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Ecologie-télévision : l’émission impossible ?

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Après une chronique météo sur un cyclone, un écogeste vidéo sur le lavage de voiture et un docu sur les nouveaux businessmen de l’écologie, vous reprendrez bien un peu de débat sur les OGM ? Depuis 2007, le petit écran suractive ses ondes vertes. Mais cela suffira-t-il à faire de nous des écocitoyens ? Enquête.
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Vendredi 5 juin 2009. Moment historique. Alors que les joueurs de l’équipe de France de football s’échauffent avant d’affronter sur TF1 la sélection nationale de Turquie, les premières images du documentaire Home, réalisé par Yann Arthus-Bertrand, défilent sur France 2. Bilan de la soirée, la chaîne publique rafle 33 % des parts de marché sur un total de 8,3 millions de téléspectateurs. C’est même le jackpot pour France 2 qui bat sa meilleure ennemie sur l’ensemble de la journée, performance qu’elle ne réalise généralement qu’une fois par an.

Pas de doute, l’écologie sort de la confidentialité. Et les chaînes ne s’y trompent guère. Toutes hissent désormais la mire verte. Média de masse, la télévision pénètre dans toutes les chaumières ou presque. A croire qu’elle pourrait se transformer en bras armé de la sensibilisation à l’environnement : alors une chance pour la planète ? Pour vérifier les motivations de cette soudaine passion pour l’environnement, Terra Eco a épluché les grilles des grandes chaînes nationales et découvert sept familles de téléspectateurs.

PREMIERE FAMILLE :

UNE MAREE NOIRE ? VITE, JE VEUX DES INFOS MAZOUTEES

C’est officiel : le journal télévisé a plongé dans le vert. Selon le baromètre Inastat, les sujets classés « environnement » représentaient 3,8 % de l’offre des JT en 2008. Si cela a des allures de cacahuètes, il faut se rappeler qu’on part de loin. Tous les spécialistes pointent que c’est l’entrée de Nicolas Hulot dans la dernière campagne présidentielle qui a signé le début de l’envolée de la thématique. A l’institut de veille médiatique Media Intelligence, on confirme que 2007 a été une année charnière. « Le thème s’est installé dans les médias de manière durable à partir de cet instant et il peut désormais se loger partout : en politique avec le Grenelle, en faits divers avec les aléas climatiques, en société avec des sujets sur le fret ferroviaire », remarque Sonia Metche, directrice des études.

L’institut a élaboré un indice composite, « l’Unité de Bruit Médiatique », qui pondère le nombre de minutes consacrées à un thème par l’audience de la chaîne au même moment. Selon cet indice, en 2008, l’environnement arrive en tête des sujets traités dans les JT de 20 heures des deux chaînes leaders, TF1 et France 2, devant la thématique de l’emploi.

Plongeons-nous dans la grand-messe du 20 heures pour voir à quelle sauce l’écologie est mangée. La compilation des études statistiques d’Inastat, entre 1996 et 2006, délivre quelques indices. La part de l’environnement dans les JT du soir des six chaînes nationales hertziennes a fait un bond de 37 % sur la période. En 2000, 1 500 sujets « environnement » ont été traités dans la lucarne. Au hit-parade, les catastrophes attirent les caméras : la marée noire de l’Erika, par exemple, a donné lieu à plus de 400 sujets. La même année, deux conférences d’experts, à Lyon, sur l’effet de serre, et à La Haye sur les changements climatiques, ne décrochent que 27 sujets. Même topo en 2003 : sur 1 710 sujets « environnement », la marée noire du Prestige est traitée 540 fois et la canicule ou la pollution à l’ozone 90 fois.

La seule étude non seulement quantitative mais aussi qualitative sur ce sujet montre une évolution du traitement. Suzanne de Cheveigné, sociologue au CNRS, a comparé avec son équipe le traitement des questions environnementales dans les JT entre 1994 et 2004. En 1994, la moitié des interviews étaient des micro-trottoirs. En 2004, ils ne représentaient plus qu’un tiers. « C’est le discours de l’expert qui l’a remplacé, ce qui est rassurant sur la télévision, car on est moins dans la téléréalité », explique la chercheuse.

Depuis 2007, l’environnement sortirait-il de la case catastrophes ? C’est l’avis de David Pujadas. Le présentateur vedette du JT de France 2 estime que les deux tiers des sujets consacrés à ces questions dans son JT sont de type « magazine ». « On parle aussi bien des maisons écolos que des problèmes de biodiversité. A la fin du journal, où l’on trouve aussi les sciences, la consommation, les modes de vie, c’est sans doute la thématique qui arrive en première position », souligne le présentateur.

