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11-03-2013
Mots clés
France
Enquête

Le service civique : un job par défaut ?

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Le service civique : un job par défaut ?
(Crédit photo : DR)
 
Le service civique a fêté ce dimanche ses trois ans. Au sommet de sa popularité, le dispositif promet toujours du partage, des découvertes et de l'engagement. Mais derrière la belle idée, se cache une nouvelle forme de précarité.
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Si vous avez signé un contrat de 24 heures hebdomadaires minimum pour une période d’un an maximum et que vous êtes payé 573 euros net par mois, vous n’êtes pas précaire, vous êtes volontaire. Pour servir l’intérêt général et mener à bien un projet qui vous parle, vous avez opté pour le service civique.

Dans l’esprit, le dispositif, mis en place en 2010 par Martin Hirsch, se conçoit comme « une étape de vie » ou encore « un cadre d’engagement » permettant de « mobiliser la jeunesse face à l’ampleur de nos défis sociaux et environnementaux », souligne le site officiel. Dans les faits, il constitue souvent une solution faute de mieux pour les 16-25 ans qui ne trouvent pas leur place sur le marché du travail. Et puisqu’en France, plus d’un jeune sur quatre cherche un emploi, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le volontariat.

« Le succès du service civique n’a rien de glorieux »

En 2012, 16 230 jeunes ont fait ce choix. Ce qui portent à 42 000 le nombre de volontaires depuis la création du dispositif. L’agence du service civique voit dans ces chiffres un pas de plus vers son objectif : 10% d’une classe d’âge en volontariat l’an prochain. La sociologue Valérie Becquet évoque, elle, dans cette ambition, une grossière erreur de diagnostic. « Ce succès n’a rien de glorieux », s’emporte la chercheuse, auteure d’une étude sur le service civique. « C’est le résultat d’un marché du travail difficile qui engendre des parcours chaotiques et pousse les jeunes vers la débrouille », rectifie-t-elle.

Risque de stage ou d’emploi déguisé

Après les CDD et les emplois aidés, les services civiques seraient donc le lot des nouveaux précaires ? « L’écueil c’est que cet engagement se transforme en stage voire en emploi déguisé », confirme Nicolas Attali, membre d’Unis Cité. Pionnière du volontariat, son association défend le principe bec et ongles depuis 1995, mais en connaît les risques. Pour Philippe Brégeon, auteur de l’ouvrage Parcours Précaires (PUF, 2013), le service civique présente les mêmes limites que les emplois aidés : « Un plafond de verre, l’absence de perspectives en fin du contrat, en bref des emplois instables avec des gens qui passent et qu’on regarde passer », déplore ce sociologue de l’université de Poitiers.

Avant de s’engager, 47 % des volontaires de 2011 étaient à la recherche d’un emploi. Parmi eux, un bon quart venait d’achever avec brio un parcours dans l’enseignement supérieur. A 25 ans, Renaud a rejoint la LPO (Ligue de protection des oiseaux) en septembre dernier. Diplômé en gestion de la biodiversité, il avait appris l’existence du service civique à l’université. « Les profs de mon master nous avaient présenté le service civique comme une option », se souvient le jeune homme. Après un an à naviguer entre période de chômage et CDD, l’ancien étudiant s’est souvenu du conseil.

Six mois plus tard, retour à la case départ

Par chance, il était synchro avec le centenaire de la LPO. Pendant six mois, à raison de 35 heures par semaine, il a organisé des événements, participé à l’écriture d’un livre, sans oublier de s’échapper, jumelles en bandoulière, pour partir observer les oiseaux. « C’était une super expérience, j’ai beaucoup appris, dans des domaines variés et j’ai fait plein de rencontres », s’enflamme le jeune homme. Comme 89% de ceux qui sont passés par le service civique, l’ex-volontaire ne le regrette pas.

