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28-03-2010
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Tour du monde des tribus climato-sceptiques

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Tour du monde des tribus climato-sceptiques
 
Qu’ils réfutent l’idée de réchauffement ou nient le rôle de l’homme dans ce processus, ces contestataires forment une armée aussi hétéroclite qu’influente. Enquête exclusive au cœur de leurs réseaux Internet et financiers.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Novembre 2009. Quelques jours avant la conférence internationale sur le climat à Copenhague. Un millier de courriers électroniques et de documents piratés dans un ordinateur du Climate Research Unit (CRU) britannique – pilier de la climatologie mondiale – sont jetés sur la place publique. L’affaire du « Climategate » éclate. Deux mois plus tard, plusieurs erreurs sont pointées dans le rapport de 2007 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) à l’ONU, même si elles ne remettent pas en cause le consensus autour de l’impact humain sur le réchauffement du climat.

Il n’en fallait pas davantage pour réveiller les climato-sceptiques, une armée de contestataires aussi influente qu’hétéroclite. Dans cette mouvance, on trouve des amateurs d’un climat réchauffé, d’autres qui réfutent l’idée de réchauffement et enfin – la majorité – ceux qui reconnaissent que notre climat a changé depuis un siècle, mais qui nient que l’homme puisse y être pour quelque chose. Hétéroclite, certes, mais redoutablement efficace.

La théorie du complot

Depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche il y a un an et la victoire des travaillistes australiens en 2007, il ne reste guère de pays dirigés par des sceptiques, comme Stephen Harper au Canada ou Vaclav Klaus en République tchèque. Dans l’opinion publique, en revanche, le scepticisme climatique est davantage marqué, notamment dans les pays anglo-saxons. En Grande-Bretagne, un sondage publié début février par la chaîne publique BBC montre que seulement 26 % des Britanniques croient encore à l’influence des activités humaines, contre 41 % un an plus tôt. Aux Etats-Unis, l’opinion résonne aussi des sirènes sceptiques. Selon une enquête réalisée fin décembre par l’université de Yale, le nombre de personnes réfutant l’idée d’un réchauffement lié à l’homme a plus que doublé en deux ans, passant de 7 % à 16 %.

Dans l’Hexagone, le sujet était plutôt tabou. Hormis le succès d’estime du présentateur météo Laurent Cabrol, seul Claude Allègre endossait jusqu’alors le costume du trublion. En février dernier, l’ancien ministre a réitéré ses attaques dans un nouveau livre L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon). Mais fait nouveau : Claude Allègre n’est plus seul à porter le discours climato-sceptique sur les plateaux de télévision. Il a été rejoint à l’automne par l’un de ses proches, Vincent Courtillot, qui se voit bien en nouveau Galilée (1). Vu le peu d’écho accordé par les climatologues à son hypothèse d’une influence majeure du soleil sur le climat au XXe siècle, le géophysicien a préféré en septembre 2009 s’adresser au grand public plutôt qu’à ses pairs, gagnant au passage ses galons d’honorabilité dans les médias. Plus récemment, le physicien Serge Galam – dont l’ouvrage Les Scientifiques ont perdu le Nord (Plon) était presque passé inaperçu à sa sortie en 2008 – a rejoint les rangs des sceptiques. Enfin, dernier en date à tenter de prendre place dans le PAF, le mathématicien Benoît Rittaud, qui dénonce les erreurs de jeunesse de la climatologie dans un livre opportunément paru fin février (2).

A l’origine était le Web

Les climato-sceptiques français ont d’abord tissé leur toile sur le Net. Depuis quelques mois, ils y sont même devenus omniprésents. Avec une stratégie efficace : déverser sur les blogs et les sites de médias – dont celui de Terraeco.net – leurs messages anonymes. Leurs propos sont parfois scientifiques, mais le plus souvent politiques. « C’est ma contribution à la défense de la liberté que je vois menacée par des rêveurs menaçants », nous confie ainsi Daniel (3), un consultant quinquagénaire qui reconnaît passer une heure par jour à poster des commentaires sur le Net. Sa manière à lui de lutter contre le « totalitarisme rampant » des mouvements écologistes. Un autre, François, présente sa démarche comme « purement scientifique », en sa qualité de « professeur des universités à la retraite ». Mais il refuse de communiquer son nom – même avec l’engagement du respect de son anonymat – et va jusqu’à refuser de dévoiler sa spécialité scientifique.

