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9-04-2010
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ONG
France

ONG : comment gèrent-elles les fortes têtes ?

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ONG : comment gèrent-elles les fortes têtes ?
 
Stéphane Lhomme et « Sortir du Nucléaire » ne convoleront plus ensemble. Le porte-parole du réseau est renvoyé à ses pénates pour « faute grave ». Trop poil à gratter ? Trop radical ? Difficile de savoir. Une chose est sûre : des fortes têtes, les ONG en comptent des dizaines. Alors comment font-elles pour les gérer ? Réponse à quatre voix.
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Quand on lui pose la question - délicate - du pourquoi, « Sortir du nucléaire » brandit un communiqué interne. « Stéphane Lhomme a commis plusieurs manquements graves au droit du travail et à ses fonctions », stipule le texte. On n’en saura pas plus. « Le droit du travail nous impose, comme à tout employeur, un strict devoir de réserve qui protège le salarié licencié » est-il encore écrit. Une seule précision néanmoins. « Il ne s’agit en aucun cas d’une question d’ordre politique comme cela circule actuellement mais bien d’une question de droit privé », glisse Philippe Brousse, directeur de l’association, au téléphone.

L’intéressé, lui, n’a pas fait vœu de silence. Et dans les colonnes de Libération, Stéphane Lhomme s’explique. Refus de participer au Grenelle et opposition à l’Ultimatum climatique - un texte signé par une bonne dizaine d’ONG à la veille de Copenhague - voilà qui lui auraient valu la porte. Une tendance à jouer les fortes têtes aussi. Pas si simple, au pays du militantisme, les grandes gueules sont légions. Après tout, commander à un activiste de marcher au pas, c’est un peu comme demander à un marchand de tapis de la mettre en sourdine. Difficile. Alors comment font les ONG ?

- Pascal Husting, directeur général de Greenpeace France

"A Greenpeace, on gère ça très bien. Parce que nous fonctionnons un peu différemment. Dans beaucoup d’ONG, il y a d’un côté les experts qui n’ont pas le droit de s’exprimer et de l’autre un « people » recruté par le Conseil d’administration et qui s’exprime sur tout. Chez nous, c’est l’inverse. Le poste de porte-parole n’existe pas, personne n’est là pour saupoudrer de belles paroles tous les sujets. La parole est portée par celui qui connaît le mieux le sujet c’est à dire le chargé de campagne. Ça permet d’éviter la pipolisation, le développement des égos. Et pour les sujets transversaux, on arrive aux décisions par consensus dans 99% des cas. Si on ne tranche pas, le processus de décision me revient. Nous ne voulons pas dépenser de l’énergie dans des querelles internes.

Évidemment, les gens expriment des idées contradictoires. Les chargés de campagne sont des personnalités très fortes, qui prennent des risques. D’ailleurs ce sont ces qualités-là que l’on cherche quand on recrute. Mais la prise de risque individuelle ne doit pas aller au-delà de la décision collective. C’est indispensable pour atteindre nos objectifs. C’est comme dans une équipe de foot. Lionel Messi au Barça c’est un footballer génial mais il joue avant tout pour son équipe.

- Serge Orru, directeur général du WWF France

"Évidemment que chez nous aussi, il y a eu des conflits. Quand on met de la passion dans un combat, c’est inévitable. Les personnalités sont tellement impliquées, c’est tellement sanguin... Ça génère beaucoup de souffrance. Dans tout groupe humain, il y a des bagarres d’égos monstrueuses et extrêmement destructrices mais c’est aussi à nous de montrer l’exemple. Au WWF, quand il y a un conflit, on noue le dialogue et on trouve des solutions. Quelquefois aussi, il ne faut pas hésiter à dire les choses. Y compris à expliquer à quelqu’un qu’il n’est pas à sa place.

Mieux vaut dépasser la contradiction plutôt que d’avoir recours à la guillotine. Si on se contente de lutter contre le nucléaire ou l’érosion de la biodiversité mais qu’on ne s’occupe pas de nos relations humaines, ça ne sert à rien. On ne peut pas prôner un autre monde sans être capable de le fabriquer nous-mêmes. Il ne faut pas oublier ça, si on veut que notre cause l’emporte. Depuis que suis dans la vie associative, j’ai eu de la chance. Je n’ai pas eu à gérer une éviction comme celle de Stéphane Lhomme. Dans la vie professionnelle, si."

