Ils se sont embrassés, émus d’y être, enfin, parvenus après quatre longues années de travail. Signer un accord à 195 à Paris, ce n’était pas gagné après le fiasco de Copenhague. Un accord ? Mieux, un accord qui, de l’aveu de tous ou presque, est plus ambitieux qu’on aurait pu l’espérer. Certes ce texte de 32 pages dans sa version anglaise (39 dans la française) ne réglera pas tout, mais il a le mérite de graver dans le marbre quelques principes essentiels. Décryptage non exhaustif.
Les victoires à l’arraché…
Le 1,5°C :
Le seuil de 1,5°C est apparu à Copenhague, porté par la voix des plus vulnérables, notamment les petits Etats insulaires. Et depuis, l’idée a fait son chemin, emportant peu à peu les adhésions. Sa présence dans le texte est une victoire en soi. L’accord prévoit de maintenir « l’élévation de la température moyenne de l’atmosphère nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et de « poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». Intenable, c’est probable. Il n’empêche. Ce chiffre a une portée symbolique forte : « Ce 1,5°C, c’est une question de morale. Nous sommes vulnérables, d’accord, mais pas incapables. Et les discours de Hollande ou de Obama en ouverture de la COP, ont répondu à cette exigence morale. Le monde, le Nord, enfin, nous écoute ! », expliquait Monica Araya, ancienne négociatrice pour le Costa Rica et désormais directrice du cabinet d’expertise climat Nivela, dans les allées du Bourget.
Reste que le texte manque cruellement de détails sur les moyens à déployer pour respecter ce seuil. Il prévoit seulement de viser un « plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais (…) et à opérer des réductions rapidement (…) de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle ». Des notions trop vagues pour beaucoup.
Les pertes et préjudices :
« Il y a deux ans, les Etats-Unis cherchaient désespérément à éviter toute mention de “pertes et préjudices”. Ils sont arrivés à la conférence en disant : “Nous ne le voulons pas dans l’accord mais ça pourrait être dans les décisions”. Maintenant, c’est dans le texte. Simplement parce que les Etats-Unis ont compris qu’il n’y aurait pas d’accord sans ça », a souligné Michael Jacobs, expert pour la New Climate Economy et ex-conseiller spécial de Gordon Brown à la COP. Mais la décision d’accord ne reconnaît aucune « responsabilité ou compensation ». En clair, les pays riches refusent de devoir indemniser les pays pauvres touchés par les impacts du climat.
Les oui mais…
Le mécanisme de révision :
Tout le monde en convient, les engagements (INDC) mis sur la table par les pays ne seront pas suffisants pour enrayer le réchauffement climatique. Alors il faut les revoir. Ça tombe bien, l’accord prévoit un mécanisme de révision tous les cinq ans : la première est prévue pour 2025, l’accord entrant en vigueur en 2020. Trop tard pour les ONG, qui rappellent l’urgence climatique. Mais les Etats seront libres de revoir leurs objectifs sur la base volontaire avant 2025. Samedi 12 décembre, en plénière, François Hollande a annoncé que la France réviserait sa contribution « au plus tard en 2020 ». D’autres pays réunis au sein d’une coalition de l’ambition improvisée lors de la COP – dont le Brésil, les Etats-Unis ou l’Afrique du Sud – semblaient eux aussi pencher pour une révision avant 2020.
100 milliards de dollars, « un plancher » :
Ils l’avaient promis en 2009 à Copenhague. Les pays riches devront atteindre la somme de 100 milliards de dollars (91 milliards d’euros) versé par an en 2020 pour aider les pays du Sud à faire face aux effets du changement climatique. Mais après ? L’accord de Paris a gravé dans le marbre ce chiffre de 100 milliards et en a fait un « niveau plancher » à partir duquel ils fixeront un nouvel « objectif chiffré collectif » au plus tard en 2025. Mais quid de la suite ? On l’ignore.
Les disparus ou presque
Les émissions du transport aérien et maritime :
La version du 5 décembre remis par les coprésidents de la COP aux ministres comprenait la mention entre crochets : « [Les Parties [cherchent] [devraient chercher] [autre] à limiter ou réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles de soute utilisés dans les transports aériens et maritimes internationaux » (art 3 paragraphe 20). Mais dans la version suivante, remise par les ministres le 9 décembre, plus rien. « Or, les émissions de ces deux secteurs sont équivalentes à celles de l’Allemagne et du Royaume-Uni et ces secteurs sont en croissance rapide… A moins que nous ne considérions sérieusement le transport aérien et maritime, l’objectif de 2°C n’est pas réaliste », s’étranglait Kevin Anderson, vice-directeur du Tyndall Institute, dans une conférence de presse du Bourget le 11 décembre.
Le paragraphe ne figure pas dans le texte final de l’accord. Pas d’illusion, il n’aurait pas comporté de règles ou de mesures précises, mais il aurait permis de remettre le problème sur la table assurent les ONG. Mais voilà, la Chine et les Etats Unis étaient farouchement opposés à toute réglementation financière dans le texte, tandis que les petites îles, très vulnérables au changement climatique mais aussi fortement dépendantes de l’aviation n’avait guère d’intérêt à cette mention. Au placard donc la mention.
Le prix carbone
La mention d’un prix du carbone apparaissait dans la version de travail du 3 décembre. Finalement, c’est une formulation vague qui restera dans le paragraphe 137 (le dernier) des décisions annexées à l’accord de Paris : « Il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone. »
Les droits de l’homme
Disparue du corps du texte, la mention selon laquelle l’accord de Paris doit être mis en œuvre dans le respect des droits de l’homme ne figure plus que dans l’introduction, qui n’est pas contraignante. Selon Amnesty International, l’Arabie saoudite aurait déclaré que la référence aux droits humains dans l’article 2 devait être supprimée, à moins d’ajouter dans la même phrase une référence au « droit des peuples sous occupation ».
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