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20-12-2012
Mots clés
Consommation
France

Philippe Starck, l’écolo plastique

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Philippe Starck, l'écolo plastique
 
A 63 ans, le designer nourri aux légumes bios et au vin sans sulfites a décidé de ne pas attendre la fin du pétrole pour concevoir les produits de demain, du déambulateur à la maison en bois. Mais pas question d’utiliser des matières recyclées.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Les esprits les plus critiques ne retireront pas à Philippe Starck son don d’ubiquité. Il est partout : au Japon et en Turquie, dans les supérettes et les palaces, les assiettes et les salles de bains, dans la poche arrière des jeans des Franciliens et sous les fesses des esthètes de ce monde. Avec son sweat à capuche, entouré de ses jeunes collaborateurs d’Ubik, son agence située dans le XVIe arrondissement de Paris, il affiche clairement sa préférence pour le statut de « créa » à celui de chef d’entreprise. Certes, notre designer « européen d’origine française » fréquente les milliardaires du monde entier pour lesquels il signe navires et palais. Mais, avec une désarmante souplesse, il défend aussi le design pour tous, qu’il a rebaptisé « design démocratique ».

En privilégiant la production industrielle, en série, il prône la baisse des prix et l’augmentation de la qualité. Le grand écart ne pouvant être plus complet, il planche en ce moment – pour pas un radis – sur un projet de déambulateur avec la ministre déléguée aux Personnes âgées, Michèle Delaunay. L’envie de se rendre utile avec « une série d’objets utilitaires pour redonner la dignité à des gens qui souffrent de problème de mobilité, et de l’image qui les accompagne, précise-t-il. En général, on considère que les personnes handicapées ou âgées attendent juste un service matériel. Mais c’est oublier une partie du travail. » Bien sûr, il refusera d’aborder ses relations avec feu son pote Steve Jobs (il vient de livrer à sa veuve un yacht de 70 mètres) et la question de la durée de vie des produits Apple. Mais il a un avis sur l’obsolescence programmée : « Produire des objets qui s’arrêtent de fonctionner alors qu’ils suffiraient, en l’état, à agrémenter le quotidien de tous ceux qui n’ont ni besoin d’une technologie de pointe ni les moyens d’y accéder, c’est scandaleux. »

Avion privé et dessins satiriques

Philippe Starck produit beaucoup. Et cette boulimie s’accompagne d’un important nombre de voyages. Ce qui lui donne l’impression d’habiter « dans les airs ». Avions de ligne, mais aussi avion privé : pas bon pour le bilan carbone, ça. Qu’à cela ne tienne, Jasmine – son épouse et agent – et lui ne voyagent « que pour le travail » et l’avion privé est de type « turbopropulseur, qui consomme moins qu’un jet ». Nourri dans les années 1970 aux dessins écolo-satiriques, « profondément visionnaires », de Pierre Fournier dans Hara-Kiri, Charlie Hebdo et La Gueule ouverte, Philippe Starck croit fermement en la capacité du génie humain – ou la sienne tout au moins – à relever le défi de l’ère du post-plastique. Pour celui qui a écoulé en dix ans 1,5 million de Louis Ghost, un modèle de chaises en polycarbonate, là encore, ça peut étonner. « Mon action écologique, c’est de laisser les matières naturelles vivantes dans leur élément et de n’utiliser que des matières de synthèse. Laissons le végétal et l’animal là où ils sont. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une volonté. »

Le plastique fabriqué à partir de pétrole de schiste ou de matières végétales, très peu pour lui. « Le pétrole de schiste, c’est un fond de tiroir qu’il faut laisser là où il est. Et hors de question que je fabrique des objets en bioplastique, à partir d’éléments qui se mangent, alors qu’on prédit le retour des grandes famines en 2020-2022 ! Je voudrais éviter d’être celui qui a réalisé une chaise avec de la nourriture. Mes dernières chaises, produites à partir de déchets industriels, ne peuvent pas se manger, les corbeilles à papier Elise non plus. » Et rien à voir avec du recyclé, qu’il exècre : « Le recyclage a été inventé par la société de consommation afin de pouvoir continuer à consommer. Par ailleurs, cela donne une matière de très mauvaise qualité. » En tout cas, il y a urgence. « La fin de l’ère plastique sera un désastre planétaire, surtout pour les pauvres, quand on sait que pour 80 % de la population, les premiers conforts sont issus de cette matière. »