- Cyrielle den Hartigh, chargée de campagne « Changements climatiques » aux Amis de la Terre

"Jusqu’ici on n’a pas vraiment eu de problème avec des gens qui auraient dépassé la ligne rouge. C’est vrai qu’il y a de sacrés caractères. Ça donne des débats houleux. La plupart du temps on arrive au consensus, même si ça peut prendre beaucoup de temps. Mais une fois qu’on a pris une décision, les gens ne vont pas aller dire qu’ils ne sont pas d’ accord.

De manière générale, il y a une grande liberté. Nous sommes une fédération et les groupes locaux ont le droit de s’exprimer en leur nom propre. Évidemment, s’ils décidaient de tenir des propos racistes ou de s’afficher pro-nucléaire, ça poserait un problème. Mais ça n’est pas encore arrivé. Je me souviens juste d’un épisode dans lequel quelqu’un de chez nous voulait se présenter sur une liste politique locale. C’est interdit par la charte. On lui a envoyé un courrier et on l’a radié. C’était un cas de force majeure. Mais d’habitude ça se passe très bien."

- Sandrine Mathy, présidente du Réseau Action climat (RAC)

"Nous n’avons encore jamais vraiment eu ce genre de problème. On a failli évincer un adhérent une fois parce qu’il manquait de respect aux autres. Mais c’est une règle qui s’appliquerait dans n’importe quelle structure. Notre problème se situe à un autre niveau. Car la particularité du RAC, c’est d’être un réseau. C’est notre force même si c’est parfois difficile de trouver un équilibre entre la position du WWF et des Amis de la Terre sur les agro-carburants par exemple. Toutes les ONG membres sont au conseil d’administration et tout le monde est sur le même pied. Mais chaque association est libre de prendre position. Historiquement, dans 99,5% des cas, on arrive au consensus. Si une association n’est pas d’accord, elle peut choisir de moins s’impliquer dans une campagne ou de ne pas signer un communiqué de presse.

Le problème avec Stéphane Lhomme, c’est qu’il voulait toujours que soit mentionné noir sur blanc que le nucléaire n’est pas la solution au changement climatique. Il était assez rigide sur le sujet . Mais ce point là est déjà inscrit dans la charte du RAC ! Ce n’était peut-être pas la peine de le remettre sur chaque communiqué."

A lire aussi sur terraeco.net :
- Portrait :Serge Orru : Un animal sociable à la tête du WWF
- Sandrine Mathy, Lobbyiste du climat
- Dans la peau d’une blonde (de Greenpeace)

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  • Ben oui, rien de neuf dans le monde des entreprises ... associatives. Chacun sa part de marché ! Et dès qu’il est possible de grignoter la part du voisin ... hummmm, personne ne se gêne !

    Rien de neuf non plus dans la quête à la notoriété, la notabilité, la reconnaissance ... des structures et des responsables de ces structures. Quelle sera votre réponse si je vous pose la question : "préfères-tu être directeur ou salarié :
    - d’une ONG reconnue (Greenpeace, WWF ...) financée par des grandes entreprises, l’argent des états, voir - parfois - en sous-main par certains services secrets dans le cadre de guerre économique (nucléaire par exemple), avoir des colonnes ouvertes dans les journaux, être reçu par des ministres ou
    - d’une fédération d’asso (sortir du nucléaire) qui rame pour trouver des financements, bataillent pour l’insertion d’un simple communiqué de presse, est montrée du doigt par les pouvoirs publics et les ONG "bien pensantes" (Le WWF-France s’est très longtemps abstenu sur le sujet du nucléaire).

    Les arguments donnés par les ONGs et le réseau "sortir du nucléaire" ne sont pas suffisants pour évacuer le trouble d’autant que çà ne coûtait rien de réaffirmer l’opposition au nucléaire dans le communiqué "d’action climat" et que c’est ce communiqué qui est repris par les médias.

    N’oublions pas le syndrome de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf que peut avoir chaque directeur de structure lequel - se comparant à ses collègues - peut regretter de n’être pas considéré avec autant d’égard que les autres ... et par là même rogne sur certaines convictions pour recevoir honneur et prébendes. C’est humain, très humain ... trop humain ?

