Quentin a 10 ans. Il mesure 1 m 34. Un jour, il sera pompier, policier, ou mécanicien moto. Surtout, un jour, Quentin sera millionnaire. C’est décidé. "Je le serai. C’est tout." Fermez le ban. Toute contradiction se heurtera à un regard placide doublé d’une moue décidée. Avec l’argent, il achètera une BMW, une moto Kawasaki, un écran plat, un home-cinéma et un canapé convertible pour mettre dans sa chambre. "Le luxe, la classe, quoi".
Quentin babille, s’agite et bouillonne dans un HLM quatre pièces de la banlieue tourangelle avec sa mère et son petit frère de 7 ans. Dans le porte-monnaie familial : 700 euros par mois composés d’une pension chômage (fin de droit), d’allocations diverses et d’une pension de la CAF pour remplacer celle d’un père éclipsé, à l’ombre, depuis avril. 450 euros de charges diverses laissent le trio avec 250 euros de liquide pour ses besoins quotidiens. Dans trois ou quatre mois tout au plus, le chômage touchera à sa fin.
"J’te parie un million"
Quand on demande à Quentin ce que signifie être riche, il répond : "C’est pouvoir faire ce qu’on veut, s’acheter plein de choses et partir en voyage tout le temps". Et être pauvre ? "Les pauvres c’est ceux qui traînent dans la rue. Quand tu as une maison, tu ne peux pas être pauvre". Et lui ? "Moi, je suis juste normal. Ni riche, ni pauvre. Comme les autres." Avant d’ajouter, parole d’adulte en écho à celle de sa mère : "Je n’ai pas de notion de l’argent". "Pour lui, tout vaut plus ou moins 1 million d’euros, explique Betty, sa mère, un camescope comme un joli manteau. Et il dit toujours ’j’te parie un million’". Comme pour décliner en chiffres l’inaccessibilité d’un objet."Je ne lui cache pas mes difficultés. Il sait juste qu’il ne peut pas tout avoir", confie Betty. Car dans la famille, on essaye de sauvegarder l’essentiel : l’alimentaire d’abord. Une épicerie sociale fournit mensuellement 18 euros d’équivalent nourriture pour 6 euros comptant. Et pour le reste : la débrouille avec l’argent toujours au compteur. Le midi, c’est la cantine à moitié prix pour une alimentation équilibrée. Et le soir c’est système D. "Tant pis si je ne vais pas chez le coiffeur ou si je bois juste un thé quelquefois dans la journée". Autre priorité, les chaussures. Car pour Betty, il est essentiel qu’elles soient neuves. "Je ne veux pas que mes enfants se déforment les pieds avec de mauvaises chaussures".
Restent quelques extras, indispensables malgré tout : un ciné le soir de Noël et des vacances estivales à l’Ile de Ré, en camping sur un terrain dépourvu d’eau et d’électricité. Sauf que cette année, la voiture en panne a mis fin à toute velléité de départ. Résultat : deux mois d’été à la maison. "Je ne me suis pas amusé", confie, laconique et résolu, Quentin. Sûr, quand il sera riche, il ira à l’Ile de Ré. Mieux, il aura "une grande maison près de la mer".
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