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Le printemps birman rimerait-il avec environnement ?

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Le printemps birman rimerait-il avec environnement ?
(Crédit photo : Htoo Tay Zar - wikipedia)
 
Les élections du 1er avril en Birmanie font souffler un vent d'optimisme chez les défenseurs de l'environnement. Pour la première fois, la société civile et les ONG peuvent s'exprimer et descendre dans les rues sans craindre les foudres de l'Etat.
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« Pour la première fois, le gouvernement a écouté la voix du peuple et annulé le projet de centrale à Dawei. » Bo Bo Aung ne cache pas sa joie. Ce jeune activiste de 29 ans s’est engagé avec une trentaine d’autres volontaires pour la défense de l’environnement en Birmanie au sein de l’ONG Association pour le développement de Dawei (ADD). Leur cible : le complexe industriel de Dawei. Une ville côtière à 600 kilomètres au sud de Rangoun où devaient débuter les travaux d’une centrale à charbon de 4 000 mégawatts et d’un port en eau profonde.

« Nous avons vraiment été surpris, explique Bo Bo Aung. Un représentant du ministre nous a reçu et nous lui avons expliqué la situation. Nos craintes concernant la pollution et les risques pour les habitants. Il nous a écouté et il nous a expliqué que le gouvernement était d’accord avec nous. Et que le projet serait arrêté. » Selon l’ADD, la construction de cette centrale provoquerait en effet le déménagement forcé de 21 villages et de milliers d’habitants. Une catastrophe pour ces familles de pêcheurs installées le long de cette côte occidentale de la Birmanie et qui redoutent la pollution des eaux claires du golfe du Bengale. Dawei est vite devenue le symbole de ce renouveau de la société civile en Birmanie à l’aube de ce test démocratique.

Campagne d’Aung San Suu Kyi

Fin janvier, Aung San Suu Kyi s’est rendue en personne faire campagne à Dawei. « C’est la première fois depuis vingt-trois ans qu’elle venait dans le sud du pays », explique Aung Soe, de la Ligue nationale pour la démocratie, le Parti de l’ancien Prix nobel de la paix. Lors de cette visite, elle a été acclamée par des dizaines de milliers de personnes et elle s’est rendue sur le site du projet controversé. Un signal fort de l’intérêt que les partis démocratiques portent désormais à l’environnement. « Je pense que ces questions sont prises très au sérieux dans la campagne, commente Bo Bo Aung. Il y a des discussions au Parlement sur ces sujets et de nouvelles lois qui concernent la protection de l’environnement ont été prises récemment. C’est une bonne chose et je pense que si notre pays doit accueillir davantage d’investissements étrangers, il sera nécessaire d’avoir de nouvelles lois. Un cadre réglementaire plus strict pour éviter que les étrangers ne salissent notre terre. »

Le combat de l’ADD était inimaginable il y a à peine un an. A l’époque, il était interdit de manifester. Inconcevable de demander une audience à un ministre. Et encore moins envisageable d’imaginer remettre en cause un tel projet. Descendre dans la rue, c’était prendre le risque d’être arrêté, battu, emprisonné. Voire pire. La Birmanie sort doucement d’un demi-siècle de répression sanglante et d’obscurantisme.

Plus de libertés pour les questions sociales et environnementales

« C’est aujourd’hui assez simple d’être enregistré comme ONG, assure Bo Bo Aung. Bien sûr, tout dépend de ce que l’on défend, mais dès qu’il s’agit de questions sociales et environnementales, tant que l’on ne s’attaque pas au gouvernement ou à l’armée, nous avons plus de liberté. Par exemple, nous avons pu imprimer des tracts et des tee-shirts pour montrer notre opposition à la centrale et il n’y a eu aucune interdiction des autorités. Elles veulent nous contrôler et savoir ce que nous faisons, mais tant que nous ne créons pas de désordre, ça va. Et puis l’ADD est juste un groupe de jeunes gens qui veulent protéger leur pays. »

