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Posséder, c’est dépassé

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Posséder, c'est dépassé
(Crédit photo : Wouter Hagens - Wikipedia)
 
La crise nous y invite, le développement d'Internet le facilite. Et si la consommation de demain se faisait par le partage ? La Fing décrypte ces changements dans un scénario d'anticipation. En route !
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Face à une crise qui dure, une économie de survie se développe : il faut dépenser moins et générer des revenus complémentaires. Comment ? En partageant tout ce qu’on peut : sa voiture, son logement, ses outils, son bout de jardin, son temps, ses compétences.

2012-2013

Crise, chômage, baisse des salaires et des prestations sociales font émerger une économie locale de survie, appuyée sur le détournement de certains sites web d’échange, de partage et de revente.
2014

10 grandes villes européennes et 15 entreprises lancent une expérimentation à grande échelle, « Share & Dematerialize ». Six télévisions européennes lancent ensemble l’émission « Et vous, vous faites comment » ? reliées à des espaces en ligne de mise en relation (idées, entraide, tutorat, partage de bien et de services...)
2016

Renault lance la Renault Share, un véhicule conçu pour être partagé par son propriétaire, avec un modèle d’affaires fondé sur les revenus de location et de covoiturage.
2020

Les règlements d’urbanisme exigent la construction d’espaces partagés dans les logements comme dans les immeubles de bureau.

L’internet joue son rôle de support, mais les services de consommation collaborative, qui visaient une cible de « bobos », sont pris de court. Le partage est avant tout local, ce qui le facilite et le limite à la fois.

Les territoires sont les premiers à se mobiliser pour accompagner ce mouvement. Seuls ou en compagnie de grands acteurs de l’économie locale, ils organisent des systèmes d’échange locaux appuyés sur des monnaies dédiées ; ils multiplient les lieux de travail et autres équipements partagés ; ils organisent des « marchés » de colocation, d’autopartage, d’entraide, d’achats groupés… Ils aident les entreprises locales à mutualiser leurs ressources (logistique, comptabilité…) ou encore, à développer de nouvelles activités : le dépôt-vente local devient ainsi un intermédiaire grâce auquel les habitants achètent et vendent sur des sites comme eBay ou LeBonCoin.

Pour les entreprises aussi, posséder devient coûteux et complexe. Après avoir externalisé et cédé tout ce qu !elles pouvaient, certaines y voient aussi l’opportunité de réorganiser le marché à leur bénéfice : vendre des services plutôt que des objets, louer, vendre en co-propriété, organiser le partage de leurs produits… Du coup, les entreprises industrielles ont intérêt à produire des objets durables, faciles à réparer, dans des gammes simplifiées.

Les politiques prennent le relais. Des incitations fiscales et réglementaires invitent à concevoir les espaces, les produits, les services, sous une forme qui en maximise le taux d’utilisation par le partage et la mutualisation. La fiscalité du patrimoine augmente considérablement pour tous les biens non partagés, de même que celle des revenus financiers. Petit à petit, la « dé-possession » devient autre chose qu’une contrainte, un champ d’innovation. Un imaginaire positif du partage émerge, issu des théoriciens de la décroissance dont certains dénoncent d’ailleurs une récupération marchande de leurs thèses : « moins de biens, plus de liens (et un impact écologique diminué) ! »

La possession, le patrimoine, cessent d’être des valeurs positives : à la recherche de légèreté et d’agilité dans un monde dur, les plus jeunes les voient même comme un poids, un frein à la mobilité. Cette transformation qui touche tant la production que la consommation, a en revanche un effet économique paradoxal : en permettant de satisfaire de nombreux besoins à un coût moindre, elle réduit mécaniquement le PIB. Il va vraiment falloir mesurer autrement la richesse !

  • QUI EST CONCERNE ?

- D’abord les individus, qui passent rapidement d’une économie de survie à une autre économie.

- Ensuite les acteurs publics (principalement locaux), qui choisissent d’accompagner le mouvement en mettant en place les conditions et les infrastructures nécessaires.

- Les entrepreneurs (commerciaux ou sociaux), appuyés sur des outils numériques, qui proposent des solutions opérationnelles, organisent les médiations, inventent les modèles d’affaires…

- Enfin les grandes entreprises, qui font progressivement évoluer leurs modèles de production et de distribution, leurs gammes, leurs relations avec les consommateurs et avec les écosystèmes locaux d’innovation.