Pour Jean-Louis Caffier, ancien présentateur de l’émission «  Terre-Mère  » sur LCI et désormais consultant en développement durable, on est toutefois encore très loin du compte. « Si un sujet environnemental se résume à trois éoliennes qui se battent en duel et une nouvelle espèce protégée, ce n’est pas suffisant. Nous sommes face à des enjeux majeurs et planétaires. Il faut intégrer les questions de développement durable dans le traitement de toute l’actualité, au même titre que le social et le financier », clame-t-il. « Si dans le choix du parcours d’une ligne TGV, le critère environnemental est soulevé ou si c’est un enjeu du futur Grand Paris, on en parlera. Mais nous ne pouvons nous faire que l’écho des questions soulevées par la société », répond David Pujadas. En attendant, Jean-Louis Caffier milite pour la mise en place de rédacteurs en chef adjoints spécialistes de ces questions. « On a besoin d’une vision transversale au sein des rédactions. Ça demande des connaissances et des regards critiques », souligne-t-il.

DEUXIEME FAMILLE :

JE VEUX SAUVER LA PLANETE ENTRE LA VAISSELLE ET LE FILM DE 20 H 30

B.A-BA de la sensibilisation environnementale, parfois au risque de la caricature, l’écogeste fait un carton sur les grilles. TF1 et France 2 s’y sont jetées à ondes perdues. Jean-Louis Borloo l’avait expressément réclamé. En septembre 2007, le ministre de l’Ecologie engageait les chaînes à « mettre en place une information quotidienne sur les “ gestes d’engagement de la vie de tous les jours ” au service de la planète », à travers une charte de bonne volonté. La reine du conseil écocitoyen a pour nom Evelyne Dhéliat.

Et elle n’a pas attendu la requête du ministre. Depuis cinq ans, la madame météo de TF1 lance quasi-quotidiennement un «  C’est bon pour la planète  » : 10 km/h en moins en voiture, c’est 10 % d’essence économisée, ou bien 1° C de chauffage en moins, c’est 7 % d’énergie consommée en moins. L’idée a surgi au cours d’un forum international de météo auquel participaient des membres du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). « Leur souci était de faire passer un message alors qu’à cette époque, il existait très peu de relais entre les scientifiques et le public », se souvient-elle. Et quand c’est Evelyne qui dit de baisser le chauffage après le bulletin météo du jour, 8 millions de téléspectateurs sont aux aguets.

Chez France 2, la météo est aussi un créneau. Depuis janvier, Laurent Romejko présente «  Climat 2  », un mini-magazine de 5 minutes, produit par System TV. Il livre ainsi, chaque jeudi, l’explication d’un phénomène climatique. Ici, comme chez les concurrents, l’angle est pédagogique. « Aujourd’hui, le développement durable est traité à travers des people et des petits gestes : c’est très utile, mais insuffisant ! L’investigation a été laissée de côté. Dans les émissions de société des grandes chaînes, ils s’y sont collés avec professionnalisme. Mais ça se passe au niveau des rédactions, pas encore assez au niveau des programmes ! », remarque Dominique Martin-Ferrari, l’une des pionnières de l’enquête environnementale.

L’avantage des programmes courts, c’est que tout le monde peut s’y mettre : y compris les entreprises. L’inconvénient, c’est qu’en quelques minutes et sans enquête journalistique, les raccourcis sont vite arrivés. Sur TF1, «  C’est ma Terre  », produit par P.prod, est un programme d’une minute trente sponsorisé par Renault Eco2 et diffusé quatre fois par semaine à 20 h 35. Particuliers et entreprises y témoignent de leur initiative pour sauver le globe. « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », assène Antoine Godet, chef de la publicité pour le marché français chez Renault.

Le 24 mars, Yves Galland, président de Boeing France et membre de l’Alliance aéronautique, présentait ainsi le bio-kérosène à base de jatropha. Le spot précisait qu’il s’agit d’un arbuste tropical qui ne « concurrence pas les productions agricoles » avant de conclure : « Avec l’huile de jatropha, un geste plus un geste, et c’est ma terre qui va mieux. » Les ONG Wetlands International et Actionaid Sénégal qui dénoncent la menace de cette production sur les cultures vivrières sénégalaises apprécieront.

