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27-04-2006
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Société
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Candide au pays de l’économie (suite)

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5- Dans Le Droit à la paresse, Paul Lafargue plaide pour la semaine des quatre heures. Est-ce possible ?

Michel Didier , professeur d’économie au Conservatoire national des arts et métiers et directeur de Rexécode, un club de réflexion et d’analyse proche du Medef.

Quand on baisse la durée du travail, le premier résultat est une baisse presque proportionnelle de la production. Deuxième effet négatif  : une diminution sensible de la compétitivité. La France a ainsi perdu des parts de marché comme jamais à cause des 35 heures. Avec la semaine de 4 heures, l’économie française exploserait.

Patrick Viveret , philosophe et conseiller à la Cour des comptes.

On pourrait même descendre en-dessous de quatre heures... Robert Reich, l’ancien secrétaire d’Etat au Travail de Clinton a déclaré à l’époque : "Si seulement 2 % de la population américaine travaillait à temps plein, cela suffirait pour répondre aux besoins de base de tous les Américains." Car aujourd’hui on obtient plus d’abondance avec moins de travail humain. La preuve : nous sommes deux fois plus riches qu’en 1973, et ceci avec un tiers de travail humain en moins.

6- Peut-on imaginer un monde dans lequel manger,respirer, boire, dormir... serait gratuit ?

Patrick Viveret, philosophe et conseiller à la Cour des Comptes.

C’est possible économiquement. Il existe suffisamment de nourriture et d’eau potable pour tous. Selon l’ONU, il suffirait de 60 milliards de dollars d’investissements supplémentaires pour éradiquer la famine et fournir l’eau et les soins de base à l’humanité. C’est dérisoire comparé au budget mondial de la publicité et de l’armement  : 1 000 milliards de dollars chacun. Mais comme disait Gandhi, il y a assez de ressources sur cette planète pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour satisfaire le désir de possession de chacun. Pour parvenir à une redistribution optimale, il faut commencer par éduquer l’Homme à l’art de vivre et à la sagesse.

Yves Cochet, député vert.

Je ne crois pas. Consommer a toujours un coût économique et écologique. En revanche, nous proposons la création d’un revenu pour tous de 650 euros par mois, et ceci dès 18 ans. Ce matelas de protection universelle ne serait soumis à aucune obligation. Contrairement au RMI, il serait individuel et cumulable aux salaires inférieurs à deux fois le SMIC. Ainsi, pour gagner plus, les bénéficiaires seraient incités à travailler. Son coût  : 100 milliards d’euros par an. Il remplacerait les minima sociaux et serait également financé par une réforme de l’impôt sur le revenu et par des taxes sur les ressources non renouvelables. En six ans, ce système peut éradiquer les situations d’exclusion qui touchent 5 millions de Français.

7- Alain Madelin a proposé de supprimer le ministère de l’Economie. Est-ce réaliste  ?

Michel Aglietta, professeur d’économie à Paris X-Nanterre.

Ce serait le chaos total. L’Etat est le seul capable de pérenniser l’intérêt collectif. Sans régulation étatique, la concurrence capitaliste conduit soit à l’instabilité financière, soit au monopole. Ce qui entraîne forcément des coûts pour la population. Prenez l’exemple de la Russie, en 1991, au lendemain de la dissolution de l’URSS. La libéralisation brutale associée à la quasi-disparition de l’Etat a ruiné l’économie. Résultat  : en un an, le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté a doublé et le système de santé s’est effondré. A tel point que c’est l’un des rares pays occidentaux dont le taux de mortalité a augmenté.

Philippe Simonnot, économiste, fondateur de l’Observatoire économique du droit.

C’est une bonne idée car l’Etat ne sert à rien. Il est censé corriger la myopie du marché. Or les hommes politiques, tenus par leurs intérêts électoralistes ne voient pas plus loin que les hommes d’affaires. Leurs actions sont à contre-temps et ils multiplient les erreurs de prévisions nuisibles à l’économie. En toute situation, il faut donc laisser le marché s’autoréguler. C’est le moins mauvais des systèmes.

