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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
29-11-2011

Pour une révolution économique

Dans un récent éditorial, Laurent Joffrin, du Nouvel Observateur, écrit : "concevoir une stratégie alternative, c'est prévoir aussi les moyens de la reprise, c'est-à-dire favoriser l'investissement et la réindustrialisation". Mais avec quoi et pourquoi réindustrialiser ? Pour quelle relance économique ? Les experts sont des gens raisonnables qui pratiquent volontiers la méthode Coué. Mais considérer la relance et la réindustrialisation comme des évidences alors que tous les pays européens coincent à les mettre en place depuis dix ans tourne à l'absurde.

Il faut être lucide : l’Europe ne pourra pas réindustrialiser pour trois raisons : parce que l’Inde et la Chine nous ont dévoré depuis longtemps, -un combat perdu d’avance-, parce que la pénurie de ressources condamne toute industrie "traditionnelle" qui n’est pas pensé dans un système circulaire de réutilisation des matériaux, parce que nous ne disposons plus des capitaux publics et privés pour investir de manière conséquente. Coincés entre nos déficits, notre chômage, nos vieux pays mités par l’urbanisation et les friches industrielles, sommes-nous pourtant condamné ? Non, à condition de trouver le chemin qui mène à une nouvelle révolution économique. L’Europe a connu de nombreuses périodes où son dynamisme a permis de rebondir : la révolution industrielle du textile (fin XVIIIe, début XIXe), celle du chemin de fer et de l’acier (deuxième moitié du XIXe), celle de la production de masse et de l’automobile après 1950, celle de l’informatique et de la numérisation (fin XXe). Nous devons, à notre tour, trouver une nouvelle voie. Mais il ne pourra pas s’agir d’une révolution industrielle, au sens où on l’entend habituellement : des progrès technologiques qui permettent une diffusion de nouveaux produits et de nouveaux modes de vie. Il s’agira plutôt d’une révolution économique singulière car elle permettra le passage à une société durable, c’est à dire autosuffisante et équilibrée. Autosuffisante car elle sera autonome en énergie et en matériaux, où, dès la conception des produits, on pensera recyclage et réutilisation. Equilibrée, car la répartition des ressources, des revenus et du travail sera constitutive de l’organisation sociale. Il n’y aura pas forcément de croissance car les ressources et les espaces seront utilisés de manière à couvrir les besoins d’une population qui aura renoncer aux paillettes du consumérisme.

Aller dans cette direction va nous permettre de sortir de l’horreur économique dans lequel nous sommes tombés. On en sortira par un double mouvement : d’abord, dans un premier temps, se donner les moyens de l’autonomie en ressources et en énergies, va provoquer une révolution économique positive pour l’emploi et l’activité : il faudra équiper nos agglomérations et modifier notre urbanisme pour permettre cette révolution. Cette autonomie nouvelle va permettre d’énormes économies : il faut rappeler que le pétrole coûte 50 milliards par an à la France. Ensuite, la mise en place progressive de sociétés durables et équilibrées va limiter les coûts indirects induits par nos modes de vie déséquilibrées : dégâts de la domination de la voiture individuelle, du stress au travail, du chômage de masse...

Que faut-il faire pour aller dans cette direction ? Il faudra toute une série d’actions politiques volontaristes qui ne pourront être ni de l’affichage d’intentions, ni des politiques réglementaires facilement contournables, ni l’attente interminable de décisions multilatérales. Il faut agir vite et avec efficacité. Pour cela, il n’y a pas de meilleur outil que la fiscalité. Elle agit sur le fluide qui irrigue l’ensemble du corps social : l’argent. Elle permet d’installer des barrières, de choisir là où cela fait mal et là où cela fait du bien. Elle permet d’assécher des zones où l’argent coule à flot et d’irriguer les secteurs qui s’appauvrissent. Revu de détails des différentes actions fiscales qu’il faut mener rapidement et simultanément :

- d’abord, la diminution et la destruction des niches et avantages fiscales qui profitent aux particuliers et aux entreprises les plus puissants. Les gains vont permettre progressivement de sortir du piège de la dette dans lequel nous sommes tombés.
- ensuite l’instauration d’une taxation des flux financiers qui servira à racheter notre dette et à diminuer les intérêts de celle-ci. La conjonction de ces deux mesures vise à retrouver des pouvoirs publics qui peuvent offrir "normalement" les services publics que nous connaissons depuis des décennies et qui pourront recommencer à investir pour la population.