Sur France 2, «  Emission de solutions  », un programme dédié à la mobilité durable – à 20 h 30 et trois soirs par semaine – promeut quant à lui des systèmes « stop en start » sur les voitures, les coursiers électriques et par la même occasion… la Macif qui sponsorise le programme. « Le principe de la programmation courte, c’est une prise de parole plus pédagogique. Alors qu’une annonce publicitaire est, elle, plus déclarative », explique Catherine Antonetti, directrice de la communication de l’assureur. Une charte, signée avec France 2, garantit que le sponsor n’est pas là pour se faire de la promo. « Le budget est léger : on est loin de l’achat d’espaces publicitaires. Nous ne sommes pas dans une démarche vendeuse », insiste Catherine Antonetti, sans pour autant vouloir donner de chiffres.

TROISIEME FAMILLE :

JE SUIS ACCRO AU VERT, JE VEUX MON GREEN HEBDO

L’écologie, nouvelle marotte de la télévision française ? Ressortez vos vieux Télépoche. Dès 1984, la Une, encore dans le giron du service public, diffuse chaque semaine un petit magazine intitulé «  Naturellement vôtre  ». « Mais on n’y parlait pas de pollution. C’était des sujets très fleur verte », se souvient Daniel Renouf, président de la boîte de production System TV, évoquant un épisode mémorable sur le pouvoir fertilisant de la bouse d’âne. Il faut attendre les années 1990 pour voir débarquer des programmes plus alarmistes sur le changement climatique. Dix-huit mois avant le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, France 2 lance «  Sauve qui veut  » à l’antenne. Pionnière, l’émission « ne rencontre pas son public », selon la formule consacrée.

Aujourd’hui, la recette à succès repose sur l’ingrédient « émerveillement ». Avec «  Vu du ciel  », en prime time sur France 2, quatre fois par an, Yann Arthus-Bertrand émeut le télézappeur à coups d’images sublimes d’une planète mise en danger par la légèreté de nos comportements. Dans un autre genre, «  Thalassa  » rassemble environ 4 millions de personnes devant le petit écran, tous les vendredis soirs sur France 3. « On fait de l’écologie depuis longtemps sans jamais l’avoir revendiqué, parce que nous sommes avant tout un magazine de découverte et d’évasion », raconte Georges Pernoud, aux commandes du cargo depuis son lancement en 1975.

Sur TF1, «  Ushuaïa  » fait voyager les téléspectateurs dans leur fauteuil depuis 1987. Pour son périple, diffusé le 20 mai, le magazine de Nicolas Hulot a emmené 5 millions de Français en Afrique australe, devançant le biopic de Joe Dassin diffusé sur France 3. « “ Ushuaïa ” est complètement hors sujet sur le développement durable, dénonce Alice Audouin, directrice du développement durable chez Havas Média et auteur d’Ecolocash, un roman au vitriol sur la prise de tête verte. En se consacrant uniquement à la vie des animaux, Nicolas Hulot rate toute la modernité du sujet. »

Quid donc d’une émission récurrente dédiée au développement durable et qui embrasserait toute sa complexité ? Les grandes chaînes justifient leur choix. « Nous essayons de traduire ces questions sur l’ensemble de la grille plutôt que de faire des émissions spécifiques », légitime Alain Vautier. Le directeur des antennes de France 3 argue de l’efficacité de cette méthode : « On préfère trouver des moyens de parler à tout le monde plutôt qu’à des spécialistes et des déjà convaincus. » Et Philippe Vilamitjana, son homologue de France 5, de renchérir : « La télé n’a pas encore su trouver un discours sur l’environnement qui échappe au dogmatisme. Le discours “ Il faut-il ne faut pas ” provoque le rejet des téléspectateurs. Nous préférons donc poser les problèmes du développement durable sans que cela passe par une étiquette revendiquée. »

Pourtant, la seule chaîne généraliste à s’être lancée dans un programme spécifique semble éviter cet écueil. Avec «  Global Mag  », tous les vendredis à 19 heures, depuis janvier, Arte propose une émission de décryptage sur la mondialisation et ses dégâts, à la fois interactive et éducative. « Pour que l’écologie ne soit plus associée à l’image d’ex-soixante-huitards producteurs de fromage de chèvre, il faut que le message soit adapté à la modernité », explique Alain Wieder, directeur adjoint des projets d’Arte. Ecran tactile façon Minority Report, zoom sur des images satellites, dessin animé Les apprentis Z’écolos réalisé par vos serviteurs (1), «  Global Mag  » joue sur un univers technologique et moderne. La chaîne franco-allemande, réputée élitiste, réunit sur ce rendez-vous 400 000 téléspectateurs en moyenne, soit quatre fois plus que le programme auquel il a succédé.

