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22-11-2011
Mots clés
Alimentation
France

Le poulet bio pique sa crise d’identité

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Le poulet bio pique sa crise d'identité
(Crédit photo : gaby gerster - laif- réa)
 
Guerre des nerfs dans la filière. Un nouveau venu, le groupe Duc, joue sur les failles réglementaires pour proposer des volailles plus jeunes. Des produits au rabais, dénoncent les acteurs « tradis » du secteur, inquiets pour l’avenir de leur macaron.
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Ils étaient tous là. Parmi eux, le préfet de l’Yonne et le président de la Chambre d’agriculture, pour inaugurer en grandes pompes, à Tannerre-en-Puisaye (Yonne), deux bâtiments de 4 800 poulets chacun (le maximum possible), certifiés bio par Qualité France. Pour le groupe Duc, dont l’activité couvre l’ensemble de la filière, de la production à l’abattage, c’est le début d’un vaste programme « bio », qui prévoit 45 bâtiments d’ici 2015, capables de produire 15 000 poulets bio par semaine.

Sauf qu’il y a un hic, notamment selon la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB) et les magasins Biocoop. Les volatiles sont abattus à 71 jours, contre 81 jours dans le reste de la filière bio française (et 35 à 40 jours pour un poulet standard). Par ailleurs, les poulets bio de Duc ne seront pas nourris avec une alimentation produite sur place. Anecdotique, cette bisbille autour de quelques bébêtes à plumes ? Certainement pas. Elle préfigure la bio de demain et un tas de batailles à venir entre industriels et gardiens des valeurs de la bio.

« On a pris le règlement européen. Point à la ligne, se défend Joël Marchand, directeur général du groupe Duc. Je suis surpris par un tel déchaînement médiatique. C’est ridicule, c’est un combat d’un autre temps, totalement décalé. » Restons calmes et regardons les faits.

Dis-moi l’âge de ton poulet…

D’abord, comment est-il possible d’abattre si jeunes des poulets certifiés bio ? Explication avec Juliette Leroux, spécialiste des questions de réglementation à la FNAB : « Pour produire des poulets abattus jeunes, il faut des espèces à croissance rapide. Et pour les animaux abattus plus tardivement, à 81 jours, on recourt à des espèces à croissance lente, plus intéressantes au plan qualitatif. Le règlement bio européen de 2009 prévoit en principe l’abattage des poulets à 81 jours. Mais certains protestent depuis plusieurs années contre cette règle. Leur argument est qu’ils n’arrivent pas à vendre leurs poulets en Europe : les Allemands, par exemple, aiment les poulets jeunes, qui ont une chair plus molle. Une dérogation a fini par leur être accordée. Les poulets bio peuvent être abattus à soixante-et-onze jours, à la seule condition de continuer à utiliser des poulets à croissance lente. C’est une façon de sanctionner ceux qui veulent aller trop vite. Ils pourront abattre des animaux jeunes, mais ces derniers seront alors plus petits. » Et Duc exploite cette faille, en utilisant des souches intermédiaires et sans exporter pour autant cette production, ce qui était pourtant l’esprit de la dérogation.

Mais ça n’est pas le seul sujet d’énervement. « C’est toute la logique du projet qui nous pose problème », poursuit Juliette Leroux. Les éleveurs choisis par Duc sont des agriculteurs conventionnels, chez qui le groupe vient planter à côté du reste un bâtiment d’élevage bio. « Des éleveurs qui font du bio sans aucune motivation particulière, qui se retrouvent dépendants d’un groupe qui leur fournit tout, y compris l’alimentation de leurs animaux, un pilotage par le haut, du bio au milieu du conventionnel… C’est absurde et c’est la porte ouverte à un tas d’erreurs. »

« Mauvais pour tous »

Au Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf) aussi, on est farouchement contre. Cette association défend les volailles Label rouge (elles aussi abattues à quatre-vingt-un jours) autant que les AB. « Ce projet dessert tout le monde », affirme Eric Cachan, président du Synalaf — il est par ailleurs vice-président des fermiers de Loué, marque qui fait, entre autres, de la volaille bio, mais dans les règles de l’art. « Il est mauvais pour les producteurs : en ne respectant pas les fondamentaux de la bio, ils discréditent l’ensemble de la filière. Les consommateurs attendent des poulets bio qu’ils soient goûteux, or c’est l’âge qui fait une bonne partie de la saveur d’une volaille. Mauvais aussi pour l’ensemble du marché : le segment qui regroupe les AOC, le Label Rouge, le bio, ne doit pas céder sur la qualité, au risque d’entamer une spirale à la baisse. »

Et à ceux qui dénoncent une réaction d’ayatollah de la bio, Julien Adda, délégué général de la Fnab répond : « Ce sont les consommateurs qui réclament une bio exigeante. Ils veulent être sûrs d’avoir une alimentation saine et différente. » Comment se défend la Fnab pour lutter contre la montée en puissance du bio au rabais ? Primo, en développant sa marque Bio Cohérence, plus exigeante que le règlement européen de 2009. Secundo en essayant de faire pencher l’interprétation de la réglementation actuelle dans le bon sens.

