Terra eco : En s’adressant la semaine dernière au Congrès pour défendre l’idée d’une assurance maladie universelle et la réforme du système de santé, qu’a accompli Barack Obama ?
David Cutler : "Il a accompli deux choses : le but de son intervention était d’inciter le Congrès à voter en faveur de cette loi et je pense qu’il a réussi à convaincre certains démocrates proches du centre de la nécessité d’aller de l’avant. Du côté des républicains, son discours n’a pas été très bien accueilli (ndlr : le républicain John McCain, son adversaire lors de la campagne présidentielle, a fait circuler au lendemain du discours d’Obama une pétition s’opposant à la réforme) mais la majorité des adversaires conservateurs du président n’avaient aucunement l’intention de fléchir sur ces questions, quelque soit le message d’Obama. De manière plus significative, Barack Obama souhaitait aussi convaincre le public et notamment les électeurs indépendants du bien-fondé de sa réforme. Il s’agissait de les rassurer et de les convaincre de ne pas croire aux mensonges véhiculés par le camp adverse et en particulier l’accusation de Sarah Palin (colistière de John McCain pendant la campagne) reprochant au gouvernement de vouloir instaurer des tribunaux de la mort (commissions de bureaucrates qui auraient pour tâche de décider si oui ou non il fallait prolonger la vie des malades en phase terminale)."
Quels sont les obstacles principaux à l’adoption de cette réforme sachant que la question de son coût (900 milliards sur 10 ans selon le Président) et l’hypothèse d’une nationalisation partielle du système d’assurance-maladie semblent effrayer les Américains ?
"L’aspect le plus controversé est l’idée d’une option d’assurance publique car les Américains se méfient systématiquement de tout interventionnisme étatique. Ce manque de confiance à l’égard du gouvernement fait en quelque sorte partie de notre inconscient. En revanche, je pense que l’on pourra arriver à un consensus sur la question du financement de l’assurance-maladie : il est plus facile pour les Américains d’accepter un système de subventions gouvernementales de l’assurance maladie plutôt qu’une nationalisation même partielle d’autant plus que le secteur privé n’a jamais fait autant appel à l’État qu’au cours de ces derniers mois. Si Barack Obama n’arrive pas à faire adopter cette réforme dans un contexte relativement favorable avant la fin de l’année, je doute que l’Amérique arrive un jour à réformer son système de santé."
Barack Obama a parlé d’une assurance universelle obligatoire mais les détails de l’implémentation d’une telle règle restent flous. Comment forcer les Américains à s’assurer et selon quels critères ?
"Une chose est certaine : on ne peut pas forcer les gens à s’assurer s’ils n’ont pas les moyens financiers de se payer une assurance. Dans un État comme le Massachusetts on a instauré un système incitatif. En gros, on dit aux gens que grâce aux généreuses subventions de l’État, ils n’ont plus d’excuses pour ne pas contracter une assurance maladie. Pour arriver à un système universel, il va donc falloir s’attaquer au cœur du problème : le coût prohibitif de l’assurance maladie pour l’Américain moyen."
David Culter est auteur du livre « Your Money or Your Life : Strong Medicine for America’s Heathcare system »
10 chiffres pour comprendre les carences du système actuel
2,5 trillions de dollars : c’est le montant que devrait atteindre les dépenses de santé en 2009, un chiffre qui, selon les projections, devrait doubler d’ici à 2018
13 000 dollars : c’est le coût moyen annuel d’une assurance maladie pour une famille de 4 personnes lorsqu’elle est prise en charge par l’employeur (le salarié payant 30% de ce coût)
+119% : c’est la hausse du montant des primes d’assurances au cours de la décennie
29% : c’est le pourcentage d’Américains couverts par une assurance publique de type Medicare (pour les seniors et les handicapés) ou Medicaid (pour les pauvres)
9.9% : c’est le nombre d’enfants qui ne sont pas assurés aux États-Unis
19.1% : c’est le pourcentage d’Afro-Américains sans assurance-maladie
30,7% : c’est le pourcentage de Latino-Américains sans assurance-maladie
33% : c’est la proportion de personnes sans assurance-maladie qui travaillent pour des PME
52% : c’est le pourcentage d’Américains qui déclaraient soutenir la réforme du président Obama au lendemain de son discours devant le Congrès (contre 40% une semaine auparavant), selon un sondage effectué par la chaîne CBS
20 : c’est le nombre de points de popularité perdus par Barack Obama depuis son installation à la Maison Blanche selon l’institut Gallup, sa cote de popularité étant passée de 70% d’opinions favorables en janvier dernier à environ 50% aujourd’hui
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