Sous l’arbre à palabres de Bois Bocage Energie

Chaque année, ils s’installent autour d’une table. Il y a là des producteurs, des élus, des associations, des particuliers. Ceux-ci disent les kilos de bois déchiquetés qu’ils tireront de la coupe des haies champêtres. Ceux-là déclinent leurs besoins pour chauffer l’école, la mairie, leur logis… Ensemble, ils s’entendent sur un chiffre. « Les producteurs veulent voir leur travail rémunéré à sa juste valeur. Les clients ne veulent pas payer trop cher. Dans cette connaissance des impératifs de l’autre, ils fixent le prix juste pour les deux parties », raconte Laurent Nevoux, administrateur de Bois Bocage Energie. La société a vu le jour en 2006 autour d’une préoccupation commune : la disparition du bocage de l’Orne. Ecrins de biodiversité, éponges d’humidité et symboles d’un terroir, les haies de ce petit bout de pays devaient être revalorisées à tout prix.

Equilibre entre offre et demande

Ce sera la mission de la Scic, la société coopérative d’intérêt collectif. En clair, une entreprise « qui réunit dans une même structure tous les partenaires intéressés par une activité : en amont comme en aval, des producteurs comme des consommateurs, des politiques ou des associations locales », décrypte Alix Margado, délégué innovation Scic à la Confédération générale des Scop. « Et ça fonctionne bien, dans une logique de durabilité, rappelle Laurent Nevoux. Le temps de renouvellement du bois, c’est vingt ans. C’est différent du temps économique. Nous, il nous fallait une structure qui pérennise les relations entre les acteurs, qui les fidélise. » Ainsi, chez Bois Bocage Energie, des plans de gestion des haies sont signés avec les agriculteurs et s’étalent sur vingt ans. Ils prévoient des programmes de plantation, organisent l’abattage pour préserver la santé de la haie.

La force de la Scic, c’est cet équilibre entre offre et demande. C’est aussi sa limite. Sans débouchés, pas de producteurs associés. « Malheureusement, nous refusons beaucoup de producteurs », souligne Laurent Nevoux. La société a bien déployé ses ailes – de 21 petits associés en 2006 et 4 500 euros de capital, la voilà aujourd’hui entourée de 170 acteurs et forte de 22 600 euros de capital – mais elle doit rester vigilante. « Nous souffrons d’une concurrence forte des scieries. Leurs déchets ne valent pas cher et ils sont encore abondants. Quand ils deviendront plus rares, la valeur du bois forestier et de bocage va réaugmenter. On pourra vendre au plus près de la réalité du marché. » Aujourd’hui, pour brûler le bois siglé Bois Bocage Energie, le client accepte encore de plonger profond dans sa poche : la tonne de bois se paye 100 euros contre 70 à 80 chez les scieurs. Mais pour Gilles Delaunay, producteur de bois et pédégé de la boîte, « on n’est pas dans une simple logique de marché, mais dans un partenariat ». —

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Le grand boom des Scic

Nées en 2001, les Scic essaiment. Il y en a désormais dans les théâtres, les écoles, les restos… Au début de l’année 2011, on en recensait 190 en France, qui employaient en moyenne 13,6 salariés pour un chiffre d’affaires moyen de 625 000 euros. La plus grosse, AlterEos – leader du marché de la numérisation et de la gestion électronique des documents – emploie 304 personnes, pour un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros. Mais mettre tout le monde autour de la table ne suffit pas. « Si la société n’est pas bien accompagnée, il y a un risque d’implosion. On a vu des Scic laver leur linge sale dans la presse locale », tempère Alix Margado, de la Confédération générale des Scop.