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28-02-2010
Mots clés
Energies
Automobile
France
Enquête

Le pneu

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Le pneu
 
Ce mélange de caoutchouc synthétique, de cuivre, de silice et de soufre ne peut pas rouler les mécaniques. Et si on inventait la roue sans CO2 ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Avant même d’avoir effectué son premier tour de roue, un pneu s’est déjà enquillé un certain nombre de kilomètres. Tout commence au pied d’un hévéa. Une incision dans l’écorce, une tasse, et voici récolté le précieux latex, base du caoutchouc naturel. En 2008, près de 10 millions de tonnes de caoutchouc ont été produites dans le monde, dont 70 % ont fini moulées façon Bibendum. Cette gomme provient en grande majorité d’Asie du Sud-Est et fournit un revenu régulier aux petits producteurs qui la récoltent. Mais tout ne roule pas toujours rond au royaume de l’hévéa.

Le caoutchouc naturel africain – 5 % de la production mondiale – a fait plusieurs fois parler de lui. Récemment, le groupe français Michelin a ainsi été nominé pour le « Prix Pinocchio du développement durable » par les Amis de la Terre. La faute de la multinationale ? Etre actionnaire à 20 % et principal cliente de la Société internationale de plantations d’hévéas (SIPH), au Nigeria. Celle-ci est accusée par l’ONG d’avoir déboisé une réserve forestière pour planter ses arbres à caoutchouc et, du même coup, privé les habitants de leurs cultures vivrières. Michelin récuse ces critiques. « Depuis l’accord de concession, la SIPH a, au contraire, protégé les 400 hectares restants de forêt et créé des centaines d’emplois », répond Jacques Toraille, directeur développement durable du groupe. Côté environnement, la gomme a du ressort. Le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) a calculé que la production d’une tonne de caoutchouc naturel par l’hévéa fixe 7 tonnes de CO2, alors que la fabrication d’une tonne de caoutchouc synthétique par une usine en émet 10 tonnes ! Or, l’industrie du pneu engloutit aussi énormément de caoutchouc synthétique.

Recettes et beurre fondu

Chez Michelin, dans les entrailles d’un pneu classique, on trouve ainsi 15 % de caoutchouc naturel (la part est plus importante pour les poids lourds) et 25 % de synthétique. Ces élastomères dérivés du pétrole résistent à l’usure et rendent le pneu imperméable. Mais peut-on remplacer l’un par l’autre ? « Le jeu de substitution entre le caoutchouc naturel et le caoutchouc synthétique est limité sur le court terme, explique Bruno Muret, du Syndicat national du caoutchouc et des polymères. Cela nécessite en effet un long travail de reformulation, plus lent que les fluctuations du marché des matières premières. » Les recettes ne peuvent donc pas changer tous les jours.

Mais si l’on se contentait de ce mélange, le pneu serait couleur beurre fondu. Son virage vers le noir, il le doit à l’ajout d’un mélange de silice et de noir de carbone qui lui permet de mieux résister à l’abrasion. Il lui faut encore des renforts métalliques – acier, zinc et cuivre –, des renforts textiles pour le rendre robuste et, enfin, une bonne louche d’agents chimiques afin de lutter contre les effets de l’ozone et de l’oxydation. Ajoutez une pincée de soufre à la pâte crue pour permettre à tous les ingrédients de rester compacts pendant la cuisson, et vous obtiendrez un pneu neuf. En 2008, 1,1 milliard de pneus de voitures et 146 millions de pneus de poids lourds ont été produits dans le monde. D’après les analyses de cycle de vie réalisées par Michelin, la fabrication et la distribution dégagent déjà 25 kg équivalent CO2. C’est 5 % du bilan carbone global du pneu. Et pourtant, il n’a pas encore entamé ses tours de roues.

Eviter les platanes

Le reste de sa vie, le pneu le passe sur les chapeaux de roue : 50 000 km en moyenne pour un spécimen classique. Il y laissera 1,5 kg de lui-même, en très fines particules. Un mal nécessaire, car sa mission est avant tout d’éviter que Robert n’aille s’enrouler autour d’un platane à la première courbe. Pour adhérer au revêtement, à chaque tour de roue, le pneu se déforme afin d’épouser les rugosités du sol. Cela ne se fait pas sans énergie : un plein d’essence sur cinq serait ainsi englouti ! Au final, sur l’ensemble de son cycle de vie, un pneu dégage 418 kg eq. CO2.

On comprend pourquoi les manufacturiers se prennent la tête pour trouver des formules de « basse résistance au roulement ». Objectif : conserver l’adhérence tout en diminuant la consommation d’énergie. « Sur les émissions d’une voiture de tourisme, on peut aujourd’hui gagner jusqu’à 3 ou 4 g de CO2 au km. Quand un constructeur planche sur des voitures à 130 g, ce genre d’économie compte ! », explique Jacques Toraille. Mais la recette relève d’une délicate alchimie.