Mais six mois plus tard, retour à la case départ. Son CV étoffé en poche, Renaud a repris le chemin de Pôle emploi. Un chômeur sans chômage car le service civique n’y donne pas droit. Malgré les retrouvailles amères avec les candidatures sans réponses, son enthousiasme reste intact. « J’ai élargi mes recherches, maintenant je postule aussi dans l’événementiel, je ne vois toujours que du positif », rassure le jeune homme. Pour Valérie Becquet, le cas de Renaud n’est pas une exception. « Après un service civique, beaucoup de jeunes valorisent cette expérience : ils l’inscrivent dans leurs CV, la raconte en entretien d’embauche », constate la chercheuse avant de tempérer, « le problème c’est que dans le recrutement à la française l’engagement associatif pèse peu. »

Rustine pour les associations au budget limité

Précieuse rustine dans le parcours des jeunes désœuvrés, le volontariat l’est encore plus pour les associations à budget limité : « Au lieu d’embaucher, les structures d’accueil peuvent être tentées de prendre des volontaires presque intégralement payés par l’Etat », explique Nicolas Attali à Unis Cité. L’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), qui agit pour créer du lien entre les enfants des quartiers populaires et les étudiants, compte 373 jeunes en service civique pour 120 salariés. Et ils seront sans doute pas loin de 450 l’an prochain. En trois ans, cette petite armée de jeune surmotivés a su se rendre indispensable. « On est plus considéré comme des salariés que comme des stagiaires », se réjouit Kanelle, 20 ans et un appétit débordant pour les responsabilités. Sur Facebook et Twitter, la jeune fille gère la communication du pôle de Rouen. Elle recrute aussi des bénévoles, les présente aux enfants. Le tout, en plus de ses cours de psycho à l’université. Car, dans cette association basée sur l’engagement étudiant, beaucoup combinent la fac et le volontariat. « Ça nous fait des semaines de 45 heures, mais on est passionnés », lance-t-elle en riant.

« Pour un service civique, des dizaines de candidats diplômés se présentent »

A la LPO aussi, les dizaines de jeunes en service civique se ressemblent. Comme Renaud, beaucoup ont suivi des cours en lien avec l’environnement. « Les IUT ou BTS protection de la nature ne débouchent pas forcément sur un emploi, explique Antoine Cadi, conseiller du président de l’association, donc dès qu’on propose un service civique, on a des dizaines de candidats diplômés qui se présentent », poursuit-il. Alors, l’association doit se faire violence pour leur préférer un jeune de 17 ans en décrochage scolaire. « On ne choisit pas les gens aux compétences mais on sait qu’on ira plus loin avec ceux qui s’y connaissent un peu en environnement », reconnaît Antoine Cadi.

Le syndrome d’une hypocrisie

Dans le texte pourtant, la mixité est au cœur du projet. « L’avantage d’un service civique par rapport à un stage, c’est la découverte d’univers où on n’a aucune compétence », explique Elodie qui vient de quitter Sciences-Po Aix. Pour la jeune fille, qui file le volontariat parfait, le salaire et la recherche d’emploi sont secondaires « c’est beaucoup plus une démarche personnelle que professionnelle », résume-t-elle. Un état d’esprit désintéressé qu’Unis Cité veut préserver. Pour les 1 900 jeunes volontaires que l’association chapeaute, l’expérience est soumise à des codes plus stricts. « Les jeunes ne remplacent jamais les salariés. On crée des projets qui se greffent à l’activité d’une structure et on forme des groupes autour de ces projets », explique Nicolas Attali. Au sein de ces groupes, le niveau d’études varie de bac – 5 à bac +5 et des formations rappellent aux tuteurs les règles du jeu.

« Envisagé ainsi, le volontariat a du sens », reconnaît Philippe Brégeon qui évoque le cas des jeunes décrocheurs, « l’engagement peut lui éviter de tomber dans la léthargie, chasser son sentiment d’échec, et lui permettre de redémarrer », précise le sociologue. Mais pour lui, le service civique c’est avant tout le symptôme d’une hypocrisie : « D’un côté, on dit aux jeunes projetez-vous dans l’avenir, ayez des projets, et dans la seconde on leur rappelle que le marché du travail est ce qu’il est, et qu’ils ne doivent pas jouer les difficiles. »

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  • Je trouve cet article plutôt bien car il montre les ambitions qu’a voulut donner Martin Hirsch et son agence du Service Civique, très beau et bénéfique à priori, mais il montre aussi l’envers du décor. Je suis moi même passé par la case Service Civique, et comme la grande majorité des jeunes que j’ai rencontré, on s’engage parce qu’on aime ça, mais surtout parce qu’on a rien d’autre ! Et encore on ne parle pas du manque de reconnaissance des engagés pendant et après sa mission, ni le statut inconnu au regard de l’administration, ni les difficultés à vivre avec 600€/mois ...

    11.03 à 15h38 - Répondre - Alerter
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