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28-05-2009

Le Parlement européen aime la contre-voix

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Une fournée d’eurodéputés s’apprête à prendre ses fonctions pour cinq ans. Attention, ça risque de chauffer. Car le Parlement a montré toute l’étendue de ses super pouvoirs. La chimie, l’automobile, le climat et le temps de travail s’en souviennent encore.
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La campagne électorale des européennes s’achève. On aura parlé de tout, mais très peu… des enjeux européens et encore moins du Parlement. Le taux d’abstention progresse à chaque élection. En 2004, il a atteint 57,2 % en France et 54,3 % en moyenne au sein de l’Union européenne (UE). Un paradoxe puisque, parallèlement, les pouvoirs du Parlement n’ont cessé de se renforcer.

Aujourd’hui, pour adopter un texte législatif, eurodéputés et Etats membres sont quasiment sur un pied d’égalité. Autrement dit, cette assemblée est loin d’être une simple vitrine démocratique. La preuve ? Terra eco s’est replongé dans quatre dossiers emblématiques du développement durable qui ont été décortiqués, amendés et votés par les eurodéputés durant leurs cinq années de labeur.

1 – Les produits chimiques ne passeront plus incognito

Le 13 décembre 2006, la dépêche tombe : l’UE sera dotée en 2007 de la « première législation au monde sur le contrôle des produits chimiques ». Le Parlement vient d’approuver à une écrasante majorité Reach (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals Substances) qui a mis en ébullition pendant presque six ans défenseurs des industriels et écologistes.

Les Verts européens ont cependant voté contre. « Evidemment, c’est un progrès », reconnaît aujourd’hui Daniel Cohn-Bendit qui fut leur président de groupe au Parlement pendant cinq ans. Mais il ne regrette pas : « Sous la pression de l’industrie, la version finale a été tellement diluée… Après nous être battus comme des fous pendant des mois, nous ne pouvions pas avaliser ce résultat ! »

Entre les deux colégislateurs, le Parlement et les Etats membres, le bras de fer a été rude. Avant même que la Commission européenne avance sa proposition de texte, Gerhard Schröder, Jacques Chirac et Tony Blair ont adressé une lettre à son président lui demandant de « ne pas porter atteinte à la compétitivité internationale de la chimie européenne ». L’industrie a brandi des arguments de poids : elle occupe le premier rang mondial, pèse 440 milliards d’euros, emploie 1,3 million de salariés et multiplie les études d’impact alarmistes.

Côté Parlement, la bataille interne n’a guère été plus aisée. Le sujet a divisé au-delà des clivages classiques. Le socialiste italien Guido Sacconi, qui a piloté le dossier, a dû composer tout au long des discussions avec les députés d’Allemagne – championne de la chimie européenne et première délégation au sein de l’Assemblée – qui, toutes couleurs confondues, jouent pour leur industrie.

Où en est-on ? Reach est en marche. Environ 30 000 substances chimiques vont être passées au crible pour évaluer leur toxicité sur l’environnement et la santé. Présentes dans d’innombrables biens de consommation courante, (cosmétiques, peintures…), elles passaient jusqu’ici incognito. Les fabricants et les importateurs devaient, avant le 1er décembre 2008, se signaler auprès de la nouvelle Agence européenne des produits chimiques. Mais il faudra patienter onze ans pour que toutes ces substances soient enregistrées en bonne et due forme. Les substances « préoccupantes » doivent, elles, obtenir une autorisation encadrant leur utilisation, l’objectif étant à terme de leur trouver un produit de substitution.

2 – Les constructeurs autos contraints de freiner les émissions

Les constructeurs automobiles s’étaient engagés volontairement à limiter les émissions de CO2 des véhicules neufs à 140 g par km avant 2008. Constatant que cette promesse ne serait pas tenue, la Commission européenne propose, en 2006, d’imposer des objectifs contraignants. Les constructeurs sont vent debout, mais divisés. La France, patrie des petits modèles citadins moins polluants, veut un système uniforme, tandis que l’Allemagne, qui produit de grosses cylindrées, défend une approche permettant aux véhicules de polluer proportionnellement à leur poids.

