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Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance

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Les Sénégalaises cueillent les fruits de leur indépendance
(Crédit photo : Corinne Moutout)
 
Dans l’est du pays, 4 000 villageoises conçoivent des cosmétiques bios à base de karité et de baobab et redonnent vie à des savoir-faire ancestraux. En redécouvrant la biodiversité locale, elles ont accédé à l’autonomie financière.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mame Khary Diene a le rire sonore. Ce matin-là, déclenché par l’accueil tout en chants et en danses que lui ont réservé les femmes de Bandafassi, il est tonitruant. Oubliée, la fatigue des quatorze heures de route de la veille, de Dakar à ce petit village du Sénégal oriental, où elle est venue présenter celle qui l’a tenue éloignée des employées de son entreprise de cosmétiques bios : Aminata, une jolie poupée de 14 mois. Et si les 40 cueilleuses des fruits du karité et du baobab enchantent les oreilles de la bambine des rythmes bédiks (du nom de leur ethnie), c’est pour mieux honorer sa mère, qui, en sept ans, a radicalement changé leurs vies. Mais avant de transformer la condition des 4 000 femmes travaillant pour les laboratoires Bioessence, Mame Khary Diene, âgée d’à peine 34 ans, a tout d’abord dû bouleverser sa propre existence.

Missions et hôtels de luxe

Autrement dit, faire, en 2005, une croix sur son salaire mirobolant et ses primes de consultante en systèmes d’information au sein de la multinationale française Capgemini. Ne pas regretter ses longues et doubles études en France de commerciale dans les banques et dans les assurances, et d’ingénieur en informatique. Abandonner demeure parisienne, missions et hôtels de luxe dans le monde entier pour un retour à Dakar plutôt risqué, en 2006. Son pari ? Faire vivre la cosmétique africaine sur un marché mondial qui ne manque pas de marques et de produits en tous genres. Tout cela au nom de deux envies fortes : « Il me manquait la seule reconnaissance sociale qui vaut à mes yeux, celle qui vous dit que vous construisez quelque chose de bien pour votre pays. Et puis, je voulais faire connaître au monde nos secrets de beauté, ceux que nous nous transmettons de mères en filles depuis des millénaires, issus d’une biodiversité riche mais méconnue : karité, hibiscus, baobab, margousier, dattier du désert, carapa de Casamance… », raconte la jeune femme, qui donne alors naissance à la première entreprise sociale et solidaire du Sénégal.

Mame Khary Diene aime à se souvenir des débuts du projet. Dans cette partie du pays, les femmes collectaient le karité – dont elle a décidé de faire le produit-phare de sa toute première gamme de soins de beauté –, mais, ne disposant que d’un petit marché local pour l’écouler, ne transformaient pas ses noix. Pour améliorer leurs revenus, elles bradaient aussi les fruits du baobab, porteurs d’une poudre dont les habitants extraient un jus artisanal, abondamment consommé.

La jeune Sénégalaise prend connaissance d’études scientifiques qui démontrent la présence de vitamine E et d’antioxydants, dont des omégas 3 et 9, à des taux équivalents à ceux de la rose musquée (très utilisée dans la conception de cosmétiques). Mame Khary Diene propose alors aux femmes d’utiliser non seulement la poudre dont elle entend faire un nutriment, mais aussi les noyaux, jusque-là jetés, en vue de la production d’huile de baobab comme soin de beauté. « En les rendant maîtresses de la transformation initiale des fruits collectés, j’ai augmenté leur pouvoir d’achat de 450 % !, s’enorgueillit-elle. Pour ne rien gâcher, les graines de baobab, impropres à la pression à froid, deviennent un excellent tourteau pour le bétail, tandis qu’en décortiquant les noix de karité, elles peuvent utiliser les coques comme combustible naturel. »

« Pouvoir rendu aux femmes »

Pour ce faire, Mame Khary Diene achète petits matériels et équipements, et, surtout, suggère aux femmes de se rassembler en coopératives, disséminées sur l’ensemble du Sénégal oriental. L’avantage : disposer d’une mutuelle et d’un compte bancaire propre, tandis que Bioessence préfinance les campagnes de cueillette des fruits. « C’est de l’indépendance et du pouvoir rendus aux femmes », précise Tocka Ba, la trésorière du groupement des femmes de Bandafassi. « Par ailleurs, puisque les fruits du baobab sont difficiles à collecter, nous pouvons nous offrir les services d’hommes qui les cueillent pour nous. » Mame Khary Diene renchérit : « Cela signifie aussi que les enfants ne travaillent plus et que les femmes protègent la biodiversité parce qu’elles ont conscience qu’elle est source de richesses. » L’activité des cueilleuses pauvres d’hier est aujourd’hui un contrepoint non négligeable aux mines d’or dont l’ouverture, il y a quatre ans, dans les environs de Kédougou, la capitale régionale, menacent un environnement jusque-là indemne. —

Impact du projet

4 000 Sénégalaises travaillent pour les laboratoires Bioessence

Valorisation des noyaux de fruits auparavant jetés


Quand les cosmétiques bios font boom

En France, plusieurs labels certifient les produits de soin écologiques et biologiques, notamment Ecocert et Cosmébio. Selon une étude du second, le marché représentait, en 2010, 336 millions d’euros (soit 3 % du secteur global des cosmétiques). Celui-ci est en constante augmentation et les prévisions de croissance dans les cinq prochaines années sont de 10 % à 12 % ! Aujourd’hui, la France est le pays dans lequel ce marché progresse le plus. —

Retrouvez ici tous les reportages de Corinne Moutout

Sources de cet article
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Tout au long de l’année 2013, vous retrouverez dans les pages de « Terra eco » les rencontres de Corinne Moutout, qui s’est lancée, en famille, dans un tour du monde journalistique. Elle entend témoigner de quelques-unes des milliers d’initiatives qui émergent et qui contribuent, chaque jour, à construire un monde durable. Ce périple l’emmènera dans pas moins de onze pays. Première étape : le Sénégal. Retrouvez aussi ces reportages dans l’émission « C’est pas du vent », sur l’antenne de RFI : www.rfi.fr/emission/cest-pas-vent

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