    14.04 à 11h44 - Répondre - Alerter
  • L’article prend des exemples édifiants, entre WWF, Greenpeace et Sortir du nucléaire, désormais 3 assocs définitivement vendues (depuis le départ de Lhomme, pour SDN).
    Il existe énormément de plus petites organisations qui font un travail remarquable avec peu de moyens, c’est celles-là que nous devons soutenir.

    13.04 à 11h06 - Répondre - Alerter
  • Beaucoup de belles paroles qui cachent une réalité sensiblement autre.

    Dans les grosses ONG soit tu te tais soit tu pars, les relations sont très hiérarchisées. En ce qui concerne la vie démocratique : le conseil d’administration fait office de pot de fleur et n’a aucun poids réel dans la stratégie.

    Il y a un turn-over incroyable des salariés (jetables et sous-payés) dans les assos, et je ne parle pas des stagiaires auxquels on a recours systématiquement. On retrouve souvent dans la grosse ONG la structure classique des entreprises avec un big boss, une poignée de courtisans et la masse de salariés/stagiaires corvéables à merci. Il y a aussi tous les prestataires anonymes payés à l’heure pour vous faire adhérer dans la rue.
    Drôle de monde dans lequel une majorité des robins des bois d’hier sont devenus les notables d’aujourd’hui.

    Tout cela instille un véritable malaise face aux valeurs défendues sur le papier par ces ONG pour nous faire adhérer…et de fait elles font un gros boulot mais elles ont délaissé leurs travailleurs au profit d’un exécutif qui n’a plus les pieds sur terre.
    Cela expliquerait a posteriori la présence de nombreuses ONG à l’Elysée en 2007 pour cautionner un Grenelle de l’environnement qui s’avère être une pantalonnade.

    Comment nous, simples adhérents des ONG, pouvons changer la donne ?

    10.04 à 00h40 - Répondre - Alerter
    • Confusion dommageable de votre enquête "sur les "Grandes Gueules" :

      - organisations généralistes multi-thématiques : Greenpeace, WWF, FNE,..

      - fédération thématique spécifique : Réseau sortir du nucléaire (qui regroupait jusqu’à la veille de l’AG de janvier environ 850 oraganisation/associations/groupes)

      La gestion et l’organisation d’une association et d’une fédération ne relève pas de la même démarche.
      Ainsi jusqu’à ce jour le RSN n’a pas de "Président" pour éviter la directature (mais évidemment, revers de la médaille, c’est l’appareil "administratif" permanent qui occupe de fait ce pouvoir d’autant que les administrateurs sont eux renouvelés par tiers tous les ans).
      La personnalité forte du porte-parole ayant permis de donner une visibilité tant au RSN qu’aux actions des orgas de terrain et à l’interpellation des populations sur la question du nucléaire (radiation, déchets, contamination, extraction, non-indépendance énergétique, transports sur les routes, incidents, accidents nucléaires, côut prohibitif,...)

      La question de l’institutionnalisation des "grandes" ONG et de leur orientation lobbyiste professionnalisée pose la question de la démocratie citoyenne.

      Par ailleurs, lorsque l’on connait l’organisation pyramidale, de greenpeace par exemple où tout procède du sommet vers le bas (voir ses statuts et réglements) on ne peut que sourire aux propos de son Directeur dont l’arrivée quelques années avant le package "Grenelle de l’environnement - Ultimatum Climatique- etc..." s’était traduite par le licenciement ou le poussage vers la porte de nombre de salariés non-conformes, la suppression des sites internet pendant plus d’un mois des groupes locaux coupables de non-alignement, l’impossibilité d’échanger horizontalement, l’intégration-dilution de la campagne "antinucléaire" dans un nouveau staff généraliste "climat", le refus de soutenir les groupes locaux dans leur actions anti-nucléaire car la priorité fixée par le sommet en France étant dorénavant "le thon rouge" et le "climat", le renforcement de l’appel aux dons tous les mois sur toute thématique possible y compris le véhicule polluant plus que la norme en vigueur, le départ de centaines d’adhérents de base,...

      13.04 à 13h58 - Répondre - Alerter
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