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13-01-2005
Mots clés
Géopolitique
Moyen-Orient

Le jour Un de l’An zéro

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Comment mettre la main sur l'économie irakienne sans violer les lois internationales ?...
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3 - LE JOUR UN DE L’AN ZERO

...L’historien Dilip Hiro a démontré dans Secrets and Lies : Operation Iraqi Freedom and After, que les exilés irakiens supportant l’invasion étaient, en gros, divisés en deux camps. D’un côté "les pragmatiques", qui recommandaient le renversement de Saddam et de son entourage immédiat, la sécurisation de l’accès au pétrole et l’introduction progressive de réformes libre-échangistes. Nombre de ces exilés participaient au projet "Futur de l’Irak", du [ministère américain des Affaires Etrangères], lequel produisit un rapport en treize volumes sur la restauration des services de base et la transition vers une démocratie après la guerre.

A l’opposé se trouvait le camp de "l’Année Zéro." Ceux qui croyaient que l’Irak était si contaminé qu’il devait être entièrement effacé et rebâti de zéro. Le plus fervent avocat du camp pragmatique était Ilyad Alahoui, un ancien baasiste de haut rang, qui s’était brouillé avec Saddam et avait fini par travailler pour la CIA. Le principal partisan de l’Année Zéro était Ahmed Chalabi, dont la haine de l’Etat irakien, qui avait exproprié les biens de sa famille lors de la révolution de 1958, était si forte qu’il ne souhaitait qu’une chose : voir le pays réduit en cendres. Tout, bien sûr, sauf le ministère du Pétrole, qui pourrait devenir le noyau de ce nouvel Irak, l’agrégat de cellules duquel la nation entière pourrait renaître. Il appela ce processus la "dé-baasification."

La défaite des pragmatiques

Les partisans irakiens de l’Année Zéro firent des alliés parfaits pour les néo-conservateurs de la Maison Blanche. A la haine de Chalabi pour l’Etat baasiste répondait celle des "neocons" pour l’Etat en général. Les deux parties s’accordèrent facilement. Ensemble, ils en vinrent à considérer l’invasion de l’Irak comme une sorte d’enchantement : où le reste du monde ne voyait que mort, ils voyaient la naissance - un pays racheté par la violence, lavé par le feu. L’Irak n’était pas détruit par les missiles, les bombes à fragmentation, le chaos et le pillage. Il renaissait. Le 9 avril 2003, le jour où Bagdad tomba, fut le Jour Un de l’Année Zéro.

Alors que la guerre faisait encore rage, il n’était pas évident de savoir qui, des pragmatiques ou des "Année Zéro", obtiendrait le contrôle de l’Irak occupé. Mais la vitesse fulgurante à laquelle le pays fut conquis accrut le capital politique des "neocons", puisqu’ils avaient prédit que ce serait « du gâteau » tout du long. Huit jours après la venue de George Bush sur un porte-avion sous la banderole MISSION ACCOMPLIE, le président opta publiquement pour la vision des "neocons", proposant que l’Irak devienne un modèle d’Etat-société qui ouvrirait la région entière. Le 9 mai, Bush proposa "la création d’une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient avant dix ans." Trois jours plus tard, il envoyait Paul Bremer à Bagdad remplacer Jay Garner, qui n’était en fonction que depuis trois semaines. Le message était sans équivoque. Les pragmatiques avaient perdu. L’Irak appartiendrait aux utopistes.

4 - L’IRAK, PEPINIERE DE TALENTS...

Bremer est un diplomate de l’ère Reagan, devenu entrepreneur. Il a montré son talent à transformer les décombres en or, en attendant exactement un mois après les attaques du 11 septembre pour mettre en place son Cabinet de Consultation en temps de Crise (Crisis Consultation Practice), une entreprise de sécurité vendant à des multinationales "une assurance contre les risques terroristes." Il était entouré de deux lieutenants sur le front économique : Thomas Foley et Michael Fleischer, tous deux à la tête du "développement du secteur privé" pour l’Autorité de la Coalition Provisoire en Irak (CPA).

