sur les chaînes hertziennes. Mais douze d’entre eux se sont partagés à eux seuls 82% du volume total de la programmation. D’où la tentation de "sacrifier au sport-spectacle", comme le concède le président de la FFTT Gérard Velten.Articles liés
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