Bataille de détails

Car la bataille entamée se joue aussi dans les détails. Exemple : les volailles produisent des fientes -dans le jargon on dit « effluents »- qu’il faut, en bio, répandre en principe sur les terres même de l’exploitation. De quoi créer un cercle vertueux entre les sites. En cas d’excédent, on est autorisé à céder les fientes à d’autres producteurs.

Chez Duc, la règle est interprétée ainsi : les surfaces agricoles autour des élevages ne sont de toutes façons pas bio, donc on peut refiler tous ses effluents à d’autres. « Nous affirmons que l’esprit de ce règlement, c’est de protéger les gens qui n’ont pas assez de surface, précise Juliette Leroux, pas d’encourager les élevages bio à côté de champs conventionnels sur une même exploitation. Il faut contraindre ces derniers à convertir leurs champs au bio, en les menaçant de perdre leur certification sur l’élevage. » Ainsi, les poulets pourraient être nourris avec des aliments produits sur place et le projet Duc renouerait avec le principe de lien au sol, si cher aux historiques de la bio.

Une histoire d’effluents, qui n’a rien d’anecdotique. C’est le début d’un bras de fer entre une bio industrielle montante et une bio qui campe farouchement sur ses valeurs de base. « La question derrière tout ça, rappelle Julien Adda, c’est : quelle bio veut-on pour demain ? »

A lire aussi sur terraeco.net :

- Comment j’ai tué mon poulet rôti ?
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13 commentaires
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  • Poulet ou pas, je ne pourrai jamais me réjouir qu’on soit abattu plus tôt ou plus tard, à part si l’on souffre incurablement. Quitte à "passer à la casserole", ce qui est le cas de tout être vivant, au moins que ce soit dans la dignité et sans douleur. Au Cambodge, autrefois mais du temps que je n’ai pas connu, les anciens me disaient qu’avant d’être sacrifiées pour nos panses et nos papilles, les bêtes étaient choyées, et on leur demandait leur pardon et les en remercient. Vivre heureux avant de mourir, à mes yeux, constitue 1 certain accomplissement.
    Tout cela a changé dès 1863, parallèlement à l’invasion des serrures à clé (les vols n’existaient pratiquement pas...). Cloisonnement progressif de la conscience et du respect d’autrui, qui constitue la décadence et la dégradation de l’humain, pour retomber dans l’humanoïde domestiqué actuel.

    19.01 à 09h09 - Répondre - Alerter
  • On ne peut que se réjouir que ces poulets soient abattus plus tôt qu’ils ne devraient l’être, puisque ce sont toujours autant d’insoutenables journées de souffrance en moins pour eux.

    2.12 à 18h48 - Répondre - Alerter
  • Si je veux un poulet bio, un vrai, je vais au marché, je repère un petit producteur et je lui achète son produit. Il ne portera peut-être pas le label bio, mais je suis certain que le poulet aura été élevé traditionnellement à la ferme...
    Les industriels n’ont pour seul objectif que la rentabilité ; alors ils utiliseront toutes les ficelles juridiques, et leur lobbies, pour obtenir les textes qui leur conviennent ou les interpréter à la limite de l’illégalité.

    23.11 à 19h15 - Répondre - Alerter
  • Prendre les textes, les appliquer au minimum, et continuer à faire du fric !!!! de + en + de fric en employant les salariés au scmic et devenir riche : belle maison, belle voiture, vie de luxe... c’est à la mode voir les présentations d’émissions TV...

    22.11 à 17h47 - Répondre - Alerter
  • Professionnel de la bio et de la dietétique depuis 30 ans, je vois arriver depuis quelques années des gens avides de faire du fric à tout prix. La logique de la grande distribution c’est de vous vendre ce que vous demandez. Vous demandez du bio, ils vous en fournissent mais au rabais si vous leur en laisser la possibilité pour gagner le maximum de fric dessus. Essayez de leur parler de professionnels qui aiment leur travail, défendent l’environnement, aiment les animaux et respectent leurs semblables, bref ont une véritable éthique. Ils ne pourront pas vous comprendre, ils ne parlent pas la même langue que vous. Vous leur parler en hébreux. C’est un autre monde.