Autre piste pour économiser l’énergie : le rechapage. Il s’agit de recreuser le pneu quand sa sculpture a disparu. Il peut ainsi se « réincarner » trois fois. Cependant, cette formule magique s’applique surtout aux versions poids lourds qui, en quatre vies, parcourent 1 million de kilomètres. « En Europe, l’image du rechapage n’est pas bonne auprès des particuliers. Ils ont l’impression de perdre en sécurité. Nous ne le proposons donc pas sur les pneus tourisme, mais ça viendra peut-être », précise Jacques Toraille.

Des roulettes en poudrette

Puis un jour, le pneu arrive en bout de course. Depuis 2002, tout fabricant, concessionnaire ou importateur, cotise – entre 1,50 et 110 euros – pour chaque pneu vendu en France. Finalité : que le caoutchouc ne finisse plus au fond de la mare (voir l’encadré ci-dessous). Ce pécule de plusieurs dizaines de millions d’euros alimente, entre autres, l’éco-organisme Aliapur, qui a collecté en 2008 plus de 300 000 tonnes de pneus auprès de 44 000 garages, soit environ 75 % de la filière de valorisation.

Parmi les retraités caoutchouteux, 18 % sont en assez bon état pour être revendus sur le marché de l’occasion. Une partie file en Afrique ou en Amérique latine. Le reste est broyé. La poudrette – autre nom pour les restes pulvérisés – donnera naissance à d’excellentes roulettes de poubelles. Mais la gloire du vieux pneu reste la cimenterie. Utilisé comme combustible, notre pneu dispose en effet d’un pouvoir calorifique aussi élevé que celui du charbon et à peine inférieur à celui du coke de pétrole. En outre, il émet moitié moins de CO2. « Le pneu usagé devient un combustible précieux pour une industrie soumise aux quotas européens de CO2 », explique Catherine Clauzade, responsable recherche et développement d’Aliapur. Selon une analyse de cycle de vie commandée au spécialiste Ecobilan, l’impact environnemental de cette voie de valorisation du pneu est même l’un des plus faibles avec ceux du gazon synthétique et des objets moulés.

Problème : 22 500 tonnes de vieux pneus restaient, en 2009, encore sur le carreau après la collecte. Il s’agirait notamment de spécimens importés, en partie achetés sur Internet, et non déclarés aux éco-organismes. « Certains acteurs ne jouent pas le jeu et ne cotisent pas, s’indigne Gaëtan Herrebaut, responsable des opérations d’Aliapur. Comme ces pneus ne sont pas collectés, on risque de les retrouver dans la nature. » —


DECHARGES SAUVAGES : SAUVE QUI PNEU !

Mission : traquer les décharges sauvages de pneus datant d’avant 2002. Aux commandes : l’association Recyvalor, née il y a deux ans sous l’égide du ministère de l’Ecologie. D’après les recensements, du terrain vague à la clairière, 80 000 tonnes de pneus seraient disséminées sur 70 sites dans l’Hexagone. « Or, un tas de plusieurs mètres de haut sur quelques hectares représente un risque sanitaire énorme en cas d’incendie », explique Bénédicte Barbry, présidente de Recyvalor. Selon ses calculs, il faudra huit ans pour éradiquer le fléau. Sans oublier que c’est dans les vieux pneus qu’on fait les pires soupes. Douillet réservoir de larves d’insectes, rempli d’eau stagnante, le vieux pneu est idéal pour faire voyager les épidémies. En 1999, aedes albopictus, le moustique « tigre » vecteur du chikungunya, a été repéré, pour la première fois, en Basse-Normandie dans un stock de pneus usagés en provenance du Japon et des Etats-Unis.
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  • La plupart des conducteurs savent qu’il est important de vérifier régulièrement l’état d’usure des pneus, sans quoi votre voiture risque d’être victime d’un accident. Mais avez-vous déjà pensé à l’endroit où vont les pneus usés ?

    Selon une étude de la Commission européenne, environ 10 à 30 % du caoutchouc des pneus de voiture est perdu au fur et à mesure de leur usure. La majorité de ces matériaux finissent sur la route ou au bord de celle-ci, mais la plupart d’entre nous ne réalisent pas que de minuscules particules d’usure des pneus, suffisamment petites pour être inhalées, sont également mélangées à l’air que nous respirons.

    Alors qu’un certain nombre d’études scientifiques ont révélé que la poussière de pneu a des effets néfastes sur la santé, l’industrie du pneu - et les études qu’elle a commandées - suggère le contraire.

    La pollution atmosphérique est à l’origine centaines de milliers de décès prématurés chaque année. Les véhicules à moteur sont une source majeure de cette pollution. Selon l’Agence de protection de l’environnement, l’exposition aux polluants provenant des véhicules à moteur peut entraîner des problèmes pulmonaires et cardiaques, ainsi qu’une mort prématurée.

    Bien que des travaux importants aient été consacrés à la recherche sur la contribution des émissions des pots d’échappement à la pollution atmosphérique, des émissions telles que celles produites par l’usure des pneus ont été largement négligées.

    Il y a beaucoup de choses à étudier, non seulement en ce qui concerne les effets potentiels sur la santé (source : focm.net), mais aussi sur ce qui entre réellement dans les pneus...

    7.03 à 16h38 - Répondre - Alerter
  • mlanie :

    Excellent article, très informatif, merci !

    16.03 à 08h15 - Répondre - Alerter
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