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A qui profite le réchauffement climatique ?

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A qui profite le réchauffement climatique ?
 
Qu'y a-t-il de commun entre l'industrie nucléaire, les géoingénieurs, les semenciers, les pétroliers, les traders et la Russie ? Réponse : un goût particulier pour la chaleur du business.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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1/ INDUSTRIE NUCLEAIRE : L’ECOLOGIE ATOMIQUE

Le réchauffement climatique est une opportunité inespérée pour l’industrie du nucléaire. La fission de l’uranium offre l’avantage de générer beaucoup d’électricité sans pratiquement émettre de CO2. Il y a quinze ans, quand on ne parlait pas encore de l’effet de serre, il n’y avait presque plus de centrales en construction. Aujourd’hui, le numéro un mondial de l’atome, le français Areva, a mis quatre de ses nouvelles centrales EPR en chantier : une en Finlande, une en France, à Flamanville, et deux en Chine.

Et Areva espère signer des contrats au Royaume-Uni, à Abou Dhabi, en Inde et aux Etats-Unis. Les concurrents du groupe français ont également un boulevard devant eux. La demande n’a jamais semblé aussi forte, alimentée par la nécessité de réduire la consommation d’énergies fossiles. Moscou espère, par exemple, conclure un contrat de 19 milliards de dollars pour construire quatre réacteurs en Turquie – où les tremblements de terre sont pourtant fréquents. Si les ventes de voitures électriques décollent comme promis durant la prochaine décennie, plusieurs experts français, notamment chez EDF et Total, estiment qu’il sera nécessaire de construire au moins un réacteur EPR par an à partir de 2015, puis deux, lorsque les vieilles centrales des années 1970 prendront leur retraite.

Parmi les avocats de l’énergie atomique figurent désormais des défenseurs de l’environnement. Et non des moindres : le Britannique James Lovelock, l’un des pères de l’écologie par exemple. Pas sûr pourtant que l’atome soit une réponse adaptée aux problèmes du climat et de la sortie du pétrole – sans parler de la question des réserves d’uranium, de la sûreté des centrales et du risque de prolifération de la bombe A. Le scénario le plus ambitieux de l’Agence internationale de l’énergie évalue à seulement 7 % la part du nucléaire dans la production énergétique mondiale en 2030. En se fondant sur l’hypothèse – considérable – d’une multiplication par cinq de la puissance du parc nucléaire mondial, la direction recherche et développement de EDF arrive au chiffre de 13 %.

2/ GEOINGENIEURS : LES SORCIERS DU CLIMAT

Refroidir artificiellement l’atmosphère, ce n’est plus de la science-fiction. Larguer des particules réfléchissantes de soufre en haute atmosphère, placer des miroirs entre la Terre et le soleil, ou encore doper le plancton des océans pour qu’il absorbe plus de CO2 : tout cela serait techniquement faisable. Et surtout beaucoup moins cher que de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’université d’Oxford vient de créer un département consacré à la recherche sur l’« ingénierie climatique », selon la dénomination officielle. Au Congrès américain, s’est tenue, le 5 novembre, une audience sur la question devant le comité de la science et de la technologie. Le président de ce comité, le représentant démocrate Bart Gordon, écrivait la veille dans une tribune publiée par le quotidien USA Today : « Le contrôle du climat (...) pourrait être une solution de dépannage qui nous permettrait de gagner du temps si nous nous retrouvons dans une situation désespérée. » L’ingénierie climatique a été inventée durant la Guerre froide. A l’époque, il s’agissait de rendre stériles les plaines d’Ukraine ou du Middle West. Un moratoire a été signé en 1976. Mais la recherche militaire a continué. Le 1er octobre 2009, jour de son soixantième anniversaire, la Chine populaire s’est félicitée d’avoir dispersé les nuages de pollution au-dessus de Pékin, en larguant plus de mille roquettes spéciales dans le ciel de la capitale. L’hiver dernier, la première expérience civile de contrôle climatique à grande échelle a eu lieu dans l’Atlantique Sud. Depuis le pont du Polar Stern, le plus grand navire océanographique du monde, une équipe allemande et indienne d’ingénieurs du climat a lancé des tonnes de sulfate de fer par-dessus bord, afin d’accroître le développement du plancton végétal. Echec cuisant. Dans un premier temps, le plancton végétal s’est développé. Il aurait pu absorber plus de gaz carbonique… s’il n’avait été mangé par le plancton animal, qui lui-même s’est fait manger par de petites crevettes, qui elles-mêmes, etc.

