publicité
haut
Accueil du site > Actu > Opinion > Non, le Grenelle n’est pas anti-économique !

Non, le Grenelle n’est pas anti-économique !

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Non, le Grenelle n'est pas anti-économique !
(Crédit photo : Frans Drewniak/Flickr)
 
C'est une analyse économique très sévère du Grenelle de l’environnement que vient de livrer la direction générale du Trésor. Le message envoyé est de ceux qu'il faut éviter. Voici pourquoi.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Des économistes du Trésor viennent de publier un document dans lequel ils soulignent les impacts négatifs du Grenelle de l’environnement sur l’emploi et la croissance. Cela me laisse consterné et indigné.

Consterné car, si on voulait tuer le peu de crédibilité qu’il reste au Grenelle, et effacer les rares avancées concrètes qu’il aura permises, on ne s’y prendrait pas autrement. Certes, le document est légèrement plus « nuancé » que les gros titres qu’il aura suscités. Nos économistes reconnaissent, par exemple, qu’ils n’ont pu intégrer dans leurs calculs l’impact du changement climatique, ou celui lié à la stimulation de l’innovation. On peut aussi discuter des hypothèses retenues pour les prix du pétrole et de l’énergie.

Mais le message que retiendront « les gens », c’est que le Grenelle coûtera un demi-point de PIB et 150 000 emplois. Donc qu’il va falloir choisir entre le pouvoir d’achat et la sauvegarde de la planète. C’est sûr, quand vous êtes au chômage ou que vous connaissez des fins de mois difficiles, le choix est vite fait. On revient là au message bien connu : « l’environnement, c’est un luxe de riches qu’on ne peut pas se permettre en temps de crise ».

Indigné, car une fois de plus, après un signal clair venu d’en haut (« L’environnement, ça commence à bien faire »), on se retrouve trahi et abandonné. Lorsque qu’on a participé ou soutenu le Grenelle au nom de l’intérêt général, quitte à mettre en sourdine nos orientations politiques personnelles, c’est un peu comme si ce travail colossal ne valait finalement plus rien.

Certes, on ne pouvait attendre de technocrates sans vision du Trésor qu’ils prônent un changement de paradigme économique. Ce n’est ni dans leur compétences, ni pour cela qu’ils sont payés. Mais ce qui m’inquiète le plus – et c’est ce qui fonde la différence entre l’économie et l’économisme – c’est l’exploitation politique qui sera faite de ce rapport par certains, toujours prêts à surfer sur la crête facile du populisme et de la « république sondagière ».

La seule chose positive qui ressort de tout cela, c’est que ce rapport met aussi en évidence une carence majeure : nous n’avons pas aujourd’hui de théorie macroéconomique capable d’intégrer les limites de la biosphère dans ses modèles de prévision. Les projections économiques issues d’un modèle business as usual peuvent se révéler plus optimistes, mais en faisant abstraction des limites physiques de la planète, elles se trompent. Pourtant, comme les rapports Stern et Sukhdev l’ont mis en évidence, ne pas tenir compte du changement climatique ni de l’érosion de la biodiversité dans nos scénarios « coûterait », en fin de compte, bien plus cher en termes d’emplois et de bien-être que les efforts qu’il faudrait consentir pour en limiter l’ampleur.

Le pilotage « au PIB » – version technocratique du pilotage « au doigt mouillé » ? – ne permet pas une vision globale et systémique, aujourd’hui indispensable, intégrant des paramètres comme l’érosion du capital naturel, les effets de seuils, les effets de la modification du climat ou la dégradation des services rendus par les écosystèmes. Le PIB ne mesure pas non plus le bien-être humain, et ne nous aide pas plus à définir ce qu’il est, d’ailleurs.

Si on croit encore que la politique a un sens, le signal donné par ce rapport, livré tel quel, sans analyse ni complément d’éclairage, est de ceux qu’il faudrait éviter à tout prix. Parlons à l’intelligence des gens, et à leur générosité. Ré-expliquons le vrai sens du mot « prospérité », qui ne signifie pas abondance de biens ni richesse matérielle, mais « espoir en l’avenir ». Et rappelons, encore et toujours, que le pilotage au PIB ne peut que nous mener à l’échec : perte de sens, destruction des solidarité, effondrement du capital naturel…

Le Grenelle n’aurait-il été qu’une promesse écrite sur du sable, vite effacée par la marée montante de l’éco-scepticisme ? Faudrait-il déjà tout reprendre à zéro ? Ou peut-on encore espérer un retour à la raison ?

Sources de cet article

- le document de travail de la direction générale du Trésor sur « les impacts macroéconomiques du Grenelle de l’environnement ».