Mais les grandes chaînes, machines à audimat, assurent ne pas vouloir s’y risquer. Daniel Renouf, de System TV, confie pourtant être en arbitrage budgétaire avec France Télévisions pour une émission hebdomadaire de décryptage du développement durable. Même M6, jusqu’ici peu portée sur la chose, annonce l’arrivée d’un magazine « lié à l’écologie » dans sa grille de rentrée, présentée par Guy Lagache, l’homme de l’inusable «  Capital  ».

QUATRIEME FAMILLE :

JE VEUX QU’ON ME PARLE D’ÉCOLOGIE COMME ON ME PARLE DU TRAFIC DE DROGUE COLOMBIEN. DE L’ACTION QUOI !

En attendant, il va donc falloir picorer. Les chaînes le revendiquent : il faut du vert pour tout le monde et à toutes les sauces. Une option consiste donc à attendre que votre magazine préféré vous propose un sujet « environnement ». Sur France 5, télézappez-vous sur «  Question maison  » : vous tomberez régulièrement sur un numéro vert à base de récupération d’eau, de plantes dépolluantes ou de climatisation naturelle.

Chez France 2, on cite volontiers le magazine «  Ils font bouger la France  ». Dans l’émission de décembre 2008, Béatrice Schönberg faisait débattre ses invités, dont Nicolas Hulot, du thème – assez courageux en prime time – « Transport, maison, environnement… Notre vie sans pétrole ». Au programme : prix de l’essence et vie sans voiture.

Le jeudi, vous aurez peut-être la chance de tomber sur un Envoyé Spécial vert. Sur les six premiers mois de l’année, le magazine de grands reportages de France 2 a consacré une dizaine de sujets – 26 mn chacun – au développement durable : d’une enquête sur les cosmétiques bio aux pesticides des serres espagnoles, en passant par une virée dans la tribu des décroissants. Les couche-tard auront une assiette mieux garnie : «  90 minutes  ».

L’émission bimensuelle, «  Complément d’enquête  », sur France 2 toujours, a consacré 3 numéros sur 18 à des questions environnementales depuis septembre 2008 : l’arnaque de la voiture propre, les nouveaux poisons chimiques et la ruée vers les terres agricoles. « J’ai le souvenir, il y a très longtemps, d’une émission entièrement consacrée au plastique. A notre grande surprise, ça a cartonné ! On s’est rendu compte que plus on parlait de conséquences sur nos modes de vie, plus ça marchait !, explique Benoît Duquesne, présentateur de l’émission. La façon de vendre le sujet au public est particulièrement déterminante. Les gens sont rassasiés d’une dramatisation à outrance. Ils ont compris le message. Maintenant, ils demandent : comment fait-on ? »

Pour Jean-Michel Carpentier, rédacteur en chef du 13/15, le magazine du week-end de France 2, pas question de s’interdire de prendre de la hauteur. Fin mai, par exemple, deux reportages ont été consacrés au risque de conflit militaire que le réchauffement climatique pourrait provoquer au Canada. « Aujourd’hui, on parle d’environnement pour parler de géopolitique, d’économie, d’enjeux énergétiques : c’est devenu un axe majeur de notre réflexion », résume cet ancien rédacteur en chef politique. Pas étonnant, donc, de voir ces thématiques régulièrement abordées dans les émissions de débats «  Ce soir ou jamais  » (France 3), «  Ripostes  » et «  C dans l’air  » (France 5) ou «  Mots Croisés  » (France 2), à coups de « Tous les partis sont-ils écolos ? », « Boire de l’eau du robinet tue ?! », « Villes françaises du futur », « Bientôt la vérité sur les antennes-relais ».

CINQUIÈME FAMILLE :

LE XXIE SIÈCLE AURA-T-IL SON WATERGATE ENVIRONNEMENTAL ? JE VEUX LA VÉRITÉ !

