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20-07-2006
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Société
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France

C’est "COM" ça tous les jours

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Avez-vous déjà rêvé de vous faufiler derrière le rideau des grands quotidiens ou du journal télévisé ? Remonter aux sources de l'info et en décoder les stratégies ? Terra Economica vous plonge dans ce monde où journalistes et attachés de presse se mélangent. Un monde 100 ?% Com'.
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Journal télévisé de 20 h. Les activistes de Greenpeace campés sur le pont du Clemenceau crèvent l’écran sur toutes les chaînes, ce 12 décembre 2005. Le matin même, à 11 h, ils atterrissent sur le porte-avions, dans la rade de Toulon. Trois minutes plus tard, l’attaché de presse de l’association, posté sur le quai, enchaîne les coups de fils : l’Agence France Presse d’abord, puis les autres médias. Il s’assure ensuite que les images filmées par son cameraman partent via satellite et sont mises gratuitement à disposition des télés. Ce coup d’envoi médiatique donné, Greenpeace peut distribuer aux journalistes des informations sur un dossier qu’elle connaît par cœur : le démantèlement des vieux bateaux.

Banco. Le 15 février, Jacques Chirac ordonne le retour du Clem’. "La médiatisation, en sensibilisant l’opinion publique, nous permet de faire pression sur les décideurs. C’est un outil indispensable dans notre stratégie", commente Emmanuelle Brisse, responsable de la communication de l’ONG. Et les associations ne sont pas les seules à donner de la voix dans les médias. Hommes politiques, ou entreprises adoptent des stratégies identiques. "Déjà, en 1904, Rockfeller, l’industriel américain, avait compris l’importance des médias", explique Philippe Morel, dans son ouvrage Pratique des relations presse. Pour contrer l’image désastreuse d’une grève achevée dans le sang, l’homme d’affaires avait chargé Ivy Lee de mettre sur pied des œuvres charitables, et de faire connaître le poids économique de l’entreprise auprès des journalistes. Depuis, les "relations presse" (RP) n’ont cessé de se développer. Résultat, aujourd’hui, "70 % environ des thèmes traités dans les médias émaneraient de communiqués de presse", estime le documentaire La sombre histoire des relations publiques.

"Lors des conférences de rédaction, témoigne un journaliste financier, nous décidons en grande partie des articles que nous allons publier sur la base de ces communiqués préformatés." "Nous ne donnons pas seulement l’information brute, comme la sortie d’un nouveau produit, mais également le contexte, et ce qui le rend intéressant", explique de son côté François Gobillot, fondateur d’Axicom, une agence de RP. Manque de temps et diminution des effectifs dans les rédactions aidant, de nombreux journalistes s’abreuvent pour l’essentiel à ce flux de communiqués qui déborde quotidiennement de leur boîte mail.

Au moins pour les sujets courts. Aux antipodes du mythe du journaliste glaneur d’infos, certains sont même devenus des maîtres du "copier-coller". "Je réécris juste un peu", avoue l’un d’eux. Pis, "la presse quotidienne régionale et équestre reprenaient régulièrement mes communiqués tels quels", raconte une ex-attachée de presse de la Fédération équestre. Cette professionnelle fournissait "la bonne info, au bon journaliste, au bon moment", selon l’expression de François Gobillot.

Pour parvenir à ce résultat, toute agence et service de presse au sein d’une entreprise fignole son "fichier presse". Celui-ci renseigne le périmètre de la rubrique de chaque journaliste, l’heure à laquelle il "boucle" ses articles et le compte-rendu des coups de fil échangés. Mais également d’autres données, plus étonnantes, comme le prénom de sa femme. Du reste, des logiciels apportent aujourd’hui leur aide pour gérer ces informations. "Lorsqu’un journaliste appelle, vous savez de suite s’il est important, s’il a rédigé de nombreux articles sur vos sujets, s’il est marié, s’il a deux enfants, si vous avez déjeuné avec lui l’année dernière", assure l’éditeur, Edition Progress.

Déontologie entre parenthèses

L’objectif : être proche du journaliste. L’usage du prénom et le tutoiement sont de rigueur. Et la pratique des déjeuners avec la "presse qui compte", dans les grands hôtels parisiens, comme le Plaza, ou le Georges V, courante. Du reste, la porosité entre les deux professions facilite l’exercice. A l’extrême, sur le site web de l’agence Image 7, l’une des consultantes, Marie-Thérèse Guichard, revendique son statut de grand reporter au Point. Toute considération déontologique mise à part.

