Deux filles en fil : collection en chutes libres

Elles en avaient assez de voir le cuir choletais se tailler à l’étranger. Claire Batardière et Florence Bourget, originaires du Maine-et-Loire et bien décidées à y rester, ont créé en 2003 la marque « Deux filles en fil ». Avec une idée originale : faire des sacs à partir des stocks abandonnés par les usines de maroquinerie et de chaussures lors de leur fermeture, et des chutes de celles qui résistent.

Dans les Pays de la Loire, le secteur du textile et du cuir, particulièrement présent à Cholet, a perdu la moitié de ses salariés entre 1999 et 2006. La faute à une forte concurrence internationale et, dans le même temps, à la diminution de la part du budget des ménages consacrée à l’habillement : cette dernière a été divisée par deux en trente ans. « Ici, tout le monde a un voisin ou un membre de sa famille qui s’est retrouvé au chômage », raconte Claire Batardière. Résultat : une hécatombe de couturières et des monceaux de matières premières gisant dans les entrepôts. « Pourquoi produire de nouvelles matières, alors que tant de choses restent sur place ? », s’interroge la styliste.

Plier le patron

« Je voulais fabriquer un sac simple, utilisant peu de matière et à un prix raisonnable », résume-t-elle. Grande habituée de la récup façon Emmaüs, la jeune styliste imagine une série de sacs à main présentés à plat, comme un patron, à partir d’une unique peau que l’acheteuse doit plier elle-même et fermer ensuite à l’aide de boutons-pressions pour lui donner sa forme. En récupérant les chutes de cuir déclassées de maroquinerie de luxe, achetées parfois à moitié prix de leur coût d’origine, les deux filles font dans l’économie et l’écologie. « Le cuir est un déchet très polluant qui contient du chrome issu du tannage. En donnant une vie au rebut, on peut encore le faire durer très longtemps avant de le rejeter dans la nature ! », explique Claire Batardière. Livrées à plat aux boutiques et donc peu encombrantes dans le camion, les besaces Deux filles en fil allègent considérablement leur bilan carbone.

Pour lancer leur chaîne de production locale, les jeunes entrepreneuses se sont adressées à l’un des derniers sous-traitants de Cholet, les ateliers Audouin et fils. Jadis mains expertes des cabas de luxe, ces piqueuses travaillent désormais pour des secteurs porteurs comme l’automobile. « Le projet les a motivées. Dès que j’ai un prototype, je fonce chez elles, on discute, elles me transmettent leur savoir-faire », s’emballe Claire Batardière. Trois piqueuses de chez Audoin et fils travaillent aujourd’hui pour les Deux filles en fil, qui passent désormais commande toutes les semaines. Car la PME distribue désormais ses produits dans 80 boutiques en France et 30 à l’étranger.

Cette réussite a été couronnée par le prix parisien de l’Ethical Fashion Show. Mais, revers de la médaille, leur succès a ses petits défauts. « Nous produisons à notre tour des chutes en quantité ! », s’exclame Claire Batardière. Les voici, amusées, obligées de lancer une gamme de petits accessoires – porte-cartes, porte-monnaie… – pour réutiliser leurs propres déchets. —

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