Foley est un multimillionnaire de Greenwich (Connecticut), un ami de longue date de la famille Bush et un des "pionniers" [financeurs, ndlr] de la campagne Bush-Cheney. Il a comparé l’Irak à une "ruée vers l’or" moderne. Fleischer, un spécialiste du capital-risque, est quant à lui le frère de l’ex-porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer. Aucun des deux hommes n’a la moindre expérience diplomatique de haut niveau. Et tous se présentent comme spécialiste "turnaround", dans un vocable emprunté au monde des affaires. Selon Foley, cette expérience les désigne tout particulièrement pour gérer l’économie de l’Irak, "la mère de tous les turnarounds."

Cette fois, le gouvernement, c’était eux

Bien d’autres affectations au CPA furent du même accabit idéologique. La Zone Verte, la cité dans la cité où l’ancien palais de Saddam abrite le quartier général de l’occupation, grouille de Jeunes Républicains fraîchement sortis de l’Heritage Foundation, auxquels furent confiés des responsabilités dont ils n’auraient jamais osé rêver chez eux. Jay Hallen, une jeune femme de 24 ans qui avait postulé pour un poste à la Maison Blanche, fut chargée de mettre sur pied la nouvelle Bourse de Bagdad. Scott Erwin, 21 ans et précédemment sous les ordres de Dick Cheney, raconte dans un mél adressé à sa famille : "j’assiste les Irakiens dans la gestion des finances et du budget pour les forces de sécurité." Parmi ses expériences antérieures, ce jeune diplômé mentionne "l’époque où [il] conduisai[t] un camion de glaces." [...]

Les équipes de comptables de KPMG, les banquiers d’investissement, les habitués des think-tanks et les Jeunes Républicains qui peuplent la Zone Verte ont des airs d’émissaires du FMI, qui remodèlent les économies des pays en développement du haut de leurs suites présidentielles au Sheraton, à travers la planète. Ceci, à une exception, plutôt significative, près : en Irak, ils n’étaient pas là pour négocier avec le gouvernement et faire accepter leurs "ajustements structurels" en échange d’un prêt. Cette fois, le gouvernement c’était eux.

5 - UNE CONSTITUTION EMBARRASSANTE

En se débarrassant de la constitution baasiste qui avait cours en Irak, et en la remplaçant par ce que The Economist salua comme une "liste de voeux des investisseurs étrangers", Bremer omit de mentionner un détail : tout cela était tout à fait illégal. Le CPA tirait son autorité de la résolution 1483 du Conseil de Sécurité des Nations unies. Votée en mai 2003, celle-ci reconnaissait aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne le statut d’occupants légitimes. Elle accordait à Bremer le pouvoir de légiférer en Irak de manière unilatérale.

Toutefois, la résolution stipulait aussi que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne devaient "s’acquitter entièrement de leurs obligations en accord avec le droit international, incluant en particulier les Conventions de Genève de 1949 et les Accords de la Hague de 1907." Ces deux conventions étaient nées de la volonté d’endiguer la fâcheuse tendance historique des occupants à réécrire les règles, de sorte à dépouiller les nations sous leur contrôle. A ce titre, les conventions stipulent que l’occupant doit se soumettre aux lois existantes du pays occupé, sauf s’il en est "absolument empêché." Elles précisent en outre que l’occupant n’est pas propriétaire des "immeubles publics, des biens fonciers, des forêts et des richesses agricoles" du pays qu’il occupe, mais qu’il en est "l’administrateur" et le gardien, veillant à leur sûreté jusqu’à ce la souveraineté soit rétablie.

Telle était la menace qui planait sur le plan de l’Année Zéro : puisque les Etats-Unis ne possédaient pas les actifs irakiens, ils ne pouvaient légalement les vendre. Cela signifiait qu’au terme de l’occupation, un gouvernement irakien pouvait accéder au pouvoir et décider qu’il voulait garder les sociétés publiques dans le giron de l’Etat. Ou, selon la norme en vigueur dans la région du Golfe, qu’il voulait empêcher les compagnies étrangères de posséder 100% des actifs nationaux. Si tel était le cas, les investissements réalisés sous le régime de Bremer pourraient être annulés, laissant les compagnies sans recours légal. Car leurs investissements auraient violé d’emblée le droit international...

...LIRE LA 3e PARTIE DE L’ARTICLE

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