    22.11 à 12h49 - Répondre - Alerter
  • Etes-vous sûrs des dates d’abattage ? Par curiosité ce matin en allant faire mon marché, j’ai posé la question à ma marchande de volailles (en traditionnel, mais de qualité, et à la limite du bio), et elle m’a répondu que ses volailles étaient abattues à 120 jours (soit 4 mois), ce qui ne correspond pas du tout aux dates que vous indiquez sur cet article (40 jours, 71 jours, ou 81 jours)...
    Martine 44

    22.11 à 12h03 - Répondre - Alerter
    • Emmanuelle Vibert : Vends poulets bio au rabais

      Bonjour. Ces dates d’abattage sont un minimum prévu par les textes. Les éleveurs ne peuvent pas faire moins, mais sont libres de les dépasser, comme le fait votre marchande de volaille.

      22.11 à 12h13 - Répondre - Alerter
  • Ce débat n’est pas d’un autre temps comme le disent certains représentants de DUC. Au contraire, c’est maintenant qu’il faut se poser cette question primordiale : quel bio voulons-nous ? Et c’est aux consommateurs de décider, pas aux industriels ! Moi qui consomme du bio, du local et aussi de l’industriel (dans mes achats alimentaires en général), je ne consomme que du poulet bio ou label rouge, et je refuse que les garanties du bio soient revues à la baisse. Sinon demain le bio en voudra plus rien dire et ce n’est certainement pas le but de la création du label. Mais cela signifie que le bio et le label rouge sont réservés à des éleveurs/agriculteurs qui sont responsables et aiment leur métier et surtout leurs bêtes et leur terre... Et c’est à eux seuls que je veux acheter du bio, pas à des industriels qui ne le font que parce que c’est un marché en plein essor.

    22.11 à 11h50 - Répondre - Alerter
  • Seuls les groupements d’achats de produits locaux, respectent l’éthique de base du bio. La vérification des modes de production sont à portée de transport de tout 1 chacun(e), et évite aux producteurs les frais de labellisation, qui, en fait, ne sont pas à portée de la bourse des petits paysans/fermiers. Le brevetage est 1 procédé qui permet de multiplier la dépendance au lobbying, tout en alourdissant les charges des humains. Et faisant partie des + bas revenus, j’avoue que malgré ma conscience des faits, j’achète bio principalement en supermarchés...Je me console de ce paradoxe, en essayant de multiplier localement des jardins partagés/quartier, avec des ami(e)s voisin(e)s...Et même en restant omnivore, je participe à des ateliers culinaires initiés par la CAF et le Secours Populaire, pour initier les populations défavorisées à 1 alimentation beaucoup moins carnée, et + équilibrée, voire même au végétarisme pour ceux et celles qui sont peu actifs...Processus lent, mais efficace, surtout lorsqu’on épice d’humour et de convivialité.

    22.11 à 11h26 - Répondre - Alerter
  • Cartus : Bio de façade

    Merci à la FNAB de veiller au grain !

    Peut-on faire confiance à des personnes en moitié bio / moitié conventionnel ?
    C’est un aveu criant qu’il ne s’agit pas d’une approche sur des valeurs mais une logique opportuniste et financière. Ces gens là tueraient père et mère pour faire du fric ou de l’engrais organique :-(...

    C’est bien l’air du temps, bling bling en apparence et creux à l’intérieur. Quel chantier éducatif pour récupérer ces paumés des valeurs du siècle dernier !

    22.11 à 09h02 - Répondre - Alerter
    • Et on va s’étonner après ça que certains consommateurs hésitent à consommer bio, en prétendant que "ce n’est pas vraiment bio, c’est juste pour nous faire payer plus cher" ! Voilà de quoi leur donner du grain à moudre...

      Martine 44

      22.11 à 09h15 - Répondre - Alerter
  • Aujourd’hui il faut choisir entre "Label Rouge" et certification bio. Pourquoi pas des des produit bios également labellisés "Label Rouge" ?

    22.11 à 07h57 - Répondre - Alerter
  • Prendre les textes, les appliquer au minimum, et continuer à faire du fric !!!!

    22.11 à 07h13 - Répondre - Alerter
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