Les climato-sceptiques français ont évidemment leurs points de ralliement. Comme Skyfal, un site qui a fermé boutique en janvier dernier, suscitant de nombreuses protestations contre la « censure ». Son créateur a confirmé à Terra eco que c’est bien un problème technique qui a rendu son site inopérant, sans expliquer pourquoi il ne remettait pas le site en activité. Depuis, ses fidèles fouillent désespérément les archives d’Internet pour faire revivre Skyfal sur le site lancé par Benoît Rittaud pour promouvoir son livre. Et si ce dernier se défend de « vouloir profiter de la vague climato-sceptique » pour vendre du papier, il n’a pas hésité à accoler le mot Skyfal au titre de son blog, pour drainer les requêtes des moteurs de recherche.

« Des retraités éduqués »

Aujourd’hui, c’est le site Pensée unique qui fait référence en France. Lancé en 2006 par un certain Jean Martin, le site mêle actualité climatologique orientée et invective. Retraité, l’homme annonce sur son site un imposant curriculum vitae à base de « grande école scientifique (…), doctorat (…), direction de laboratoires du CNRS », en passant sous silence les détails qui permettraient de le reconnaître. « Je fais cela tout simplement parce qu’il existe, dans notre pays, un grand nombre de personnes – notamment des retraités éduqués, dont certains très compétents – qui s’intéressent à la science et qui veulent connaître “ l’autre versant ” de cette affaire de réchauffement climatique », nous a confié Jean Martin. Il affirme avoir reçu « 25 000 messages en quatre ans, dont seulement 5 % d’hostiles » et revendique le caractère scientifique et objectif de sa démarche. Pourtant, début mars, il encensait la prise de position de l’Institute of Physics (IoP), une société savante britannique qui a vertement critiqué pour son manque de transparence Chris Jones, patron du Climate Research Unit. Mais Jean Martin a omis de signaler que des membres éminents de l’IoP se sont démarqués depuis de l’initiative.

Comme tout internaute climato-sceptique qui se respecte, le responsable du site Pensée unique défend farouchement son anonymat. « Je rendrai mon identité publique quand je le jugerai opportun. » Contacté par Terra eco à de multiples reprises pour connaître ses liens avec Jean-Martin Meunier, un géophysicien retraité du CNRS, qui semble persuadé que les rayons cosmiques expliquent à peu près tout, du climat à la chute des avions, Jean Martin n’a pas souhaité répondre. Il reste cependant l’un des personnages clés de l’Internet sceptique francophone, si l’on en croit des recherches conduites en exclusivité pour Terra eco par la sociologue néerlandaise Sabine Niederer, spécialiste des réseaux au sein du projet Digital Methods Initiative (4). 

Celle-ci a développé des outils qui analysent le contenu des bases de données de Google. Sur une liste de climato-sceptiques fournis par nos soins, Jean Martin arrive en second dans l’Internet francophone, juste derrière Claude Allègre et avant Vincent Courtillot. En version anglophone, Jean Martin devance tous les autres climato-sceptiques français, et même les grosses pointures de la climatologie française que sont Jean Jouzel, Anny Cazenave, Hervé Le Treut ou Valérie Masson-Delmotte ! « Depuis un an, je constate un changement important, confie Sabine Niederer. Avant, les médias parlaient des “ sceptiques ” en général, et leur nom n’était évoqué que sur les sites de leur mouvance ou sur ceux qui les dénoncent. Aujourd’hui, les médias citent des noms, et les personnalités climato-sceptiques ont grimpé dans le Top 50 des sites parlant de climat. »