Le Parlement a tenté de limiter les dégâts. Après presque trois années de bataille, le secteur a obtenu un répit de trois ans et un allègement des pénalités. Les écologistes dénoncent une « capitulation face au lobby automobile mené par l’Allemagne ». Ce compromis est déconnecté de la crise actuelle du secteur, répond pour sa part la Fédération des constructeurs allemands. Conclusion du rapporteur du texte au Parlement : « Si tout le monde est mécontent, c’est qu’on a trouvé le bon équilibre. »

Où en est-on ? Aujourd’hui, 220 millions de voitures circulent au sein de l’UE et, chaque année, environ 15 millions d’autos neuves sont achetées. Le secteur produit 12 % des émissions européennes de CO2. En 2015, les constructeurs devront avoir réduit celles-ci de 18 % pour les véhicules neufs, soit des émissions de CO2 ramenées à 130 g par km, contre 159 actuellement. En cas de dépassement, des amendes sont prévues, mais les petits excès seront faiblement pénalisés.

3 – Le plan climat rattrapé par la culotte

La France au cours de sa présidence de l’UE, achevée fin 2008, avait une priorité : faire adopter le Plan européen de lutte contre le changement climatique. C’était compter sans la crise économique. Lors du Conseil d’octobre, les dirigeants européens sont au créneau pour expliquer que le coût du plan était insoutenable dans le contexte actuel. La Pologne et l’Italie ont menacé de tout faire capoter. Mais Nicolas Sarkozy voulait un deal… à tout prix. Et a promis des « solutions spécifiques » aux « problèmes spécifiques » de chacun. En clair, un allègement du fardeau pour les industriels via une large allocation gratuite de quotas d’émissions de CO2. Le 12 décembre, les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné leur feu vert. Cinq jours après, les eurodéputés ont entériné le marché.

Le Parlement n’aura donc été qu’une chambre d’enregistrement ? « Sans la pression du Parlement, il n’y aurait pas eu de plan climat. La tentation des Etats membres de reporter l’échéance l’aurait emportée », estime au contraire le Luxembourgeois Vert Claude Turmes. Et de conclure : « Le Parlement a beau être dominé par les conservateurs, il n’y a pas de majorité et d’opposition figées. Un libéral britannique ou même un conservateur scandinave est souvent plus écolo qu’un social-démocrate allemand. C’est à chaque rapporteur de créer sa majorité. C’est ça, la magie du Parlement européen. »

Où en est-on ? L’UE s’est donc engagée à réduire unilatéralement ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % (par rapport à 1990) d’ici à 2020 (30 % en cas d’accord international). Avec le plan climat, elle s’est donné une feuille de route qui décline les efforts assignés à chaque pays et détaille les mécanismes à mettre en œuvre.

4 – Des heures de travail hebdomadaire calibrées

La révision de la directive sur le temps de travail n’aura pas lieu. Après cinq ans de négociations, la réunion de la dernière chance s’est déroulée le 28 avril. Sans succès. Le Parlement a tenu tête aux Etats membres. A l’approche des élections, les eurodéputés ont mis un point d’honneur à défendre une Europe plus sociale face aux partisans de la flexibilité. Aujourd’hui, la durée légale maximum de travail en Europe est de 48 heures par semaine, mais des rallonges sont possibles. Les eurodéputés voulaient y mettre un terme. Inacceptable pour plusieurs pays friands de ces dépassements, Royaume-Uni en tête.

Un autre enjeu portait sur le temps de garde qui existe dans certaines professions, comme le secteur hospitalier. La jurisprudence de la Cour de justice européenne assimile ces périodes à du temps de travail. Or, la quasi-totalité des Etats sont en infraction par rapport à celle-ci. D’où leur volonté de créer une distinction entre temps de garde actif et non actif, afin de ne pas tout comptabiliser comme du travail. Inadmissible aux yeux des députés. Pour sortir de l’impasse, la Commission devra repartir de zéro avec un nouveau texte.

Où en est-on ? Faute d’accord, la directive actuelle reste en vigueur. Et paradoxalement, de plus en plus d’Etats risquent d’être tentés de déroger aux 48 heures pour ne plus être en infraction sur la question du temps de garde. C’est déjà le cas de 15 pays sur 27.

C’est le 14 juillet que les 736 eurodéputés fraîchement élus se réuniront pour leur séance inaugurale. Ils trouveront déjà sur leur bureau certains dossiers qui n’ont pas été bouclés, notamment la lutte contre le commerce de bois illégal, la mise en place d’un péage pour les poids-lourds, visant à leur faire payer leurs nuisances environnementales ou l’instauration de minimas énergétiques pour les bâtiments. Seront-ils à la hauteur ? A vous de décider !

Illustrations : Colcanopa

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