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25-04-2010
Mots clés
Consommation
Etats-Unis
Portrait

Rebelle philosophe et homme d’affaires

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Rebelle philosophe et homme d'affaires
 
Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, géant des vêtements de sport et de montagne, est un personnage étonnant. Sans carte de crédit ni grosse tête apparente, il gère une entreprise millionnaire où les salariés sont incités à surfer et les clients à consommer moins.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Quand vous êtes un gamin minuscule et affublé d’un prénom de fille (Yvon se prononce « Yvonne » en anglais, ndlr), soit vous sombrez au plus bas, soit vous vous battez pour vous imposer au sommet. » Haut comme trois pommes – 1,64 m –, Yvon Chouinard, fondateur de la société Patagonia il y a presque un demi-siècle, a toujours pris son destin par le col. Ce jour-là, il nous accueille au siège de son empire – 49 magasins dans le monde, environ 1 000 salariés, 315 millions de dollars (236 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2009 – à Ventura, au nord de Los Angeles. Intarrissable sur son combat contre les 40 000 barrages qui détruisent les rivières des Etats-Unis, l’homme en oublie son déjeuner programmé avec un groupe de militants écologistes.

Récemment, il a accepté de tourner une publicité pour American Express dans laquelle il est présenté en défenseur de la montagne. Ce spot, pour lequel il a reçu 400 000 dollars (299 600 euros), a été diffusé lors des Oscars. Lorsqu’on s’étonne qu’il associe son nom à celui d’un établissement financier alors qu’il ne possède ni dettes ni carte de crédit, il ne s’émeut pas. Et réplique que c’est pour la bonne cause : la totalité de la somme a été versée à des ONG militant pour la protection des saumons.

A ses débuts, Yvon Chouinard, né d’un père québécois (d’où le nom franchouillard), fou de pêche à la mouche et d’alpinisme, fabriquait les meilleurs pitons au monde. Depuis, Patagonia, surnommé Pata-Gucci par ceux qui ne peuvent se payer ses doudounes hors de prix, commercialise des équipements pour les sportifs, les amoureux de la nature et ceux qui font semblant de l’être. Alors que les Etats-Unis s’enfonçaient dans la crise l’an passé, l’entreprise enregistrait des bénéfices record. « Les consommateurs ont cessé de se comporter comme des imbéciles et achètent des objets qui durent », avance le patron. « Homme d’affaires malgré lui » – c’est le titre français de son autobiographie –, il reste tout de même à la tête de son entreprise, car il peut ainsi « influencer le monde du business ». Exemple ? « Walmart a frappé à notre porte pour savoir comment nous faisions. » Patagonia et le géant de la distribution développent depuis un « indice de soutenabilité ». En clair, un outil qui permet au consommateur de mesurer l’empreinte carbone des produits qu’il achète, une « étiquette environnementale » à l’américaine.

Tabou de la succession

Bref, tout le monde – ou presque – aime Patagonia et Yvon Chouinard. Un consultant, qui a travaillé avec lui, concède tout juste qu’il est « égocentrique, un trait de caractère propre aux hommes de son calibre ». Selon Michael Kami, expert en stratégie, « Patagonia est une entreprise fantastique, mais impossible à dupliquer. La vraie question est de savoir si elle peut survivre à son fondateur. Ses héritiers parviendront-ils à maintenir ce degré d’exception ? J’en doute. » Pourtant, Patagonia est déjà une affaire de famille : l’épouse d’Yvon, Malinda, l’aide à gérer la société. Et leurs deux enfants, Fletcher et Claire, y travaillent. L’un dessine des planches de surf, l’autre, styliste, inspire les dernières collections. Mais la question de la succession est taboue. L’attachée de presse demande de ne pas la poser à Fletcher et précise que Claire évite les interviews.

La dernière lubie de leur père : convaincre les clients de Patagonia de mettre la main au porte-monnaie le plus rarement possible. « Nous voulons qu’ils achètent un produit pour la vie. Si votre veste est déchirée, nous nous engageons à la réparer. Si vous souhaitez vous en débarrasser, nous lui trouverons un nouvel usager ou recyclerons les matériaux. » Harvey Hartman, pédégé du Hartman Group, qui étudie l’impact des questions environnementales sur les consommateurs, estime que si Yvon Chouinard est très motivé par les causes écolos, ses acheteurs le sont moins. « J’ai beaucoup de respect pour son militantisme. Reste que les fans de Patagonia sont plus séduits par l’image de fan de sports extrêmes que projette la marque que par son aspect vert », juge-t-il.

« Des migraines atroces »

« Philosophe en chef » plutôt que patron d’entreprise, Yvon Chouinard ne possède ni ordinateur ni téléphone portable. Et quand les vagues sont belles, le personnel va surfer avec la bénédiction du boss, fidèle au titre original de ses mémoires, Let my people go surfing (« Laissez mes employés aller surfer »). « Le succès de mon père s’explique par le fait qu’il a toujours voulu briser les règles », estime Fletcher Chouinard qui avoue cependant que, tout petit, il était « terrifié » à l’idée d’affronter les vagues mais qu’il a été forcé par son père à monter sur une planche de surf.

Lorsqu’on demande à Yvon Chouinard en quoi Patagonia est une entreprise verte, il cite une anecdote vieille de vingt ans, mais qui l’a profondément marqué. « Nous avions ouvert une boutique à Boston dans un immeuble rénové par nos soins. Trois jours plus tard, mes employés se plaignaient de migraines atroces car le système de ventilation était défectueux. J’ai voulu savoir pourquoi l’intérieur de ma boutique était si toxique. "La faute au formaldéhyde", m’a-t-on répondu. Or j’ignorais totalement que nos produits contenaient cet agent de conservation extrêmement toxique. » La morale ? « Chez Patagonia, nous n’avons pas réponse à tout, mais nous posons les bonnes questions », conclut-il avant de filer, rappelé à l’ordre par son attachée de presse, à son déjeuner écolo. —


YVON CHOUINARD EN DATES ET EN GESTES

1938 Naissance à Lisbon (Etat du Maine, Etats-Unis)

1964 Diffusion de son premier catalogue (sous le nom de Chouinard Equipment)

1976 Vente de Chouinard Equipment et naissance officielle de Patagonia, baptisée ainsi en hommage à la région la plus au sud du continent américain

1994 Patagonia décide de n’utiliser que du coton 100 % bio et encourage l’industrie du textile à suivre cet exemple

2001 Yvon Chouinard cofonde l’association « 1 % For the Planet ». La structure rassemble des entreprises qui s’engagent à verser 1 % de leur chiffre d’affaires à des organisations militant pour la défense de l’environnement

Son geste vert Il n’est pas végétarien, mais n’achète jamais de viande de bœuf

Sources de cet article

- Photo : Jean-Paul Guilloteau - Express - Rea

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Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

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