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21-04-2011
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Immigration : le mauvais calcul de Guéant

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Immigration : le mauvais calcul de Guéant
(Crédit photo : DR)
 
Chiffres à l'appui, le ministre de l'Intérieur lance son nouveau credo : réduire l'immigration légale. Mais ses assertions sont-elles correctes ? Et ses chiffres, significatifs une fois sortis de leur contexte ? Décryptage en quatre citations.
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J-367 avant l’élection présidentielle. Le Front national progresse dans les sondages, tandis que la cote de popularité de Nicolas Sarkozy chute. Dans sa course à l’opinion publique, le gouvernement s’est attardé ces derniers jours sur la politique migratoire de la France en affirmant, pour la première fois depuis l’élection de 2007, sa volonté de réduire les entrées légales d’étrangers sur le territoire. Terra Eco passe en revue les chiffres et les idées avancées.

-  « Aujourd’hui il y a à peu près 200 000 étrangers supplémentaires (par an) qui sont autorisés à séjourner en France. Cela représente par exemple la taille d’une ville comme Rennes. (...) Mon objectif, c’est de réduire ce nombre de 20 000. » (le 15 avril sur TF1)

En 2010, la France a légalement accueilli 188 780 étrangers (pas tout à fait les 200 000 annoncés par Claude Guéant). Le ministre de l’Intérieur souhaite réduire ce nombre de 20 000. Un chamboulement ? « Ça ne sera ressenti par personne », prévient Pascal Blanchard, historien de l’immigration. En effet, rapportée aux 63 millions de personnes qui vivent en France, la mesure annoncée par Claude Guéant reviendrait à faire baisser la part de nouveaux arrivants de 0,3% à 0,27% de la population. Pour Pascal Blanchard, cette annonce « purement symbolique » serait plus de l’ordre du « slogan politique. A chaque fois qu’on a traversé une crise, dans les années 1930, après le choc pétrolier de 1973 ou lors du retour de la droite au pouvoir en 1986, on a eu ce type d’annonces. » Pour justifier son idée, le gouvernement pointe du doigt le niveau élevé du chômage (2,7 millions dans la catégorie A, soit « n’exerçant aucune activité »), quitte à faire l’amalgame entre immigration et emploi. Il invoque une autre raison :

-  « L’intégration est en panne »

Ainsi, les étrangers ne s’intègreraient plus en France. Un avis qui serait partagé par 66% des Français, selon un sondage repris ce mercredi 21 avril par Le Parisien. Un ressenti étonnant, à la lecture du rapport du Haut Conseil à l’Intégration (HCI), présidé par l’UMP Patrick Gaubert et remis le 12 avril au Premier ministre. « L’intégration à la française, ça marche ! », claironne le rapport. Alors qui croire ? « Nous nous appuyons sur des éléments très concrets », explique Benoît Normand, secrétaire général du HCI. Sentiment d’être Français, niveau de diplôme obtenu par les générations suivantes, mobilité sociale, mariages exogames (entre des personnes de groupe social différent)... « La majorité [des immigrés] s’intègre, se fond dans la foule et disparaît des écrans », dit le rapport. De quoi remettre en cause les assertions de Claude Guéant, qui ne fait finalement que reprendre une idée exprimée par Nicolas Sarkozy en novembre 2010 à la télévision.

-  « 24% des étrangers non européens qui se trouvent en France sont des demandeurs d’emploi. C’est presque trois fois plus que le taux (de chômage) national. »

Le chiffre de 24% de chômeurs « renvoie à l’idée que les immigrés seraient inutiles à l’économie de la nation et ne seraient là que pour toucher des prestations sociales, analyse Pascal Blanchard. Or, parmi eux, il y a énormément de gens qui travaillent au noir ». Il ajoute : « Les primo-arrivants remplissent une fonction de base de sous-prolétariat. Dans l’agriculture, le bâtiment, le nettoyage... Ils sont les seuls à accepter d’être sous-payés et de travailler au noir » (voir aussi à ce sujet notre enquête : Immigrés : ce qu’ils rapportent à la France). Une réalité confirmée par le rapport public « Les métiers en 2015 », sorti en janvier dernier. Il souligne la sur-représentation des immigrés dans les emplois non-qualifiés, à temps partiel ou en horaires décalés. Ce rapport explique aussi que le chômage des immigrés, de tout temps supérieur à celui des nationaux, a d’autres origines : la non-maîtrise de la langue et des réseaux d’entraide, la non-reconnaissance des diplômes étrangers, l’existence de pratiques discriminatoires chez les employeurs. Enfin, « plusieurs millions d’emplois sont interdits aux étrangers non communautaires ».

-  « J’ai demandé que l’on réduise le nombre de personnes admises au titre de l’immigration du travail » (le 7 avril dans le Figaro Magazine).

En 2010, l’immigration liée au travail a représenté 31 500 entrées légales sur le territoire. Quand l’immigration familiale a, elle, représenté 81 100 entrées. L’immigration des travailleurs permanents [1] a été suspendue en 1974. Elle est aujourd’hui résiduelle (17% du total des entrées légales dont une partie est saisonnière) et très encadrée. Elle concerne principalement trois catégories de personnes : des cadres dirigeants ou de haut niveau qui touchent plus de 5 000 euros bruts par mois ; des ressortissants des nouveaux Etats membres de l’Union européenne sur une liste de 150 métiers qui peinent à recruter ; des non-Européens en provenance de certains pays ayant passé des accords avec la France (Sénégal, Tunisie, Ile Maurice...) pour une liste de trente métiers « en tension ». Il s’agit pour l’essentiel de professions qualifiées et techniques (informaticiens, géomètres, contrôleurs comptables...) ou liées au secteur du BTP. En 2009, les trois premiers pays représentés dans cette immigration professionnelle étaient la Roumanie, le Maroc et les Etats-Unis.

Restreindre cette voie légale a-t-il un sens ? Le 17 avril, le ministre du Travail Xavier Bertrand a expliqué qu’il voulait réduire la liste des « métiers en tension » afin de donner la priorité à « la formation » des chômeurs français pour occuper ces postes. Une manière de sous-entendre que les étrangers mangent le pain des nationaux. L’idée est battue en brèche par le patronat : « Quand une entreprise ouvre un poste, elle cherche d’abord à le pourvoir en France, explique-t-on au Medef. Ce n’est qu’une fois qu’elle a montré qu’elle n’a trouvé personne qu’elle peut ouvrir son poste aux étrangers. Il n’y a donc pas de concurrence entre Français et étrangers. » Les 20 000 postes occupés par les « migrants professionnels » pèsent de toute façon peu au regard des postes qui restent chaque année non pourvus à Pôle Emploi (500 000 selon le Medef, 150 000 selon la CFDT). « Est-ce qu’il y a un sujet sur 20 000 personnes ? », demandait justement la présidente du Medef, Laurence Parisot, le 18 avril sur France Inter. Un sujet électoral, sans aucun doute.

[1] Les travailleurs permanents sont de deux types : ce sont des étrangers qui présentent un contrat de travail à leur arrivée à la frontière ou des immigrés entrés clandestinement mais qui obtiennent une régularisation une fois leur travail commencé. A partir de 1974, la régularisation a posteriori a été arrêtée tandis qu’en amont on demandait aux employeurs de ne pas recruter d’étrangers sauf exception. Ces exceptions forment l’immigration résiduelle.

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Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010.

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