Home et ses 8,3 millions de téléspectateurs resteront l’événement marquant de la télé verte cette année. Mais, sans lyrisme ni battage médiatique, le docu environnemental fait-il de l’audience ? Pour Daniel Renouf, président de System TV, le débat est précisément là : « Les banquises qui s’écroulent, j’en ai assez. Le problème est autour de nous : il est géopolitique. Il faut se projeter dans l’avenir. » Un constat en partie partagé par Canal +. « On reçoit beaucoup de propositions de films de constat, mais peu de films constructifs. En environnement, le plus difficile, c’est de varier les angles et de sortir d’une vision simpliste tout en restant digeste », analyse Christine Coquelin, directrice des documentaires de la chaîne cryptée.

Canal + semble avoir résolu ce dilemme et lance en prime time, pour cette rentrée, une enquête sur la sushi-mania à l’heure du dépeuplement des océans, et, en deuxième partie de soirée, une déclinaison de thèmes allant des écocitoyens qui sanctuarisent des morceaux de planète aux studios hollywoodiens qui se mettent aux énergies renouvelables.

Pour sortir des inévitables icebergs fondant comme neige au soleil, les chaînes utilisent volontiers le prisme « initiatives positives » moins anxiogène. France 5, la chaîne au logo vert, l’a bien compris avec «  Les Report-Terre  ». Le principe : pendant quarante-deux jours, dix jeunes parcourent l’Europe en binômes à la recherche d’actions positives pour la planète. « La série a tellement bien fonctionné l’an passé que cet été, nous avons décidé d’y consacrer une soirée complète par semaine », se réjouit Philippe Vilamitjana, directeur de l’antenne. Mais comme le vert n’est pas toujours rose, les chaînes craignent le documentaire d’investigation angoissant en prime time. La journaliste Marie-Monique Robin l’a expérimenté avec son film sur la multinationale américaine Monsanto, l’un des principaux producteurs de semences génétiquement modifiées. Econduite par France 2 qui ne le trouvait pas assez « franco-français », c’est à Arte qu’elle a apporté Le Monde selon Monsanto.

Diffusé le 11 mars 2008, il a réuni plus de 1,5 million de téléspectateurs et raflé 6,4 % de parts de marché, soit la 3e meilleure audience de l’année toutes cases confondues pour la chaîne. « Le système informatique du site de rediffusion d’Arte a même explosé sous le nombre de connexions », s’amuse la journaliste. Elle-même ne connaît pas le budget de son film : autour de 600 000 euros (2), semble-t-il, et une coproduction internationale pour trois ans d’enquête sur trois continents. Inutile d’espérer en voir plus souvent. « Pour les documentaires d’investigation, la règle, c’est une enquête de grande qualité. C’est donc long et coûteux. On ne peut pas les multiplier », affirme Emmanuel Suard, directeur adjoint des programmes d’Arte.

Aurait-il été possible de voir ce même documentaire sur une antenne en partie financée par la publicité ? Les chaînes concernées nous assurent qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre investigation environnementale et page de promotion. Sur Arte, la question ne se pose pas. « L’absence de pub nous donne surtout de la liberté sur les audiences. On peut prendre des risques », souligne Emmanuel Suard. Diffusé en prime time, le 25 novembre 2008, le docu Mâles en péril traitait, lui, de la pollution des matières plastique et de son impact sur la fertilité. « Il a eu moins de succès que Monsanto, mais les problèmes posés sont complexes et les conclusions soumises à plus d’hypothèses. Cependant, notre rôle est d’être un signal d’alarme », conclut Emmanuel Suard.

SIXIEME FAMILLE :

JE VEUX VOIR BRAD PITT COUPER LE MOTEUR DE SA VOITURE AU FEU ROUGE

20 h 35. Une soirée télé pour décompresser d’une grosse journée de boulot. Malgré votre conscience d’écocitoyen, une envie soudaine de série décérébrante vous envahit. Le 5 mars, «  Envoyé Spécial  » réunissait 4,4 millions de téléspectateurs autour d’une enquête complexe sur la cosmétique bio. Trois jours plus tôt, sur la même chaîne, la série américaine FBI : portés disparus, en comptabilisait 2 millions de plus. « Ras-le-bol de voir l’environnement cantonné aux documentaires, s’énerve Alice Audouin, consultante. Où passe l’argent des chaînes ? Dans la fiction ! Le développement durable doit donc aussi passer par le divertissement. »

Les experts ès écrans ont bien repéré le problème. « Les concepteurs de programmes n’ont pas encore trouvé la bonne formule pour intéresser le public, soulève Bertrand Villegas, cofondateur de The Wit (World Information Tracking), une société d’observation des médias mondiaux. Les Anglais ont essayé le coaching écologique, mais l’enjeu n’est pas suffisamment individuel. Globalement l’écologie, c’est ennuyeux. » Pour être poli. Elle le serait beaucoup moins si l’on voyait l’inspecteur Jack Malone couper l’eau lorsqu’il se brosse les dents, ou l’agent Jack Bauer n’utiliser que des explosifs non polluants.