Mais ces deux mesures ne sauraient suffire : le gonflement de la dette provient de politiques économiques inefficaces où l’investissement n’a pas permis d’accroître nos richesses. En rester là serait se condamner à voir la dette revenir. Il faudra aussi mettre en place :
- des tarifs différenciés des consommations d’énergie et d’eau selon le niveau de consommation. La progressivité des tarifs sera plus juste et facilitera la sobriété.
- une taxation progressive des énergies non renouvelables qui permettra d’investir dans les énergies renouvelables. Cette taxation permettra à chaque maison, immeuble ou entreprise d’investir pour devenir autonome du point de vue énergétique.
- une taxation progressive de la voiture individuelle qui permette le développement de systèmes de mobilités complexes offrant, en toute liberté, une offre variée de moyens de déplacements à partir du téléphone portable, offre permettant aux citoyens d’échapper à "l’oppression économique" que constitue la voiture pour chacun.
- une évolution de la TVA vers une TVSE (taxe sur la valeur sociale et environnementale) qui favorise la production locale, l’engagement sociale et environnementale des entreprises, le recyclage et la réutilisation des matériaux utilisés. Si la réindustrialisation est partiellement possible, c’est dans la promotion de la fabrication de produits conçus de manière circulaire.
- une évolution du système de solidarité nationale qui permette aux entreprises et aux salariés de financer le chômage, la maladie et la retraite. Il faudra différencier ceux qui accepteront de partager leurs emplois de ceux qui voudront les conserver en demandant davantage de contributions aux seconds.

Toutes ces évolutions fiscales se feront avec la même démarche :
- les taxations seront très faibles au début, presque inodores, elles augmenteront ensuite selon une progression connue. Cela permettra à celui qui le désire de changer de comportement ou de mode de vie.
- l’argent récoltée sera totalement réinvestie dans les investissements nécessaires pour changer de modes de vie et pour nous sortir des pièges dans lesquels nous sommes tombés : l’énergie fossile chère, l’automobile individuelle à outrance, la consommation de produits inutiles fabriqués dans les ateliers des pays pauvres.
- les investissements se feront en donnant l’argent à ceux qui en ont le plus besoin : les particuliers (sauf les plus riches) et les petites entreprises.

Il manque à cette relance de nos économies un espace, une "nouvelle frontière", des territoires à conquérir : nous n’avons plus en Europe de Far West, d’Amazonie ou de Sibérie à conquérir. Par contre, nous manquons cruellement d’espaces pour combler notre pénurie immobilière. Une solution existe : promouvoir le réhaussement des immeubles existants, mesure qui favorisera l’amélioration du confort des anciennes constructions, leur autonomie énergétique et constituera le secteur clé de la relance économique.

Conclusion : nos experts et responsables manquent souvent d’ambition quand il s’agit de trouver des solutions pour nous sortir de nos crises. En général, ils vont promouvoir de vieilles idées datant du siècle précédent, marquées idéologiquement. Certains ne jurent que par les vertus de la liberté économique, les autres vont faire la promotion de la relance par l’emprunt. Ils ont tous les mêmes défauts : manquant d’imagination, ils ont des représentations et une vision du monde datées et dépassées. C’est à cause d’eux que notre vieux monde s’enfonce chaque jour davantage dans les crises, c’est leur incapacité à penser le monde de demain qui plombe notre avenir.

Cet article a davantage de sens avec ces liens. Il est donc conseillé de le lire sous cette version.

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