C’est sous une tente plantée sur le parvis de la Défense, à l’abri d’un soleil estival, que s’est tenu mardi 16 juin "Pass pour l’emploi", un forum pour l’emploi réservé aux handicapés. Premier du genre, celui-ci a été initié par la Société générale. "C’est bien d’être dans le haut lieu du Cac 40, le symbole de l’entreprise et de pouvoir se dire la Défense est aussi ouverte aux handicapés", sourit Matthieu Pénaud, responsable de la communication pour la Mission handicap de la Société générale et l’un des organisateurs de l’événement. Regard rivé vers le chapiteau, le jeune homme prédit déjà 2 000 visiteurs au terme de la journée.
Sous la tente s’affairent professionnels des ressources humaines ou du recrutement. Ils sont là pour entraîner les candidats handicapés à l’entretien d’embauche. Rencontres en tête à tête ou sous l’œil attentif d’une caméra avant débriefing. "Ils sont tous venus en bénévoles. Ils ont pris une RTT ou quelques heures de liberté pour aider pendant une demie-journée", se félicite Matthieu Pénaud. Plus loin, quelques jeunes femmes aident les candidats à revoir leur CV. Souffrante de troubles psychiques, Florence s’affaire derrière son ordinateur. Elle veut devenir animatrice pour jeunes enfants. "Mais je peux être un peu lente le matin à cause des tocs", souligne la jeune femme.
Coaching personnalisé
A ce public particulier, les assistants apprennent à mettre en valeur leurs compétences au-delà de leur handicap, à expliquer aussi les trous sur leurs CV formés au détour d’hospitalisations ou de périodes difficiles. "Je leur conseille de ne pas forcément parler de leurs besoins spéciaux tout de suite, confie encore Diane Flore Depachtere, cogérante de la société Ekia coaching spécialisée dans le coaching de personnes handicapées. Après tout un salarié ne demande pas dès son entretien d’embauche combien il peut avoir de RTT. Ce n’est pas mentir. Il s’agit juste de ménager un peu l’employeur."Car les entreprises ont encore du mal à intégrer les handicapés dans leurs rangs. Certes la loi existe. Depuis 2005, les sociétés de plus de vingt salariés sont tenues d’employer 6% de travailleurs handicapés. Mais les premières sanctions financières ne tomberont qu’en janvier prochain. Là, les mauvais élèves devront payer 1 500 fois le Smic (soit environ 13 000 euros) par poste handicapé manquant chaque année. Une amende qui devrait peser lourd sur le dos des PME. "La moitié des petites et moyennes entreprises n’ont pas de collaborateurs handicapés, souligne Matthieu Pénaud . Et leurs arguments sont souvent fallacieux. Ca peut être un petit patron qui vous dit : ’je fabrique des casseroles, je ne peux pas employer une personne en fauteuil’. Sauf que seulement 3% des personnes handicapées sont dans un fauteuil. Pour beaucoup, le handicap rime avec l’incompétence. Les gens pensent que vous êtes diminués, opine Abou, 54 ans, un conseiller juridique condamné au fauteuil roulant depuis un accident de voiture. Les entreprises ne veulent pas d’handicapés. Elles disent qu’elles ne sont pas outillées pour.
Peur du handicap
Le chemin n’est pas plus court pour les handicapés psychiques. Justin est venu avec son père faire le tour du salon. La plupart des années de son enfance, ce jeune homme de 22 ans les a passées dans des établissements spécialisés. "Les handicapés psychiques font plus peur que les handicapés moteur, souligne son père. Pour un handicapé moteur, l’entreprise n’a qu’à adapter le poste de travail une bonne fois pour toutes. Avec un handicapé psychique, il peut y avoir des incidents en cours de route. Il suffit d’un blocage vis-à-vis d’un chef de service par exemple pour empêcher la personne de travailler."Tout le monde s’accorde néanmoins pour dire que les entreprises progressent sur le sujet, poussées par une meilleure compréhension mais aussi par l’exigence de se conformer aux quotas. Reste qu’elles se heurtent à un problème de formation des candidats. "Nous embauchons en principe à Bac+2, souligne Lydia David, venue recruter des commerciaux pour le compte de la Banque populaire. Et la plupart des candidats que nous voyons ont un CAP ou un BEP. On veut bien combler partiellement cette différence mais il y a quand même une limite. Ce n’est pas aux entreprises de tout porter." "Il y a une différence énorme entre les besoins des entreprises et ce qu’on propose comme reconversion aux handicapés. La plupart sont formés en secrétaire ou en comptabilité. Mais il n’y a quasiment plus besoin de secrétaire dactylo aujourd’hui. Il n’y a plus non plus de place pour les assistants comptables. Ces services sont souvent externalisés à l’étranger", souligne Diane Flore Depachtere. Au l’entrée du forum, Mariana, 29 ans, travaille sur son CV. "Je viens de finir ma formation de comptable le 5 juin, je cherche un boulot dans le secteur". De son propre aveu, sa jambe malade n’est "pas vraiment un problème pour trouver un boulot“. Sa formation, elle, risque d’en être un.
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