Gamme d’éoliennes individuelles

En 2008, Philippe Starck a lancé une gamme d’éoliennes individuelles, destinées à fleurir dans les jardins. Pas mal houspillé sur le prix de vente trop élevé – compter finalement 7 500 euros contre les 400 euros affichés sur le petit prototype surmédiatisé –, il botte en touche. « En baissant brutalement le prix du rachat de l’énergie par EDF, le ministère de l’époque a cassé la production de l’énergie individuelle. Notre éolienne a été cisaillée, mais il semblerait que le nouveau gouvernement soit en train d’inverser le mouvement. » En attendant le retour de l’éolienne dans les grandes surfaces, il guette la livraison du prototype de sa prochaine maison en bois zéro émission. « Commandée sur catalogue, livrée en trois mois, montée en trois semaines. Une bonne maison, pour un coût proche de celui des logements sociaux. Je ne sais pas pourquoi la plupart des maisons écolos produites ces derniers temps se caricaturent, alors qu’on n’a pas besoin de faire le clown pour prouver qu’on est écolo. L’avenir donnera raison à une architecture élégante et discrète. »

Faire des objets intelligents, beaux et durables, cela a un prix. « Nous savons tous, aujourd’hui, que lorsque nous n’achetons pas assez cher, la différence se paye socialement. Je suis pour le produit à longue durée de vie, la transmission, l’héritage, l’atemporalité des styles, des choses qui font qu’on peut garder les produits plus longtemps. En payant plus cher, on se garantit de l’esclavagisme. »

S’il réussit sans peine à susciter l’intérêt des médias sur chacune de ses créations (1), et le désir chez des millions de consommateurs, celui qui est nourri aux légumes bios depuis trente ans apprécierait que ses convictions écologistes grignotent des parts de marché. « Au salon Marjolaine (un des plus grands salons du bio en France, ndlr), en novembre, sur les vingt producteurs de vin bio avec lesquels je me suis engueulé, l’année prochaine, trois ou quatre auront abandonné le sulfite. Et l’année d’après, ils seront 16 et dans trois ans, tous ! » Pas si bonhomme, en fait. —

(1) Lire à ce sujet la thèse de Christine Bauer « Le cas Philippe Starck ou de la construction de la notoriété » (L’Harmattan, 2003).

Philippe Starck en dates

1949 Naissance à Paris

1979 Crée sa société, Starck Products

1983 Redécore les appartements du Président François Mitterrand

1994 Première maison en bois vendue sur catalogue, celui des 3 Suisses

1998 Crée sa société de produits bios, OAO

2002 Crée le fauteuil Louis Ghost, vendu depuis à 1,5 million d’exemplaires

2012 Relooke, à partir de déchets végétaux, la corbeille de recyclage de l’entreprise d’insertion Elise

Juin 2013 Lancement du nouveau pass Navigo qu’il a designé

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  • La réflexion de Starck est très intéressante en tout point mais elle déborde de contradiction.

    Il critique le jetable et l’obsolescence programmée depuis ses débuts.
    Pourtant il est à l’origine de nombreux produits "jetables" et ou électroniques à la durée de vie très restreinte.
    (Quand il ne dessine pas tout simplement des couverts de tables en plastique jetable).
    Rien que le fait de s’être créé son personnage de designer star (De quel autre designer connaissez-vous le visage ?) programme l’obsolescence de ses créations.

    Il prône le design pour tous, cependant la quasi-totalité des objets qu’il design sont bien plus chers que leur homologues non griffés Starck.

    Il en est de même avec la maison qu’il a designé pour les 3 Suisses en 1994.
    Cette maison est d’après ce qu’il en dit, un véritable manifeste contre "les machines à habiter sans âmes ni confort" que vendaient les constructeurs en France au début des années 90.
    Pourtant, il n’y a qu’un plan : la même maison pour tous !
    Il prônait ce produit comme un produit accessible à tous, toutefois cette StarckHouse pour 3 Suisses nécessite un très grand terrain pour être construite, augmentant de fait le cout de sa construction.
    Aujourd’hui cette maison et le coffret qui va avec, sont devenus de véritables objets de collection, c’était prévisible (et prévu !), et ils s’échangent à des sommes folles en totale contradiction avec la présentation même du projet.

    Mais je trouve que ces contradictions, qui pétrient l’œuvre même de Starck font partis intégrantes de l’œuvre.

    17.01 à 15h14 - Répondre - Alerter
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