Voilà du pain béni pour la grande distribution, mais aussi pour les chaînes de télévision. Dans quelques semaines, les spots publicitaires pour Auchan, la Fnac, Décathlon, Le Printemps, Leroy Merlin ou d’autres distributeurs vont débouler sur les chaînes hertziennes : la conclusion d’une empoignade de plusieurs années.
Retour en arrière. En 1992, au nom de la diversité de l’offre culturelle et du pluralisme des médias, Paris décide d’interdire à la grande distribution, la presse, l’édition et le cinéma de faire de la publicité à la télévision. Dix ans plus tard, Bruxelles, qui brandit l’étendard de la libre concurrence, met en demeure la France de faire sauter ce verrou. Paris s’accroche puis cède. Le 7 octobre 2003, le gouvernement autorise par décret la grande distribution à s’afficher dès le 1er janvier 2007 sur le petit écran.
"Il est frais mon poisson"
L’ouverture du marché publicitaire audiovisuel à ces nouveaux annonceurs n’est pas un fait anodin. Car le marché est colossal. Selon Bruno Belliat, directeur de la communication de la régie publicitaire de France Télévisions, cette ressource pourrait représenter "de 150 à 200 millions d’euros dès 2007". Ce pactole attise bien entendu toutes les convoitises. TF1, premier en terme d’audience (30 % en moyenne), devrait décrocher plus de 50 % de ce marché publicitaire, alors que France Télévisions n’en escompte que 20 %. Mais il faudra partager avec les chaînes du câble et du satellite ainsi que celles de la télévision numérique terrestre. D’autant que la grande distribution y teste ses spots de publicité depuis l’année 2004.En coulisses, chacun fourbit ses armes. Les enseignes peaufinent leurs nouveaux plans de communication et les régies publicitaires courtisent leurs futurs clients. Quant aux autres médias : ils tentent de sauver les meubles et font la soupe à la grimace. Presse, radio et affichage, jusque-là seuls bénéficiaires de cette manne interdite de petit écran, réorganisent leurs troupes. Car pas question pour les annonceurs de revoir leurs budgets à la hausse. "Il ne faut pas s’attendre à une augmentation de l’enveloppe publicitaire, alors que le discours ambiant porte sur la baisse des prix. Il y aura nécessairement des arbitrages", prophétise Vincent Leclabart, pédégé d’Australie, l’agence publicitaire de Leclerc.
Consolation : la presse quotidienne régionale, au prix de longues négociations avec le Bureau de vérification de la publicité (BVP) (1), a conservé le monopole des opérations de promotion, qui demeurent interdites de télévision. Le télespectateur en attente du journal de 20 heures devrait donc échapper à la caissette de côtes de porc à 10 euros, ou aux trois Camembert pour le prix de deux. Un acquis vital car les annonces de promotions représentent pour la presse quotidienne régionale "de 70 à 80 % du budget publicité alloué par les distributeurs", souligne Bruno Hocquart de Turtot, directeur général du Syndicat de la PQR (SPQR). Pour autant, la presse régionale pourrait sentir passer le boulet, alors que 40 % de son budget annuel est alimenté par la publicité.
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