Financé par des pétroliers

La bataille fait évidemment rage dans l’Internet anglophone. « Quelques jours après le lancement de mon application gratuite pour l’iPhone permettant de trouver toutes les réponses aux arguments des sceptiques, un site a lancé un appel à créer un logiciel concurrent », raconte l’Australien John Cook, créateur du site Skeptical Science (5), qui consacre son temps libre à démonter scientifiquement les arguments des sceptiques : « J’ai démarré mon site après avoir lu un discours du sénateur américain James Inholfe. » Cet élu républicain se verrait bien en McCarthy du XXIe siècle. Début mars, il n’a pas hésité à réclamer une enquête criminelle à l’encontre de 17 climatologues américains et anglais ! Aux Etats-Unis, les sceptiques ont depuis longtemps pignon sur rue dans les médias. Les activistes financés par des organismes comme l’American Petroleum Institute, ou même par des compagnies pétrolières comme Exxon, se bousculent dans les médias, en évitant de mentionner qui les paie. « A la fin des années 1990, ils avaient réussi à convaincre les journalistes d’Amérique du Nord de citer systématiquement des “ experts ” des deux bords », raconte le Canadien James Hoggan, patron d’une agence de relations publiques et fondateur de Desmogblog, l’un des sites les plus impliqués dans la dénonciation des réseaux d’influence du scepticisme climatique. Une égalité de traitement qui semble avoir en partie disparu. « Aujourd’hui, les médias les plus responsables ont cessé de pratiquer cet “ équilibre biaisé ” », se félicite James Hoggan. Celui-ci tranchait singulièrement avec la réalité scientifique. En 2004, l’historienne américaine des sciences Naomi Oreskes avait expliqué dans Science, l’une des revues scientifiques les plus réputées, que 100 % des travaux traitant du changement climatique global publiés dans les grands journaux scientifiques entre 1993 et 2003 abondaient dans le sens d’une influence humaine dans le réchauffement climatique.

Congrès tous frais payés

« Il est évident que l’industrie du déni climatique vient de connaître sa meilleure année », regrette James Hoggan, qui a publié, avec son complice Richard Littlemore, Climate Cover-Up (6). Cet ouvrage décrypte les réseaux, les financements, les têtes d’affiche et leurs méthodes : occuper le terrain, éviter de parler de science et marteler – contre toute évidence – qu’il existe un débat chez les climatologues. « Il est difficile aujourd’hui de trouver un seul climatologue réputé qui affirme qu’il n’y a pas de réchauffement ou que l’homme n’en est pas responsable, rappelle James Hoggan. Personne ne réfute la physique et la chimie sous-jacentes. Sauf des scientifiques qui sont en dehors de leur champ de compétences, comme le physicien Freeman Dyson, ou des personnes qui furent autrefois respectées, mais qui ont abandonné le champ de la science pour travailler comme porte-parole de l’industrie du charbon ou du pétrole. » Dans leur ouvrage, James Hoggan et Richard Littlemore racontent ainsi d’étranges manipulations. Le vicomte Monckton, figure du combat sceptique en Grande-Bretagne, n’hésite pas à affirmer – à tort – qu’il a reçu le Nobel de la paix en 2007, en tant que contributeur au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat à l’ONU…

Sur la scène américaine, la palme de l’activité va sans doute au Heartland Institute. Ce think tank – régulièrement financé par des intérêts pétroliers et qui défend aussi l’industrie du tabac au nom de la liberté individuelle – a organisé en 2008 sa première conférence internationale sur le changement climatique, offrant 1 000 dollars et le voyage tous frais payés aux chercheurs désireux d’apporter leur pierre à la lutte contre le consensus climatique. Du jamais vu dans un congrès qui se veut scientifique. Pour sa 4e édition, prévue en mai, on remarque parmi les orateurs annoncés la présence d’un ancien astronaute, d’un journaliste du Daily Telegraph, du spécialiste des cyclones William Gray et bien sûr d’une foule d’« experts ». Mais toujours pas de trace d’un climatologue réputé… —

(1) Il est l’auteur de Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009).

(2) Le Mythe climatique (Seuil, 2010).