La ligne jaune ne stoppe en effet pas tous les professionnels, qu’ils soient attachés de presse ou journalistes. Et, si les témoignages s’accordent pour dire que l’époque n’est plus aux cadeaux somptueux et aux voyages de rêve, il reste quelques miettes consistantes. Le Club Med présentait ainsi ses résultats financiers dans son centre d’Agadir, au Maroc, au cours de trois jours d’escapade. La rencontre professionnelle dissimulait un joli cadeau : un long week-end au soleil.

Dans ce milieu, la presse féminine est bichonnée. Les conseils des pages "beauté" pèsent lourd dans le choix des consommatrices. Alors, les marques mettent le paquet. Sur la plage, cet été, leurs journalistes favorites sont aisément reconnaissables. Etendues sur leur serviette Nivea, elles portent des lunettes Thierry Mugler - 200 euros environ -, cadeau du styliste. Et le soir, elles arborent leur sac Chanel - 1 ?000 euros environ en boutique - offert par ce dernier pour envelopper le rouge à lèvres Allure, dernier envoi de la marque aux rédactions. "Nous recevons tellement de cadeaux qu’il est impossible de les compter", commente une journaliste, cela dit, du fait de leur profusion, ils n’ont pas d’impact sur nos articles." Soit.

"70 % des informations émanent de communiqués"

Les aléas du financement de la presse, en revanche, aident les marques à se faufiler dans les colonnes des articles. Via la publicité, par exemple. En 2003, cette dernière pesait près de 40 % dans les revenus de la presse féminine, d’après la direction du développement des médias. Alors, "la rédactrice en chef imposait des marques de vêtement dans les pages mode, suivant des annonceurs qui avaient acheté des pages de publicité dans le journal", se souvient une rédactrice qui a quitté la place.

L’état financier des médias n’aide pas non plus à l’indépendance. La presse de tourisme a par exemple du mal à financer les voyages de ses journalistes. Du coup, "Il est fréquent que les voyagistes prennent en charge les déplacements lors des reportages. Les offices du tourisme peuvent aussi fournir les billets d’avion", admet Jean-Marc Porte, rédacteur en chef de Trek magazine. Une pratique très courante pour les articles réalisés par des journalistes indépendants, qui proposent des sujets pré-financés.

Ingrédient du montage financier, l’interview du voyagiste se glisse dans le corps de l’article. "Ce sont des experts et, de plus, nous remercions l’agence en bas de la page", argumente Jean-Marc Porte, qui juge la démarche légitime. Reste qu’elle n’est pas forcément transparente aux yeux du lecteur. Les acteurs de la vie publique eux aussi font des pieds et des mains pour faire parler d’eux. Mais, "dès qu’un journaliste pose une question qui sort des sentiers battus, impossible d’obtenir une réponse", regrette Gilles Klein, un journaliste qui anime un blog sur les médias.

Info sous surveillance

Au pire, le service de presse est là pour verrouiller l’information. Ainsi, les fonctionnaires du ministère de l’Emploi et de la Solidarité appliquent une consigne stricte : interdiction de parler aux journalistes sans le feu vert de la Com’. Philippe Kessler, pédégé d’une société d’ingénierie, estime d’ailleurs "normal" de pouvoir relire - avant publication - un article le concernant, au nom du "droit à l’image". Du reste, il arrive que la Com’ ne détienne pas l’information recherchée par le journaliste. "Un service de presse ne peut être efficace que si le président de la société l’avise de la stratégie", explique Vincent de la Veyssière, fondateur de l’agence VcomV. Et c’est loin d’être la règle.

D’après les études de cette agence, "les journalistes regrettent qu’une agence sur deux connaisse mal les entreprises pour qui elle communique", poursuit le pédégé. Une journaliste de radio, qui comptait relater l’histoire du pharmacien d’Orléans inventeur du Synthol, lors des 80 ans de la marque, s’est ainsi vue renvoyée vers l’agence RP de l’entreprise, Capital image. Cette dernière ayant été incapable de lui fournir la moindre info, son sujet est tombé à l’eau. Sans la Com’, pas d’info.

Articles liés :

- Les jolies colonies de Microsoft

- Voyage de presse : l’arme fatale

- Boulettes de Com’

- Entre info et Com’, le coeur de Renault balance

Sources de cet article

L’Observatoire critique des médias : (Acrimed)

Blog de Gilles Klein, journaliste, qui traque boulettes et approximations dans les médias

Les émissions d’"Arrêt sur images", disponibles en podcast sur France 5

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