3/ OGM : ORGANISMES CLIMATIQUEMENT MODIFIES

Monsanto travaille depuis vingt ans à créer des plantes génétiquement modifiées afin qu’elles résistent à la sécheresse. Pour l’instant, seule une variété de maïs OGM de ce type a été brevetée aux Etats-Unis. Monsanto a déposé, en mai, une demande d’autorisation pour l’importation et la commercialisation en Europe de ce MON87460. Ce n’est probablement qu’un début. En 2007, Monsanto et le groupe allemand Bayer ont signé un partenariat de recherche doté d’un budget colossal – 1,5 milliard de dollars – afin de développer des plantes « capables de faire face au changement climatique ».

Monsanto cherche par exemple à adapter ses OGM insecticides aux variétés plantées dans le nord de l’Europe. Nathalie Moll, qui représente le lobby des firmes biotech à Bruxelles, justifie : « La hausse des températures fait migrer les nuisibles vers le nord. Et les OGM qui résistent à ces insectes permettent en plus de réduire les traitements chimiques. Le bénéfice pour l’environnement est double. »

4/ PETROLIERS : SI L’OR NOIR POUVAIT VERDIR

En 2001, British Petroleum (BP) avait eu la drôle d’idée de se rebaptiser « Beyond Petroleum », ce qui signifie « au-delà du pétrole » en anglais. La stratégie marketing a fait long feu : seule une infime fraction du chiffre d’affaires de la compagnie britannique ne vient pas de l’or noir. Mais les pétroliers n’ont pas renoncé à « verdir » leur image et leurs investissements. L’américain Chevron produit de la vapeur d’eau grâce à des panneaux solaires, pour faire remonter le pétrole dans certains champs d’extraction difficiles. Une autre compagnie américaine, Valero, a recours à des éoliennes pour alimenter en électricité ses raffineries. Surtout, « Big Oil » investit massivement dans les carburants végétaux (lire aussi pages 30 à 32), et contrôle déjà une partie importante du marché de l’éthanol aux Etats-Unis. Le géant Exxon Mobil vient de se lancer dans un programme de recherche de 600 millions de dollars pour développer une essence à base de micro-algues. Au moment où les réserves nouvelles d’or noir sont de plus en plus difficiles à dénicher (lire page 50), les compagnies pétrolières occidentales, avec leurs quelque 2 mille milliards de dollars de capitalisation boursière, pourraient bien devenir un acteur majeur dans les énergies alternatives.

5/ TRADERS : LES SPECULATEURS D’« AIR CHAUD   »

Izzet Bensousan, 33 ans, est courtier en carbone à New York. La société qu’il a fondée il y a deux ans, Karbone, vend et achète de « l’air chaud ». C’est ainsi que le milieu financier a surnommé les marchés de droits d’émission de CO2. Parmi les clients de Karbone figurent des industriels, mais aussi des banques d’affaires.

Car il y a de la spéculation sur le marché de l’air chaud, « beaucoup plus en proportion que sur les marchés traditionnels de matières premières », reconnaît Izzet Bensousan. Le jeune patron justifie : « C’est logique, la valeur de la tonne de CO2 dépend des réglementations fixées par dix ou vingt gouvernements qui passent leur temps à changer d’avis. Alors forcément, nos clients ont besoin de couvrir leurs risques. » A Paris, la Caisse des dépôts confirme que sur le marché à terme de la Bourse européenne de carbone, il y a 80 contrats passés pour un seul échange réel de droit à émettre du CO2. Izzet Bensousan vient d’une famille d’Istanbul spécialisée dans le négoce du pétrole. « Le pétrole, tu sais à quoi ça ressemble. Tu peux le toucher, le sentir. Tu sais où tu l’achètes et où tu le livres. Le gaz carbonique, c’est plus subtil », s’amuse-t-il.

