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20-08-2010
Mots clés
Politique
France
Interview

Eva Joly : « Je sens une vague d’amour »

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Eva Joly : « Je sens une vague d'amour »
(Crédit photo : Marie-Lan Nguyen)
 
Retraites, décroissance, taxe carbone… Pour « Terra eco » et depuis les journées d'été des écologistes, la députée européenne fait le point sur ses engagements, alors que sa candidature à la présidentielle de 2012 se profile.
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Terra eco : L’âge légal de départ à la retraite à 60 ans, en faites-vous une « question de principe », pour reprendre les propos de Cécile Duflot ?

Eva Joly : « Nous vivons dans une société où plus de 60% des personnes qui prennent leur retraite à 60 ans sont au chômage. Prolonger la période de chômage avant leur départ en retraite ne règlerait donc rien. Reculer la retraite reviendrait à payer l’allocation chômage au lieu d’une pension. Je ne nie pas qu’il y a un problème de financement des retraites mais on peut trouver des financements grâce à une plus juste répartition entre le travail et le capital. Il faut d’abord rediscuter cette fameuse courbe de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr) qui montre que les salaires ont perdu du terrain par rapport au capital ces trente dernières années. La retraite fait partie de cette courbe-là. On ne peut pas obliger ceux qui ont déjà perdu 10% de leur pouvoir d’achat à continuer de travailler, il faut une forme de rééquilibrage. Je suis donc pour le maintien de la retraite à 60 ans en le finançant grâce à la rémunération du capital qui a augmenté depuis trente ans. Symboliquement, ce serait une mesure extrêmement forte. »

Donc on maintient l’âge légal du départ en retraite à 60 ans pour tous ?

« Vous voyez bien que les intellectuels, eux, ne prennent pas leur retraite à 60 ans parce qu’ils ne connaissent pas le même phénomène d’usure. D’autant que souvent, ils n’ont commencé à travailler qu’à 32 ans. Pour avoir leur quarante ans de cotisations, ils ne peuvent donc pas partir à 60 ans. Le problème se pose pour ceux qui ont commencé leur carrière plus tôt. Ceux-là ont souvent des problèmes physiques, de fatigue, d’autant plus que les conditions de salariat sont pour beaucoup très difficiles aujourd’hui parce qu’on a rationalisé, supprimé, intensifié et isolé beaucoup de salariés… Je suis pour le maintien de la retraite à 60 ans pour ceux-là, qui ont commencé très tôt à travailler, pour ne pas créer encore plus de déséquilibre. Pourquoi ne pas créer plusieurs âges légaux de départ à la retraite, un système extraordinairement souple, car ça n’a pas de sens non plus d’obliger les gens à partir à la retraite s’ils veulent continuer. J’en suis un exemple, moi qui commence une nouvelle carrière à 65 ans ! On peut trouver des compromis, des contrats de passage doux entre le travail et la retraite. La possibilité par exemple de se mettre à mi-temps avec une rémunération à 80%. Je pense que les écologistes seront porteurs d’idées plus créatrices et plus protectrices pour les plus vulnérables. »

Êtes-vous favorable à la réduction et au partage du temps de travail, à la semaine de 28 heures en quatre jours par exemple, que propose Yves Cochet ?

« Est-ce réalisable ? J’ai observé le passage aux 35 heures. Ça a donné, pour les cadres surtout, des jours de congés en plus, des RTT, qui étaient bien agréables. La réduction et le partage du temps de travail, c’est intéressant pour tout ce qui touche la production. Ça peut être une manière de partager le gain de productivité que nous avons eu ces dernières années, un gain fabuleux. Ce serait une traduction logique de cette hausse de productivité. Mais je ne pense pas qu’on puisse appliquer les même règles au niveau des professions intellectuelles. Je ne pense pas qu’on puisse être – en tout cas ce serait dommage – médecin vingt-huit heures par semaine, quand on a investi des années d’études pour faire ce métier. Comme sur les retraites, on peut imaginer des solutions de réduction du temps de travail à la carte, selon les professions, la pénibilité du travail et les envies de chacun. Là aussi, réduire et partager le travail permettrait de tenir compte des gains de productivité qui ont rendu le travail des salariés plus pénible. Ce serait tout à fait normal que ces gains, qui se sont jusqu’à maintenant traduits par des gains pour les actionnaires, se traduisent aussi par un gain substantiel pour les salariés qui en supportent les contraintes. »

Réduire davantage le temps de travail, est-ce vraiment une idée que vous êtes prête à défendre après le débat que nous avons eu en France sur les 35 heures ?

« J’aime bien la complexité. Les écologistes portent l’idée que le monde est complexe et que les solutions ne sont pas tout l’un ou tout l’autre. Je veux défendre l’idée que les gains de productivité doivent profiter aux salariés, sous la forme de rémunérations supplémentaires, ou de préférence sous la forme d’un partage du travail pour que plus de monde y ait accès. Plus globalement, il faut repenser la répartition des ressources, et pas seulement celles du travail. Ça, c’est une idée encore plus révolutionnaire. »

Autre grand débat de l’année passée, que pensez-vous de la taxe carbone ?

« Il faut une fiscalité écologique, mais il faut que celle-ci soit socialement juste. C’est-à-dire qu’il faut tenir compte des contraintes existantes et ne pas exonérer des champs entiers, les grands pollueurs ou les grands consommateurs d’énergie électrique par exemple. Il faut une taxe sur l’énergie pour nous inciter à réduire notre consommation, qui doit concerner tous les ménages et toutes les entreprises, à condition qu’elle soit juste et qu’elle ne punisse pas les plus pauvres par une plus grande précarité énergétique. »

La taxe carbone imaginée par le gouvernement prévoyait une redistribution, sous forme de chèque vert, pour les ménages les plus modestes…

« Oui, mais il y avait aussi des exonérations trop importantes qui rendaient cette taxe injuste. Donc c’est à revoir, mais à introduire absolument dans notre dispositif fiscal. »

La décroissance, c’est un grand débat au sein des écologistes. C’est un mot que nous ne vous avons pas entendu prononcer pendant ces journées d’été.

« Non, car c’est toute la notion de PIB (Produit intérieur brut, ndlr) qui est à revoir. La croissance que nous mesurons avec un PIB stupide, comptabilise par exemple les accidents de voiture avec les progrès réels. Ce travail-là est encore devant nous. Donc, la décroissance en terme de PIB, je dis oui, mais on peut avoir en même temps une croissance en terme de bonheur et de liaisons sociales. La souffrance de notre société, elle est due aussi à l’isolement, à la solitude, à la précarité. Là, il reste beaucoup de progrès à faire. »

Comment vivez-vous ces journées d’été du rassemblent écologiste alors que l’idée de votre candidature pour la présidentielle de 2012 semble bien accueillie ?

« Ça a été très rapide. Ce qui est sympathique pour moi, ce sont tous les retours positifs que j’ai eus, les militants qui viennent me dire “il faut que tu y ailles, tu es le ciment…”’ Vraiment, il y a une vague d’amour. C’est la fête ! »

Et vous croyez que cette vague d’amour va se prolonger ?

« Ça, on ne sait jamais. Mais vous savez dans une histoire d’amour, il y a une première phase qui est toujours très agréable. C’est ce que je vis. »
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