Le lactaire délicieux n’avait rien demandé. Ce champignon poussait tranquillement dans les bois, l’automne venu, à l’ombre des pins hexagonaux. Mais depuis plusieurs années, il fait l’objet d’une cueillette illégale à grande échelle. Destination : l’Espagne, où les gourmets en sont friands. Aux premiers frimas, le lactaire délicieux fait donc la une des quotidiens régionaux. Il y a quelques semaines, ils annonçaient la « guerre des champignons » dans le Vercors. Il faut dire que les gendarmes venaient de mettre la main sur des cueilleurs qui tentaient d’exfiltrer 1,5 tonne de champis après avoir ratissé la forêt de Lente (Drôme).
Pour leur malheur, les cueilleurs sont Roumains, parfois Bulgares. Bref, de l’Est. Qu’ils se fassent exploiter par des commanditaires espagnols qui revendent leur butin dix fois son prix sur les marchés n’a pas choqué grand monde. Qu’ils dorment dans des cabanes en forêt en plein hiver non plus. Le représentant de l’Office national des forêts présent lors de l’arrestation est le seul à avoir rappelé qu’ils étaient des victimes. Les journaux ont dit « clandestins » et le site – très à droite – Boulevard Voltaire a titré, dans un raccourci raciste : « Les Roms aussi vont aux champignons ». Le destin du lactaire était de devenir politique. —
La fricassée, il n’y a que ça de vrai ; une bonne persillade à la rigueur.
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