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4-11-2004
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Finance
Politique
Monde

Savez-vous planquer les sous ?... (suite)

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...Les économies développées ne sont pas seules à souffrir de ces pratiques. Selon l’ONG Oxfam, les "paradis fiscaux" siphonnent 50 milliards de dollars par an dans les pays pauvres (dont 35 via les multinationales). Presque autant que l’aide internationale versée par les pays riches. "C’est six fois la somme nécessaire au financement de l’éducation de base dans les pays pauvres ; trois fois celle d’un accès universel aux soins de base", estime Oxfam. En fait, explique en substance le magistrat Jean de Maillard [1], ces paradis permettent à qui les fréquente de tirer parti de la vie en société tout en échappant à ses responsabilités sociétales : "La mondialisation peut se caractériser comme majoritairement trafiquante. C’est une économie rentière : les paradis fiscaux créent une rente qui échappe au fisc, aux actionnaires, et à toute visibilité réglementaire et financière. C’est une économie prédatrice."

Rouleau compresseur

Juges, élus, avocats, consultants, responsables d’entreprises : tous voient dans le développement des centres offshore un rouleau compresseur. Face à lui, les moyens engagés restent dérisoires. L’administration fiscale et les juges qui voudraient percer l’identité du bénéficiaire d’une société écran se heurtent à la non coopération des autorités des "paradis fiscaux", ou au secret bancaire garanti par la Constitution (comme en Suisse).

Au niveau international, le FMI, l’OCDE, le G7 et l’Union européenne travaillent bien sur ces questions. En 1989 les pays du G7 ont mis en place un Groupe d’action financière, le GAFI. Objectif : "concevoir et de promouvoir (...) des stratégies de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme". [2] Le Gafi a accouché de recommandations et publié en 2000, une liste de 15 pays ou territoires non coopératifs (PTNC), jugés "défaillants" ou "non coopératifs" [3]. Mais le 2 juillet 2004, ne restent plus que 6 "PTNC" : les îles Cook, l’Indonésie, le Myanmar, Nauru, le Nigeria, les Philippines. "Cette liste est dérisoire", tranche Vincent Peillon. L’OCDE elle aussi y va de ses listes et rapports de travail sur la "concurrence fiscale" entre Etats. Sans avancée réelle.

En 1996, une quinzaine de magistrats avaient lancé l’appel de Genève, fustigeant "l’Europe des paradis fiscaux qui prospère sans vergogne grâce aux capitaux auxquels elle prête un refuge complaisant". Sans suite. Contactés, un groupe de députés - Vincent Peillon et Arnaud Montebourg en tête - finit par accoucher d’un volumineux rapport. Mais depuis... Le ménage n’a même pas commencé au sein de l’Union européenne. La solution consisterait à y harmoniser la fiscalité. Mais la Constitution prévoit que la question fiscale relèvera de la souveraineté de chaque Etat. La Grande-Bretagne défend bec et ongles sa fiscalité attractive et le Luxembourg son secret bancaire, en s’appuyant sur le cas suisse - non membre de l’UE - pour refuser d’avancer. Et si la France montre du doigt les îles anglo-normandes, Londres jette aussitôt un regard noir en direction d’Andorre et de Monaco...

Sursaut politique ?

Pourquoi tant de mauvaise volonté ? "Parce que les intérêts en jeu sont colossaux, assène Vincent Peillon. Quand nos grandes entreprises se battent pour obtenir des marchés, elles se plient aux lois du sport, versent commissions et rétro-commissions, ce qui nécessite un minimum d’opacité. Quand nous demandons ce qu’elles font dans les centres offshore, les industriels et les politiques répondent : c’est ça ou 200000 chômeurs en plus". Conséquence, le ministère français de l’Economie et des Finances estime qu’entre 1995 et 1999, les bénéfices "délocalisés" ont été multipliés par 35. Selon la journaliste Lucy Komisar [4], près du tiers des bénéfices des multinationales américaines dormirait à l’abri d’un "paradis fiscal".

"On n’avancera que sous la pression de l’opinion publique. Malheureusement, les gens ne considèrent pas la fraude fiscale comme une question importante. Tant que nous ne serons pas plus sévères, rien ne changera et les gouvernements ne se sentiront pas sous pression", avertit Vincent Peillon. "Union européenne ? Gafi ? Tout ceci est une vaste plaisanterie, tempête Jean de Maillard. Il faut reprendre le système en main et le re-réguler, dépénaliser la question des paradis fiscaux pour la politiser. C’est d’ailleurs ce que tentent de faire les Etats-Unis avec le USA Patriot Act : rendre les paradis fiscaux plus transparents, mais pour eux seuls, pour mieux les contrôler."

En attendant cet hypothétique sursaut politique, Alain B. demeure imperturbable. Il poursuit ses allers et retours entre Luxembourg et Paris. "Ma profession est en pleine évolution, nous devons clairement nous adapter, dit-il. C’est vrai que les belles années sont derrière nous, mais il reste des choses à faire en Europe avec les pays de l’Est et Chypre, qui vont peu à peu se défaire de leur image de blanchisseurs. Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de notre métier".

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Pour en savoir plus sur les centres offshore

[1] Auteur de l’ouvrage Le rapport censuré, critique non autorisée d’un monde déréglé, Flammarion enquête, 2004, 289 pages

[2] Voir le site du Gafi : http://www1.oecd.org/fatf/index_fr.htm

[3] Les Bahamas, les îles Caïmans, les îles Cook, Dominique, l’Israël, le Liban, le Liechtenstein, les îles Marshall, Nauru, Niue, le Panama, les Philippines, la Russie, Saint-Christophe-et-Niévès, et Saint-Vincent et les Grenadines

[4] “Offshore banking : The secret threat to America”. Article en consultation libre à l’adresse : http://www.hound-dogs.com/index_sta...

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