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29-11-2009
Mots clés
Politique
Energies
Macro-économie
Climat

Copenhague : mission (presque) impossible

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Copenhague : mission (presque) impossible
 
Objectif de la conférence : trouver des solutions pour ne pas aller au-delà de +2°C. Mais entre politiques et climatologues, le dialogue est biaisé. Barack Obama, Nicolas Sarkozy, Hu Jintao et les autres oseront-ils aborder des pistes aussi radicales qu'une récession économique planifiée ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Les mesures envisagées pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre sont-elles à la hauteur du danger ? A entendre les deux principaux centres d’analyse des politiques climatiques en France et en Grande-Bretagne, nous serions loin du compte. Terriblement loin. Les objectifs affichés sont pourtant ambitieux. L’Europe dit vouloir réduire de 80 % ses émissions de gaz carbonique et des autres gaz à effet de serre d’ici à 2050. Cela revient à se débarrasser presque totalement des énergies carbonées – pétrole, charbon et gaz naturel – sur lesquelles l’économie repose. Sauf que 2050 pourrait être un moment décisif bien trop lointain pour virer, et échapper au « syndrome du Titanic ».

Il y a toujours eu un décalage entre ce qu’écrivent les spécialistes de l’énergie dans les rapports du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) – sous le sceau de l’ONU – et l’analyse qu’ils défendent loin des diplomates. Au cours des derniers mois, à mesure que se rapprochait l’échéance décisive du sommet de Copenhague, le décalage s’est transformé en malaise. La feuille de route de Copenhague consiste à trouver un accord capable de limiter à + 2° C l’augmentation des températures moyennes sur Terre. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a calculé que si l’on se contentait des mesures de réduction des émissions actées jusqu’ici, nous irions vers une augmentation des températures de 6° C d’ici à la fin du siècle. C’est le scénario du pire. Avec un réchauffement aussi massif, les climatologues ne savent plus dire clairement à quel point les conséquences seraient catastrophiques. De + 6° C à + 2° C : élaborer une stratégie capable de réduire le réchauffement à venir de 4 degrés, on devine que ce sera dur. Voyons jusqu’à quel point.

« Arrêter le bluff »

Titre d’un article paru en octobre dans le Times de Londres : « Les pays riches doivent sacrifier leur niveau de vie pour combattre le changement climatique. » Le grand quotidien conservateur britannique n’est pourtant pas devenu un bastion de la « décroissance ». Il rend juste compte du cri d’alarme lancé par le Tyndall Center, le centre de recherches de référence sur la politique climatique outre-Manche. Kevin Anderson, son directeur, avertit : « La rhétorique des + 2° C interdit tout dialogue sensé et informé sur le changement climatique. Seule une récession économique planifiée sera capable de limiter la hausse des températures moyennes à + 4° C. »

« Récession économique planifiée » ?! Jamais une telle médication n’a figuré sur l’ordonnance des experts des Nations unies. Mais les résultats du Giec sont visés par les gouvernements. Et systématiquement édulcorés. Jean-Charles Hourcade a conduit de nombreux travaux pour le Giec. Cet économiste dirige le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), l’équivalent du Tyndall Center en France. Il confirme : « Le Tyndall Center a raison. L’objectif de + 2° C est herculéen, hors de portée dans la logique actuelle. Il faut arrêter le bluff : même avec ce que propose l’Europe, il n’est pas du tout évident que cela suffise à ne pas dépasser + 4°C. »

Quatre degrés de plus au lieu de deux, ça change tout. Au-delà de + 2° C, les modèles de prévisions climatiques deviennent incertains. Le rythme de fonte des glaciers et des sols polaires gelés pourrait s’emballer, et franchir un point de non-retour aux conséquences inconnues, peut-être cataclysmiques. Jean-Charles Hourcade, 60 ans, observe depuis deux décennies l’évolution des stratégies climatiques. Et dénonce : « Les politiques ne retiennent des diagnostics du Giec que ce qui les arrange. L’Europe, en particulier, s’est rendue coupable de mystification. Elle minimise les difficultés et surévalue l’efficacité des mesures. »

Hiatus de taille

Voici deux exemples de cette « mystification », décrits à la fois par le Cired à Paris et le Tyndall Center en Angleterre. Le dernier rapport du Giec stipule que, pour contenir le réchauffement à + 2° C, les émissions mondiales de gaz à effet de serre auraient dû commencer à décroître en l’an 2000. Depuis 1990, elles ont pourtant grimpé de 38 %. Comment rattraper le retard déjà pris ? On a beau chercher, la réponse ne figure nulle part dans les communiqués de Bruxelles, de Paris ou de Washington.

Seule l’Agence internationale de l’énergie se risque à une réponse… qui a de quoi laisser perplexe. D’après cette instance qui conseille les pays riches de l’OCDE, il n’y a pas d’autre choix que de commencer par « tirer au-dessus de la cible » de concentration de gaz à effet de serre nécessaire pour ne pas dépasser + 2° C , soit 450 parties par million (ppm) d’équivalent CO2. Selon l’AIE, cette concentration « montera jusqu’à 510 ppm en 2035, restera stable pendant environ dix ans, puis elle déclinera jusqu’à 450 ppm ». Détail : l’AIE ne précise jamais ce qui permettra d’engendrer ce déclin. Elle reste tout bonnement muette sur ce qu’il faudra faire après 2030.