8- Peut-on se passer de monnaie  ?

Patrick Viveret, philosophe et conseiller à la Cour des Comptes.

Ah, si les humains s’aimaient, ils n’auraient pas besoin d’une unité de compte pour s’entendre ! La vraie fonction de la monnaie est de créer un espace de neutralité affective dans lequel on peut échanger sans être obligé d’aimer son échangiste. Elle est pacificatrice. Le mot payer vient du latin pacare qui signifie "pacifier". Mais ce rôle a été perverti. A force d’être considérée comme une fin en soi, la monnaie est devenue un outil de domination, un obstacle à l’échange. Conséquence : trois milliards de personnes dans le monde ont un potentiel d’échange infime. Et à quoi me sert de pouvoir acheter un produit fabriqué à des milliers de kilomètres de chez moi si je ne peux échanger avec mon voisin qui vit dans la pauvreté  ? C’est pour retrouver cette mission de proximité que se sont développés ces dernières années des réseaux d’entraide locaux comme les Systèmes d’échanges locaux français (SEL), les banques du temps italiennes ou le système du "time dollar" américain .

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Jérôme Blanc, socio-économiste à l’université Lyon-II.

Depuis 200 ans, les tentatives de s’abroger de la monnaie ont répondu à des situations de catastrophe monétaire. Dans l’Allemagne des années 30, l’hyperinflation ayant détruit le mark, le troc était alors la seule solution pour échanger. Mais ce système ne peut perdurer, car il est limité par la nécessité d’une double coïncidence des besoins. Je veux du pain. Or, je n’ai que des chaises à échanger. Comment convaincre le boulanger d’accepter mon bien  ? Même les "monnaies sociales" » comme les SEL, qui se sont développés en marge des devises officielles ont adopté une unité de compte. Certaines émettent des billets. D’autres ont créé des banques qui répertorient les crédits et les débits. Si je sais faire un gâteau, je peux utiliser cette aptitude. Mais ce système se borne à l’échange de proximité, la monnaie officielle restant nécessaire pour l’investissement, l’épargne et les transactions nationales et internationales.


Monnaie virtuelle pour l’Argentine

Décembre 2001, l’Argentine est à genoux. En quelques mois, le peso perd 75% de sa valeur face au dollar, volatilisant ainsi l’épargne de lz population. Pour éviter la fuite des capitaux, le gouvernement limite les retraits bancaires. Les Argentins n’ont alors d’autres solutions pour survivre que se tourner vers les clubs de troc. Très vite, ils se convertissent au "creditos", une monnaie officieuse qu’ils peuvent échanger contre du pain, des vêtements ou des consultations médicales. L’essor est phénoménal. Plus de 200 millions de coupures circulent à travers le pays, soit 80 % des devises existant en Argentine (peso, dollar et monnaies provinciales). Mais surchauffe : "le système a été déséquilibré par une demande largement supérieure à l’offre, analyse le socio-économiste Jérôme Blanc, il a reproduit l’inflation". Sans parler des multiples creditos falsifiés qui gangrènent le réseau. La confiance, vitale au système est ébranlée. Les clubs, désertés. En février 2003, ils perdent 90% de leurs adhérents.


9- Peut-on fixer le prix d’un produit selon son impact sur l’environnement  ?

Serge Latouche , professeur émérite d’économie à Paris-XI.

C’est ce qu’on appelle internaliser les effets externes. Prenons les transporteurs routiers. Aujourd’hui, ils font supporter aux consommateurs, aux générations futures et à la nature le coût des maladies pulmonaires et des dérèglements climatiques engendrés par leurs activités. Il est donc raisonnable d’appliquer le principe du pollueur-payeur en les taxant davantage. Ces taxes seraient répercutées sur les prix. Celui des fraises du Kivu prendrait en compte les milliers de kilomètres parcourus et celui du kilo de bifteck, les 6 litres de pétrole nécessaires à sa production. Cette hausse inciterait les consommateurs à préférer les produits locaux et encouragerait la "relocalisation" de l’économie.

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