En décembre dernier, le Président Thein Sein a en effet levé les interdictions de manifester. De nombreux dissidents ont été libérés de prison et des élections partielles ont eu lieu le 1er avril, remportées par la Ligue nationale de la démocratie. Beaucoup d’ONG, à l’image de l’ADD, ont vu le jour au cours de ce printemps birman. « Aujourd’hui, on estime qu’il y a près de 800 ONG enregistrées et actives dans le pays, explique Thant Myint-U, un historien installé à Rangoun. Il y a aussi plus de 20 000 groupes d’activistes, plus communautaires. Ils sont engagés dans des organisations caritatives, dans la défense de leur région ou la santé. Pendant des années, ils ont travaillé dans l’ombre, malgré les risques, pour parvenir aux réformes que l’on voit aujourd’hui. Ce sont eux les vrais héros de ce qu’il se passe en ce moment. »

Greenpeace interdite

Mais d’autres sont moins optimistes. C’est le cas de Greenpeace dont nous avons rencontré les responsables à Bangkok. L’organisation internationale n’est toujours pas autorisée à travailler en Birmanie. « Il est encore très difficile de savoir exactement ce qu’il se passe vraiment là-bas, nous explique Tara Buakamsri, le directeur de Greenpeace pour l’Asie du Sud-est. La situation reste complexe parce que ces projets industriels sont intimement liés à l’influence des pays alentours comme la Chine, l’Inde ou la Thaïlande. Et la plupart de ces investissements ne respecte aucun code de conduite. »

Ce que nous confirment certains membres de l’ADD. « Bien sûr, nous sommes contents que le gouvernement arrête la construction de la centrale. Mais on ne leur fait pas confiance à 100%. Il doit y avoir d’autres motivations. Sans doute le gouvernement s’inquiète-t-il des risques de pollution et de l’opposition des habitants de Dawei. Mais il y a peut-être aussi des problèmes de financement. »

Le nationalisme rejoint l’écologie

Une autre explication à ce spectaculaire revirement réside sans doute dans le jeu de go diplomatique qui se joue dans cette partie du monde. Ainsi il y a cinq mois, le gouvernement donnait un coup d’arrêt brutal au projet du barrage de Myitsone. Une centrale hydroélectrique de 3 milliards et demi de dollars (2,6 milliards d’euros) financée par la Chine, qui devait en retour acheter 90% de l’électricité produite. « On voit l’expression d’un fort sentiment nationaliste en Birmanie, explique un diplomate occidental. Les Birmans s’inquiètent de voir leurs richesses pillées par les puissances étrangères. Ce barrage de Myitsone devait surtout fournir de l’électricité à la Chine, alors même que beaucoup de Birmans n’ont accès ni à l’électricité ni à l’eau potable. Même chose pour Dawei qui sert une entreprise thaïlandaise. Et puis à Dawei il y a aussi une base militaire chinoise. Tout cela alimente un fort ressentiment. Dans ces dossiers, on voit bien que les intérêts du gouvernement rejoignent ceux des écologistes. »

Une fondation Soros à Rangoun

Des militants qui restent donc prudents. « Nous allons devoir suivre ces dossiers dans les mois qui viennent, observe-t-on à l’ADD. Il existe toujours des projets de centrales à charbon dans la région, dont une plus petite de 400 mégawatts. Il y a aussi des raffineries prévues, des oléoducs, des autoroutes… On estime que 20 000 villageois vont être expulsés de chez eux si tous ces projets voient le jour. Nous, ce que nous voulons, c’est plus de transparence. On peut envisager des projets verts, comme des centrales solaires ou éoliennes. Nous voulons que notre région se développe. Mais pas aux dépens de l’environnement. »

Aujourd’hui, ces ONG bénéficient d’un soutien de poids en la personne du milliardaire américain George Soros. « Nous avons ouvert un bureau de la Fondation Soros à Rangoun », nous explique Neil Campbell, l’un des responsables de l’Open Society Foundation, l’organisme en charge des investissements socio-responsables de l’homme d’affaires. Cette fondation entend participer au développement de la société civile et soutenir les ONG locales. « C’est un investissement social et non économique car les changements que l’on a pu voir récemment ne seront peut-être pas durables, précise-t-il. Un risque de retour en arrière n’est pas exclu. Pendant des années, la junte militaire s’est accaparé 99% des revenus considérables du pays qui proviennent pour l’essentiel de l’exportation de gaz naturel. Cette transition politique doit permettre de s’assurer que les revenus du gaz, du pétrole, des mines, des pierres précieuses et du bois aillent bien aux Birmans. Sinon, les investissements étrangers iront dans la poche des élites gouvernementales. »

Cet article de Sébastien Le Belzic, envoyé spécial en Birmanie, a initialement été publié sur le site de Novethic, le média expert du développement durable.

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