  • QUE CHANGE CE SCENARIO ?


Une véritable économie du partage et de la réutilisation…

- Les équipements, les espaces, le temps, les compétences et connaissances sont partagées, avec des mécanismes de reconnaissance, voire de rémunération (en euros ou via des monnaies complémentaires).

- Les « capacités excédentaires » (m2, véhicules, machines, temps…) sont valorisées par la location, le cloud, la copropriété, les achats et investissements groupés.

- La réparation, le recyclage, la récupération et la revente deviennent systématique.

… Qui entraine d’autres transformations…

- Dans la distribution (organiser la location, le partage, la revente, mutualiser la logistique), la finance (multiplication de monnaies spécialisées, microfinance, finance collaborative), l’industrie (des produits conçus pour être partagés, plus durables et réparables, intégralement recyclés)…

- Émergent aussi de nouveaux intermédiaires, depuis le dépôt- vente local jusqu’aux espaces globaux de partage de connaissances ou de services.

… Et nécessite de nouvelles "infrastructures"

- Des espaces collectifs : coworking, fab labs, entrepôts partagés…

- Des dispositifs d’échange et de compensation : bourses locales d’objets et de services, monnaies, systèmes d’évaluation.

- Des systèmes de production qui recherchent des économies d’échelle autrement qu’en massifiant la production : ateliers flexibles, objets et services open source, cloud computing…

  • CE SCENARIO EST-IL SOUHAITABLE ?


OUI, DANS LE CAS OU ...

- Ce scénario propose une réponse pertinente à la crise économique et écologique, fondée sur l’énergie des gens et l’entrepreneuriat. Il raconte une transformation qui marie l’économique, le social et l’environnemental : satisfaire les besoins, y compris ceux des plus pauvres, tout en créant du lien et en réduisant l’impact environnemental de l’activité économique.

- On pourrait certes espérer que l’alternative se construise à partir de choix collectifs délibérés. Mais les multiples sommets depuis 1972 (Stockholm) n’ont pas produit des résultats déterminants. Le scénario en prend acte et passe le relais à l’initiative citoyenne et entrepreneuriale, le niveau politique intervenant plutôt a posteriori.

- Du point de vue économique, le scénario maximise le potentiel pollinisateur de l’immatériel : les économies d’échelle s’obtiennent, non plus en concentrant les moyens de production, mais en faisant circuler l’information et les biens-services au niveau local.

NON, DANS LE CAS OU...

- Ce scénario ne résoudra pas les problèmes posés et fragilisera encore les entreprises établies, produisant encore plus de chômage. Sans chocs politiques, la transition entre le modèle existant et le modèle prescrit sera violente et aura toutes les chances de s’interrompre en cours, si même elle s’engageait.

- C’est par ailleurs un scénario triste, raisonnable, à contre-courant du mouvement séculaire d’individualisation des modes de vie. Il lui manque un élan, un imaginaire positif, une esthétique, tout ce qui le rendrait à la fois entrainant et générateur d’innovations au-delà de l’échelle microlocale. Et il repose sur un niveau inacceptable de contrôle social.

- On peut aussi craindre que la transformation des produits en services produise plutôt de la dépendance que de l’interdépendance. Les grands intermédiaires auront tôt fait de reprendre la main. Le remède peut être pire que le mal : une société de la location, dans laquelle on ne prend plus soin des objets et des lieux qu’on paie, mais qu’on ne possède pas.