Second exemple. Lors du dernier sommet du G8, les dirigeants des nations les plus riches ont signé un compte-rendu qui fait référence pour les négociations de Copenhague. On peut y lire : « La science nous dit que (...) les pays développés doivent réduire leurs émissions de 80 % ou plus d’ici à 2050. » Or, « la science » ne dit pas cela. Le rapport du Giec spécifie que c’est TOUTE l’économie mondiale qui doit réduire ses émissions d’au moins 80 %, et pas uniquement les pays riches ! Le G8 évoque une baisse de seulement 50 % au niveau mondial. Un hiatus de taille, puisque l’essentiel de l’augmentation future des émissions devrait venir des pays en développement, tels que la Chine et l’Inde.

Brider, mais comment ?

D’après le Tyndall Center, pour conserver une chance de limiter le réchauffement en deçà de 4° C, il faudrait que les émissions de gaz à effet de serre des pays riches – celles de l’industrie, de l’électricité, du chauffage, des transports – aient totalement cessé dès 2025. Au moins un quart de siècle plus tôt que ce que prévoient les projets politiques les plus avant-gardistes. Les émissions de CO2 des pays riches de l’OCDE ont augmenté de plus de 17 % entre 1990 et 2005. Les ramener à zéro dans quinze ans, « c’est rigoureusement impossible », assène le directeur du Tyndall Center, « à moins que la marée tourne, à moins d’un basculement de ce qu’est aujourd’hui l’orthodoxie économique ».

Au Cired, le diagnostic est à peine moins radical. Au lieu de parler de « récession planifiée », Jean-Charles Hourcade invoque la nécessité de « freiner la croissance ». Nuance. Le patron du Cired insiste sur ce qu’il appelle « l’inertie des infrastructures » : « Les centrales au charbon construites ces dernières années en Chine seront encore là dans quarante ans, et on ne peut transformer nos réseaux routiers en vingt ni même en cinquante ans ! » Conclusion : « Comme on n’arrivera pas à changer l’appareil économique assez vite, il n’y a pas le choix, il faudra en limiter l’usage. »

Comment instaurer un tel bridage ? « En imposant des taxes sur les transports, l’énergie et la construction sans commune mesure avec ce dont parlent les politiques », répond Hourcade. De son côté, le patron du Tyndall Center parle de restreindre les voyages en avion, les achats de vêtements ou d’appareils électroniques. A combien la taxe sur le carbone ? Les ordinateurs du Cired crachent un prix supérieur à 100 euros la tonne de CO2. Conformément à l’arbitrage de Nicolas Sarkozy, les députés français ont placé le curseur à 17 euros, avec des aménagements pour les routiers, les agriculteurs et les pêcheurs. La taxe carbone à la française devrait coûter environ 4 centimes par litre d’essence, à peu près l’écart de prix entre deux stations-services concurrentes.

Charbon forever

On devine pourquoi les gouvernants restent sourds face au remède de cheval préconisé par les chercheurs du Cired ou du Tyndall Center. Mais qu’en pensent les stratèges de l’industrie ? Bernard Rogeaux est surnommé « Mad Max » par quelques-uns de ses collègues facétieux du département recherche et développement d’EDF. Cet expert en prospective est « conseiller de synthèse » : il est chargé d’informer la direction de l’électricien français sur l’avenir de l’énergie et du climat. Le verdict de Bernard Rogeaux rejoint celui du Tyndall Center (bien sûr, il n’engage que lui, pas son entreprise). « Contenir le réchauffement à + 2° C ou même à + 4° C, c’est impossible sans une baisse considérable du niveau de vie dans les pays riches. Sans cela, c’est techniquement infaisable, même en imaginant un développement colossal – et, pour tout dire, invraisemblable – du captage de CO2, du nucléaire et des renouvelables », tranche-t-il.

Un conseiller en stratégie énergétique de l’un des leaders mondiaux de la chimie a accepté de nous livrer « le fond de (sa) pensée », sous couvert d’anonymat : « Les usines délocalisées en Chine et en Inde sont concentrées autour des grands gisements de charbon. Ces pays, qui fabriquent la croissance mondiale d’aujourd’hui, sont et resteront encore demain des économies du charbon (le charbon est la première source mondiale d’émissions de CO2, devant le pétrole, ndlr). » Notre homme sait de quoi il retourne. Sa multinationale est au cœur du processus. Sans surprise, ce haut stratège industriel juge lui aussi que contenir le réchauffement en deçà de + 4° C avec les mesures mises sur la table pour Copenhague est « irréaliste ». Quand est-ce que la marée tourne ? —

Photo : Paolo Verzone / Agence VU

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Chargé de la prospective et du lobbying au Shift Project, think tank de la transition carbone, et blogueur invité du Monde

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  • À cette étape délicate de mi-mandat, à quelques semaines du grand RDV de la planète écologie, vu sur Pnyx.com un éclairage très intéressant des 30 derniers mois, sous la forme d’une anthologie des idées et des mots de N Sarkozy : un assemblage théâtral, mais fidèle, de nombreux extraits de discours et interviews qui mettent en perspective les enjeux de 2012.

    Les textes sélectionnés sont retranscris, accompagnés de sondages sur le type de Société qui se construit depuis trente mois : Sarkozy Midterm, pour quelle société ?

    http://www.pnyx.com

    Cette anthologie est composée de 5 volets, traitant tous les grands thèmes de sa Présidence : les valeurs, les réformes, la sécurité, l’international, …

    Chaque volet est illustré sur Pnyx par une video originale, et les 5 peuvent aussi être visionnées sur YouTube, à la requête :

    http://www.youtube.com/results?sear...

    Pour tous ceux qui veulent mieux cerner l’intrigante complexité du personnage que la majorité des français ont mis à l’Elysée, c’est à voir, … à écouter surtout !

    30.11 à 18h34 - Répondre - Alerter
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