Mais les écogestes ne se sont pas – encore – infiltrés dans les scénarios. Pas plus que dans le film du dimanche soir ou les shows de divertissement que plébiscitent les téléspectateurs. A quelques exceptions près. Le 19 mai, pour le premier épisode de «  Secret Story  », Endemol avait décidé d’apporter sa pierre à la cause environnementale par la voix de Benjamin Castaldi. Au moment de l’arrivée des candidats, le présentateur de l’émission de téléréalité de TF1 bégaye au micro : « Les candidats sont en route dans une voiture électrique », « Ils ont pris place dans une voiture électrique », « Ils vont arriver en voiture électrique », « On ouvre la portière de la voiture électrique », « Ils descendent de la voiture électrique ». Comme l’ont judicieusement remarqué nos confrères de Télérama, spécialistes du décorticage de programmes, la voiture électrique en question devait parcourir environ 30 mètres entre le parking et l’entrée de la fameuse maison des secrets. Le terme « voiture électrique » aura au moins été répété cinq fois en l’espace de trois minutes devant 5 millions de téléspectateurs ! Sensibilisation massive assurée.

SEPTIEME FAMILLE :

LE VERT À LA TÉLÉ, C’EST TROP NUL. JE PRÉFÈRE ÉTEINDRE POUR LIRE «  TERRA ECO  »

Geste radical mais pas forcément judicieux – sauf pour les comptes de votre mensuel préféré. La télé, même avec ses défauts, nous injecte du vert dans le cerveau. Selon un Eurobaromètre, publié en mars 2008, elle est d’ailleurs la première source d’informations sur l’environnement des Européens. Le JT se classe en tête des sources d’informations sur l’environnement (68 %) quand la presse n’arrive qu’en deuxième position (43 %). Près de la moitié des Suédois, Français, Hongrois et Tchèques mentionnent, par ailleurs, les documentaires et les reportages télévisuels comme sources d’information principales.

Le score d’Europe Ecologie aux élections européennes, le 7 juin, aurait-il été historique si la télé ne s’était pas emparée des questions environnementales ces dernières années ? « La programmation de Home, le même jour, dans le monde entier, n’aurait été possible pour aucun autre sujet », souligne François Jost, analyste de la télévision, professeur à la Sorbonne Nouvelle. Encore faut-il que la méthode soit la bonne. « Les émissions procèdent d’abord à coups d’émotions et de témoignages. Le risque est de s’en remettre à une sorte de bon sens paysan qui n’explique rien. Le problème, c’est que les explications scientifiques ne sont pas toujours télégéniques », ajoute le chercheur.

Les professionnels des médias s’en préoccupent. Christine Kelly, ancienne journaliste de LCI et nouvelle Sage du CSA, préside, depuis janvier, une mission dédiée à la santé et au développement durable. « Nous allons identifier les difficultés de traitement comme la tentation des scenarios catastrophes et des images spectaculaires où surnagent peu d’informations, et à l’inverse, des intervenants trop spécialistes », souligne-t-elle. Mais pas d’introspection de contenu sans une enquête sur le contenant.

Au CSA, depuis janvier, on trie ses poubelles. Ouf. Et le Conseil compte bien vérifier si les chaînes lui emboîtent le pas. « La mission abordera la responsabilité éditoriale comme la responsabilité sociétale des entreprises audiovisuelles sur leur impact environnemental », nous rassure-t-elle. Car regarder la télé n’est pas neutre en terme de consommation énergétique. De l’autre côté de l’écran, il y a la prise de courant et la folie des écrans plats . « C’est tout le paradoxe des activités humaines, suggère François Jost. Mais par quoi remplace-t-on le fait de regarder la télévision. Par un trajet en voiture pour aller au cinéma ? » —

(1) Terra eco est coproducteur du dessin animé avec Télénantes et Six Monstres.

(2) 600 000 euros, c’est environ 6 fois le prix d’un documentaire classique.

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