(3) Le prénom a été changé.

(4) http://dmi.mediastudies.nl.

(5) www.skepticalscience.com. L’application pour iPhone est en cours de francisation.

(6) Non traduit en français (Greystone, 2009).

Illustration : Thierry Guitard

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  • On ne cesse de nous expliquer que le GIEC, qui rassemble des scientifiques dont la compétence parait indiscutable, fonctionne par
    « consensus ».

    Selon le dictionnaire Larousse, un consensus est un accord de consentement du plus grand nombre.

    Ceux que l’on appelle les climato sceptiques préfèrent la démarche qui comme le préconise Descartes doit mettre en doute toutes les connaissances qui nous semblent évidentes pour établir un fondement scientifique inébranlable dont sera déduit tout le reste.

    Pour le GIEC le consensus, accord de la majorité sur des points que l’on ne met pas en doute, relève peut être de la science puisqu’il est pour partie le fait de scientifiques, mais il relève surtout de la politique et pourrait être obtenu par vote, par référendum et pourquoi pas par sondage.

    « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Notre bon François Rabelais aurait-il accepté de faire partie du GIEC ou d’en cautionner les oukases et autres conclusions péremptoires ?

    Est-il possible et raisonnable en effet, ainsi que le fait le GIEC, de mélanger sans risque science et politique ?

    Non ! Loin de moi l’idée de sous entendre que la politique se fait au plus grand mépris de la conscience, mais enfin ! Il y a quand même des arrangements, et l’exemple d’Albert Einstein dont les découvertes ont été utilisées aux fins militaires que l’on sait, et qui en a terriblement souffert, montre bien que les politiques sont parfois loin de considérer que pour être véritablement au service de l’Homme, la science doit être liée à cette conscience morale qui caractérise les vrais scientifiques, et peut-être pas toujours ces mêmes politiques.

    On objectera certes que ce sont les tenants et conservateurs de l’ordre moral, qui s’opposèrent aux travaux de la première dissection humaine que fit à Montpellier, Rabelais, le célèbre curé de Meudon.

    Ce sont les mêmes qui firent que Galilée condamné à la prison à vie par la Congrégation du Saint-Office aurait murmuré dans sa barbe, le 22 juin 1633 : « Mais pourtant elle tourne ! ».

    C’est vrai ! Mais après tout n’y avait-il pas chez ces inconditionnels de la conscience morale un soupçon de comportement politique lié au fait qu’il faillait ménager la chèvre et le chou, en l’occurrence faire en sorte que l’école de médecine de Montpellier ne soit pas trop en avance sur les autres ; ou que les partisans du géocentrisme ne soient pas trop brutalement ridiculisés par Galilée.

    Il a fallu la ténacité de Louis Pasteur pour que son vaccin de la rage passe outre le consensus du monde médical dont il avait le tort de ne pas faire partie.

    Sans vous inviter Messieurs les scientifiques du GIEC à faire preuve d’un peu de conscience dont on ne veut pas croire que vous êtes dépourvus, pussions nous par contre vous inviter à un peu plus de modestie, en ne considérant pas, comme le firent les géocentristes, que la terre est le centre de l’Univers, et que les petits cirons que nous sommes sur cette terre ont tout pouvoir pour régenter cet Univers et notamment agir sur les facteurs qui gouvernent le climat.

    Pour en revenir à la conscience et afin que la science ne devienne pas ruine de l’âme, il serait bon que cette science dirigeât ses recherches, non plus sur le rôle illusoire de l’Homme sur le changement climatique, mais sur les conditions dans lesquelles l’humanité peut s’adapter à ce changement auquel de plus en plus d’entre nous et surtout de grands scientifiques consensuso-sceptiques croient que ne pouvons rien.

    N’oubliez pas que de cette adaptation au réchauffement, entre autres, dépend l’espoir que nous avons tous que ne meurent plus de faim ces malheureux petits dont des dizaines ont disparu dans le monde depuis que vous avez commencé à lire ce commentaire.

    1er.09 à 10h24 - Répondre - Alerter
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