6/ KREMLIN : LE TSAR DU CARBONE

1990 est l’année de référence pour mesurer l’évolution des émissions des pays signataires du protocole de Kyoto. 1990, c’est également l’année où l’URSS a commencé à se décomposer. La profonde récession économique qui s’en est suivie a entraîné une chute brutale des émissions russes de CO2. Celles-ci demeurent encore aujourd’hui inférieures de 30 % à ce qu’elles étaient à la fin de l’ère soviétique. Vladimir Poutine a su en tirer parti pour faire monter très haut les enchères, avant que Moscou n’accepte de ratifier le protocole de Kyoto.

Après des années de tractations, la Russie a rejoint in extremis le protocole en 2004. En échange, elle a négocié la possibilité de monnayer les milliards de tonnes de CO2 qu’elle n’a jamais émises à cause de sa longue crise économique. Moscou peut vendre ces milliards de crédits carbone à des pays signataires de Kyoto, qui eux, ont vu leurs émissions s’envoler depuis 1990 – le Japon, le Canada ou l’Espagne, par exemple. Ce système, inventé spécialement pour la Russie et l’Ukraine porte le joli nom de Mise en œuvre conjointe (MOC). A 14 euros la tonne de CO2 aujourd’hui, le Kremlin pourrait encaisser des dizaines de milliards sans vraiment faire grand- chose. Mais il n’a encore rien vendu, confirme un gendarme onusien de la MOC. La Russie attend manifestement que les prix montent. —

Illustration : Colcanopa

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Chargé de la prospective et du lobbying au Shift Project, think tank de la transition carbone, et blogueur invité du Monde

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  • Au lieu de mettre ça sur le dos de tous et chacun aller donc voir les grandes entreprises chimiques, agricoles ainsi que les gros porteurs cruisers qui jetent leur déchets à outrance dans les eaux internationnales, les tanneries ( manteaux de luxes pour les riches).
    En ce qui concerne l’eau potable : Nous avons une conduite imbuvables envers elle. Pendant ce temps je vais continuer de trier mes déchets recyclables.

    20.02 à 22h13 - Répondre - Alerter
  • Bonjour à tous,

    Je trouve ça consternant qu’après nous avoir vendu le réchauffement climatique - oui la Terre se réchauffe, non ce n’est pas la première fois, et oui elle s’en remettra toute seule ! - on nous impose encore de dépendre des énergies payantes ! L’Etat d’un pays devrait être un exemple pour ses habitants, prendre soin de leur bien être ! Au lieu de ça, il nous propose la mal bouffe importée, la non censure audiovisuelle sur la nudité, les crimes, les manipulations, et surtout de résoudre les soucis de pollution par la transformation comme ça les arrange : changer la génétique des aliments pour qu’ils s’adaptent, refroidir la planète parce qu’on la réchauffe,...
    (http://www.dailymotion.com/video/xb...)
    (http://www.dailymotion.com/video/xb...)

    Je suis entièrement d’accord sur un seul point : il faut changer notre mode de vie, tous ! un par un ! un individu par un individu, chacun est responsable. Montrons aux plus grands que nous n’avons pas besoin d’eux pour évoluer, laissons les parler et agissons !!! il est à la portée de tout le monde d’économiser l’eau, de choisir de prendre son vélo, les transports en commun ou ses pieds plutôt que sa voiture ; de manger sainement plus de légumes et moins de viande - nous ne sommes pas carnivore, une viande par jour n’est pas nécessaire- d’acheter localement pour réduire les emballages, les transports de marchandises et surtout de créer sa propre énergie ou d’exiger des immeubles à énergies renouvelables.
    (http://www.dailymotion.com/video/xb...)
    (http://www.dailymotion.com/video/xb...)

    Il existe depuis fort longtemps, une source d’énergie non polluante, gratuite, et illimitée - cela ne signifie pas pour autant qu’il faut la gâcher...- j’invite chacun à taper "moteur Stirling" dans son moteur de recherche !!! Mais bien sûr, cela signifierait la mort de Total, EDF et cie, puis qu’elles ne pourraient plus faire de profit sur le dos des consommateurs.

    "Consommateur"... http://www.dailymotion.com/video/xb...
    (http://www.dailymotion.com/video/x9...)

    Ne prenons pas l’excuse de l’enlisement de Copenhague pour ne pas commencer à changer aujourd’hui, maintenant !!

    10.01 à 10h59 - Répondre - Alerter
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