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Directeur de l’institut Inspire (Initiative pour la Promotion d’une Industrie Réconciliée avec l’Ecologie et la société) et secrétaire général de la Ligue ROC

3 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Nanard : mauvaise humeur

    Bonjour,

    Il est certain que toutes les personnes qui ont gagné de l’argent avec ce système productiviste n’ont pas envie d’en changer. C’est tellement agréable d’avoir pu se payer un 4X4, un appartement à la neige et un autre à la mer. On veut bien faire quelques efforts en achetant du bio mais, de là à révolutionner notre façon de vivre, il y a un pas à ne pas franchir.
    Ne nous leurrons pas, il y a encore une majorité de français sur ce registre et certainement aussi ceux qui n’ont pas pourtant profiter du système ! Reconnaissons aussi que ce n’est certainement pas facile de changer de paradigme. Il faut aussi complètement changer les mentalités et, tant qu’on trompera le monde en incitant a faire du solaire par des mesures fiscales, plutôt que d’expliquer les choses et faire comprendre que l’on peut être autonome en énergie. Il est vrai que ce n’est pas possible puisque le système exige que nous soyons des acheteurs de consommable pour que d’autres puissent gagner beaucoup d’argent. Bref, sans une complète révolution du système, il n’y a pas de solution véritable pour l’avenir.

    13.12 à 10h04 - Répondre - Alerter
  • Antoine : Complément

    Après avoir parcouru le document de la DG du Trésor, voici deux éléments qui me semblent importants à retenir.

    1) Les hypothèses sur le prix de l’énergie n’interviennent que pour calculer les écarts avec le scénario de référence (page 10 du rapport, page 12 du pdf). C’est-à-dire que l’élite des économistes de notre pays est capable de nous pondre des scénarios macroéconomiques à horizon 2050 sans que le prix (l’abondance) du principal carburant de l’économie ne soit pris en compte. Je crois que nous tenons là une science gravement malade, qui a une grande responsabilité dans les erreurs que nous commettons actuellement.

    2) Toutefois, il est précisé dans une note : "Un autre scénario de référence pourrait être le sentier de croissance optimal qui permet d’atteindre les objectifs du paquet énergie-climat (notamment celui de réduire les missions de gaz à effet de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990) au moindre coût. La mise en place d’une taxe carbone d’un niveau approprié pourrait être considérée comme l’instrument de cette politique optimale. Des travaux avec le modèle Mésange ont montré l’existence, sous réserve d’un recyclage adéquat des recettes de la taxe, d’un double dividende. La mise en place d’une telle taxe carbone créerait donc sur le long terme plus d’activité et d’emploi que dans un scénario tendanciel, proche de celui considéré dans les travaux présentés ici."
    J’aimerais bien mettre la main sur ces travaux et comprendre un peu mieux ce "double dividende".

    12.12 à 23h59 - Répondre - Alerter
  • Comme vous, je déplore les faiblesses de la théorie macroéconomique. Comme vous, je ne considère pas comme une option la préservation de la biosphère et la prise en compte des limites des ressources naturelles. Enfin, comme vous, je pense que l’écologie doit tenir compte des impératifs sociaux et ne pas renoncer à la quête du plein emploi.

    Seulement, ce document de la direction générale du Trésor, comme les rapports de Nicholas Stern et de Pava Sukhdev, montrent que l’écologie présente un coût économique. Même si le message est difficile à entendre, je pense qu’il faut le diffuser largement pour prendre la mesure des enjeux et dresser un diagnostic pertinent. La DG du trésor prévoit un doublement du PIB d’ici 2050 (prévisions réalisées pour le COR) alors qu’il est inscrit dans la loi que, sur la même période, nous devrons diviser par 4 nos émissions de GES. Je n’identifie aucunes solutions technologiques ou économiques qui permettent de mettre en cohérence ces deux objectifs.

    "Il va falloir choisir entre le pouvoir d’achat et la sauvegarde de la planète." Et si c’était vrai ? Ce ne serait pas pour autant un message à cacher à l’opinion...
    Comme, de mon point de vue, il n’y a pas lieu de faire un choix, j’en conclus qu’il faut effectivement réduire notre pouvoir d’achat. Je pense même que cette réduction serait bien plus violente si elle devenait subie que si nous la choisissions. Cela ouvre de nouvelles perspectives, dont une réflexion sur la manière de créer des emplois sans croissance et sur la manière de répartir les richesses pour qu’une réduction globale du pouvoir d’achat soit acceptable pour tous.

    12.12 à 19h47 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

[Connexion] [s'inscrire] [mot de passe oublié ?]

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas