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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
10-04-2011

La TVA « écomodulable » du PS au banc d’essai

Dans le programme du PS, on trouve une mesure (parmi les 30) qui intéresse particulièrement l'auteur du site « Fiscalité Environnementale » que je suis. Il s'agit de la TVA « écomodulable ».

1 - De quoi s’agit-il ?

"Pour encourager les comportements écologiques, nous rendrons la TVA « éco-modulable » (diminuée sur les produits non-polluants et augmentée sur les produits polluants). Les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus seraient frappés d’une TVA plus élevée et inversement. Un nouveau barème serait ainsi créé. Cette mesure se ferait à recettes constantes, sans augmenter globalement cet impôt." (dixit le programme du PS pour 2012)

2 - Une "vieille idée"

Dés janvier 2007, sur mon ancien blog ecologie incitative, j’imaginais ce type de fiscalité dans un article dont je vous livre quelques extraits :

De la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à la Taxe Variable d’Ajustement Ecologique (TVAE), où comment étendre progressivement la logique écologique dans notre système économique : La principale contribution indirecte en Europe est la Taxe sur la Valeur Ajoutée. Celle-ci est d’un montant fixe (19,6%) avec des réductions pour certaines catégories de produits ou de service. Elle est supportée par le consommateur final. Cet outil fiscal est peu contesté et il est probable qu’il restera encore longtemps le principal prélèvement en Europe. C’est donc un outil fiable que l’on peut aussi utiliser pour une contribution écologique, à la condition de ne pas priver les Etats européens de cette manne indispensable. On peut alors utiliser la Taxe sur la Valeur Ajoutée de la même manière qu’une taxation incitative comme un outil de régulation écologique. Elle devient alors progressivement une Taxe Variable d’Ajustement Ecologique (TVAE), transformation de la TVA en outil de régulation. La TVAE aura les même principes que la taxation incitative :
- la TVA sera différente pour les mêmes types de produits ou de services en fonction de leur « qualités » écologiques
- l’écart entre les deux augmentera avec le temps
- cet écart sera calculé et régulé pour que la somme des contributions restent la même et puisse alimenter le budget de l’Etat.
- cet écart sera suffisamment significatif pour peser sur les choix des consommateurs

3 - Une idée originale, mais des problèmes demeurent :

Cette mesure correspond tout à fait à ce que je préconise sur mon site : utiliser l’outil fiscal pour changer notre modèle économique et peser sur l’évolution des comportements. Cela me semble donc, à priori, une excellente mesure. C’est en quelque sorte la généralisation à tous les secteurs économiques du système du bonus-malus automobile.

Mais, comme souvent, les partis politiques prennent les (bonnes) idées mais ne rentrent pas dans les détails "techniques" des mesures et c’est là que cela se corse ! Le PS affirme que cela se fera à "recettes constantes, sans augmentation des impôts" mais l’exemple du bonus-malus automobile doit nous inciter à la prudence : cette mesure a eu un coût important. La généralisation de la méthode à l’ensemble de l’économie pourrait donc mettre l’Etat en difficulté financière !

"Les produits dont la fabrication et le transport polluent le plus" : on imagine déjà les bagarres et les actions de lobbying de chaque secteur économique pour en être exonéré ! Au final, il est fort probable que des pans entiers de l’économie en soit dispensés, alimentant d’autant le sentiment d’injustice et réduisant les effets de la TVA écomodulable.

"un nouveau barème serait ainsi créé" : l’exemple du bonus-malus doit nous inciter, là encore, à la plus grande prudence. Rapidement, les barèmes figés se retrouvent obsolètes, inefficaces et parfois contre-productifs.

4 - Propositions pour infléchir la mesure et la rendre plus efficace :

Suite à cette analyse, je préconise quelques inflexions :
- ne pas changer la TVA qui a montré toute son efficacité depuis des décennies mais créer des contributions adossées à celle-ci. Il s’agit ainsi de ne pas mettre en difficulté la TVA, principale source fiscale de l’Etat et de garder la cohérence de l’écomodulabilité des contributions nouvelles.
- pour éviter le lobbying, instaurer des contributions dans tous les secteurs. Mais laisser chaque secteur construire ses propres contributions avec un système participatif dans l’esprit du Grenelle de l’Environnement. Par contre, les secteurs qui ne le feraient pas, dans un délai raisonnable, se verront appliquer une taxe carbone fixe et importante.
- pour limiter les inévitables résistances et favoriser l’adaptation des acteurs, il faut commencer par une taxation faible et prévoir une augmentation continue et connue.
- les recettes de chaque contribution écomodulable doivent être reversées aux acteurs du même secteur : par exemple, ceux qui ont fait l’effort d’acheter une voiture peu polluante vont la payer moins cher parce qu’ils vont bénéficier d’une prime financée par les acheteurs de voiture polluante.
- pour éviter l’augmentation des impôts, il faut prévoir un équilibre financier du système. Pour cela, les primes reversées vont évoluer chaque année en fonction du rapport entre l’offre et la demande de produits éco-conçues. On les calculera en fonction des recettes de la contribution de l’année précédente.

Conclusion : l’écomodulabilité est une évolution intéressante de la fiscalité mais il nous faut tenir compte des erreurs du passé pour inventer une fiscalité environnementale juste et équitable, qui favorise le développement économique et l’emploi dans notre pays. Cette démarche est celle des contributions incitatives défendues sur ce site

COMMENTAIRES ( 5 )
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  • Un dispositif comme celui-là est indispensable en effet, mais cela parait quand même très compliqué (chaque produit, chaque service doit être étudié et révisé chaque année...).
    C’est pourquoi j’étais plus favorable à la taxe carbone (à étendre à l’éléctricité et les matière premières ?) qui s’applique à tous (y compris industrie) partout simplement et uniformément en fonction de leur utilisation de ces ressources...

    le problème étant maintenant les importations ... (casse tête !)

    18.04 à 12h09 - Répondre - Alerter
  • Encore une mesure qui donnera aux plus riches le droit de polluer. Pour moi, il serait plus judicieux de fixer des normes de fabrication plus contraignantes et d’interdire à la vente des produits trop polluants.
    Arnica

    12.04 à 10h50 - Répondre - Alerter
    • Les normes de fabrication sont indispensables, mais elles ne suffisent pas...

      Dans l’exemple des voitures, aujourd’hui, celles extrêmement polluantes sont très minoritaires. Beaucoup de BMW ou de Mercedes qui ne sont pas dans le très haut de gamme ne consomment pas tant que ça (certaines ont même droit aux bonus...). Interdire 0.1% des voitures, cela n’aura pas un impact important. Par contre, faire baisser légèrement la consommation de l’ensemble du parc, c’est très efficace.

      Dans cet objectif, le bonus / malus automobile est une très très bonne mesure qui marche bien (sans doute que si j’avais une seule mesure à retenir du quinquennat de Sarkozy, ce serait celle là !) Le parc automobile neuf français est le 2ème moins polluant d’Europe (derrière le Portugal), et le bonus/malus n’y est pas pour rien.

      Et si les riches paient pour les moins riches et que cela aboutit globalement à moins de pollution, je dis OUI !

      12.04 à 21h56 - Répondre - Alerter
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