  • CE QU’IL FAUT POUR QUE CE SCENARIO DEVIENNE CRÉDIBLE ET SOUHAITABLE

- Affirmer des principes : ni coercition, ni culpabilisation !
- Créer un imaginaire positif du partage et de la non-possession : légèreté, économie, résilience, lien…
- Ne pas opposer les modèles, mais les faire fonctionner ensemble : assurer une lisibilité réciproque et une interopérabilité des modèles économiques commerciaux classiques, collaboratifs, sociaux, publics… Des infrastructures du partage, de la collaboration et de l’économie de l’accès, pour faciliter à la fois l’innovation, l’usage et le passage à l’échelle : tiers de confiance et de mutualisation des risques ; plates-formes de rencontre entre offres et demandes, de traçage des disponibilités et des échanges, d’évaluation, de compensation... ; lieux partagés et flexibles de travail, de stockage, d’échange, de coconception et de coproduction ; interfaces de représentation, d’agrégation, d’interaction... ; ressources techniques partagées : données, applications, machines, outils, logistique…
- Une fédération à plusieurs niveaux des "réseaux sociaux" locaux et des dispositifs d’échange, ce qui suppose d’en considérer l’interopérabilité comme une priorité.
- L’émergence, spontanée ou aidée, de médiateurs et prestataires en bout de chaine : Dépôts-ventes locaux, intermédiaires entre l’échange microlocal et des plates-formes telles qu’eBay, PriceMinister ou LeBonCoin ; Coaching, formation, assistance, partage de compétences…
- Une intervention délibérée des acteurs publics : pour faire émerger et rendre pérennes les infrastructures du partage et de la collaboration ; pour inciter (de manière réglementaire, fiscale, tarifaire…) au partage et à la mutualisation ; pour réguler les échanges et éviter la constitution de nouveaux monopoles.

  • COMMENT ANTICIPER LA RUPTURE ?


    1) Pour une entreprise


Repérer les opportunités

- Ouvrir ses espaces de travail à d’autres entreprises, à des indépendants
- Partager ses salariés avec d’autres
- Mutualiser avec d’autres entreprises : achats, logistique, équipements lourds…
- Ouvrir l’accès à ses données et apprendre à exploiter les données publiques
- Faire du troc d’expertise, de connaissances
- Faciliter le partage, l’adaptation, la réparation, le recyclage de ses produits
- Rendre la plupart de ses prestations (conseil, événements…) multiclients
- Devenir un acteur des nouvelles plates-formes d’intermédiation


Identifier les menaces

- Fragmentation locale des marchés, complexification de la logistique et de la gestion des cycles de vie des produits
- Transformation de la relation à la marque : de l’attachement au produit à l’exigence de service évolution des modèles d’affaires, ouvrant la voie à de nouveaux concurrents
- Accaparement du marché par quelques grands acteurs du service, fermant la porte aux autres
- Difficulté de trouver du financement pour des projets ambitieux et à long terme
- Fragilisation de la propriété intellectuelle


Les conditions de réussite

- Devenir agile : développer vite, co-concevoir, tester tout le temps, faire (ou laisser) évoluer les produits-services en continu
- Apprendre à ne pas innover pour les seuls early adopters
- Travailler au sein d’écosystèmes


2) Pour un acteur public


Repérer les opportunités

- Décloisonner les services, les systèmes, les espaces
- Faciliter l’innovation décentralisée pour faire concourir toutes les énergies au bien commun
- Se dégager de certaines tâches de production pour se concentrer sur l’incitation, l’orientation, la régulation


Identifier les menaces

- Marchandisation du partage et de l’entraide à l’inverse, sortie de certaines activités des circuits marchands, posant des problèmes de taxation et par conséquent, de financement des actions publiques
- Inégalités d’accès liée aux inégalités des capacités contributives (financières, cognitives, sociales…)
- Dépendance vis-à-vis de grandes entreprises de services et de grands médiateurs, dont les moyens sont bien supérieurs à ceux des acteurs publics
- Une souffrance sociale productrice de conflits, d’incivilité et de violence, rendant inopérant le scénario collaboratif


Les conditions de réussite

- Créer ou soutenir les infrastructures de l’échange et du partage
- Ouvrir l’accès à ses données, ses applications, ses espaces…
- Donner à voir les innovations, les initiatives les plus fécondes
- Réguler par anticipation pour éviter des phénomènes de capture ou de dépendance
- Des incitations réglementaires, fiscales, tarifaires claires et stables

Ce scénario est issu du Cahier d’enjeux 2012 publié par la Fing. A l’intersection des innovations techniques, des mutations économiques et des transformations sociales, ce cahier s’interroge sur les grandes ruptures qui marqueront les années à venir. Retrouvez ce cahier d’enjeux ainsi que l’ensemble des scénarios publiés par la Fing par ici.

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La Fing (Fondation internet nouvelle génération) a pour mission de produire et partager des idées neuves et actionnables pour anticiper les transformations numériques.

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