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La femme, un animal vert pas comme les autres

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La femme, un animal vert pas comme les autres
(Crédit photo : Bertrand Desprez / VU)
 
Certaines études l’affirment. Quelques courants philosophiques aussi. Le mariage de l’écologie et du féminisme est fait pour durer. Débat.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Non, Terra eco ne souhaite pas relancer la guerre (verte) des sexes ! Ni ramasser les poncifs à la pelle. L’idée tient dans une question simple – la femme est-elle plus verte que l’homme ? – qui appelle des réponses compliquées. Voire énervées… « Mais ça n’est pas une question pour magazine féminin, se crispe la cinéaste Coline Serreau, qui, dans son dernier film Solutions locales pour désordre global, dénonce les ravages du patriarcat sur la planète. C’est un problème politique ! » OK. Tâchons donc de cerner la question en nous fondant sur des faits et sur les avis de personnes compétentes.

A commencer par les premiers intéressés. Terra eco a sondé avec OpinionWay les pratiques des couples sur le développement durable à la maison (1). Résultat : monsieur et madame se disent égaux devant les poubelles, vertes ou jaunes d’ailleurs. Une grande majorité trie ensemble les déchets. Mais ne le sont plus sur le terrain des déplacements – elle utilise davantage les transports en commun, il préfère sa voiture – ou des courses – elle achète largement plus de produits bio. Quand on parle techno – le chauffage alternatif –, c’est monsieur qui vire au vert. Sur le reste – ampoules basse conso, mise en veille des appareils électriques –, chacun a tendance à fanfaronner en se prétendant plus écolo que sa moitié d’orange.

Mâle techno, femelle conso

Bruno Maresca, sociologue au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), met un point final aux bisbilles : « Sur de nombreux registres comme les économies d’énergie et d’eau, l’usage des transports en commun, la protection de la nature et des espèces, il n’y a pas de différence significative. » En s’appuyant sur des études menées en 2010, le chercheur confirme les gènes plus techno des mâles : « Il y a un seul registre pour lequel les hommes ont une sensibilité plus marquée : la connaissance de la notion de développement durable qu’ils maîtrisent mieux que les femmes. Ces dernières sont plus concernées par les registres de la gestion domestique, et par ceux qui ont des impacts sur la santé. »

Outre-Atlantique, on a détecté une tribu : les « ecoaware moms ». Selon l’Institut EcoFocus, ces « mères écoconcernées » seraient au nombre de 51 millions aux Etats-Unis, et concentreraient à elles seules un pouvoir d’achat de 1 450 milliards de dollars (1 000 milliards d’euros). Rassurez-vous, elles ne font pas que consommer. Ces dames s’intéressent aussi au changement climatique. Un récent rapport, « The effects of gender on climate change knowledge and concern in the American public » – « Les impacts du genre sur la connaissance et la sensibilité au changement climatique » –, s’est penché sur huit années de sondages et en conclut que… les femmes sont davantage concernées que les hommes par le sujet.

D’autres concepts font florès aux Etats-Unis. Celui de l’écoféminisme y a pris racine il y a quarante ans, autour de l’idée suivante : oppression des femmes et de la nature, même combat ! Virginie Maris, philosophe de l’environnement à Montpellier, détaille ce mariage du féminisme et de l’écologie : « On aurait un esprit masculin rationaliste, qui part des principes généraux, fonctionne sur la déduction. Et un esprit féminin, basé sur l’induction, qui part des cas particuliers, plus sensible à la simplicité qu’à la complexité. Ce qui correspond à la démarche des sciences de l’environnement. » Aujourd’hui, poursuit la chercheuse, « le champ de l’écoféminisme est cristallisé dans le domaine militant, notamment au Sud où des femmes œuvrent à la fois pour défendre les femmes et la nature, comme Vandana Shiva en Inde. »

Du Kenya au Bangladesh

Cette distinction des genres remonterait, selon l’écopsychologue Jean-Pierre Le Danff, au temps des cavernes et de la chasse au mammouth. « Pendant la majorité de son histoire, l’être humain a été un chasseur-cueilleur. Les femmes restaient au campement pour s’occuper de l’environnement immédiat, devaient avoir une vision globale du village quand les hommes partaient à la chasse. On peut supposer que le cerveau féminin prend soin avec une vigilance permanente de son environnement, le masculin étant dans la conquête, le pouvoir. »

La moitié de l’humanité aurait-elle donc un rôle spécifique à jouer dans le changement ? C’est ce qu’affirme, noir sur blanc, le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) : « De plus en plus, les femmes des pays pauvres comme des pays riches ou bien travaillent directement à la question des changements climatiques, sur la scène mondiale et dans leurs propres communautés, ou bien définissent des stratégies pour prospérer au milieu d’un environnement qui se dégrade. » Pour appuyer sa démonstration, le rapport évoque les actions de grandes dames, comme celle du prix Nobel de la paix Wangari Maathai qui a replanté 40 millions d’arbres avec ses compatriotes kényanes. Ou de plus modestes, comme celles de paysannes du Bangladesh qui, se lamentant de voir leurs poulets noyés pendant la mousson, ont trouvé une solution : les remplacer par des canards !

« Les femmes sont touchées différemment par les problèmes écologiques, appuie Anne Barre, du Women in Europe for a Common Future (WECF). Elles sont aussi porteuses de solutions différentes, qu’il est nécessaire de prendre en compte dans la gouvernance mondiale. » Cette ONG, née au détour du sommet de la Terre à Rio en 1992, les accompagne dans quarante pays pour résoudre des problèmes d’assainissement, d’énergie, d’environnement toxique…

Débat sur les couches lavables

Alors oui, les femmes sont donc plus vertes ? Pas si vite. Primo, « les études sur la consommation ont un effet loupe, prévient Virginie Maris. Si les femmes achètent plus de légumes bio, c’est parce que ce sont elles qui font les courses ! Au Nord, le partage des tâches domestiques reste encore l’un des progrès les plus essentiels à faire. » Pour Bruno Vilalba, sociologue de l’environnement à Lille, « beaucoup d’enquêtes font apparaître des comportements quand il y a seulement des intentions ». Secundo, les positions des écoféministes feraient se retourner Simone de Beauvoir dans sa tombe ou même écrire des livres indignés à Elisabeth Badinter… Mais pas que. Si beaucoup regrettent que la philosophe ait plombé le débat avec son ouvrage paru en début d’année, Le Conflit, la femme et la mère (Flammarion), avec des arguments simplistes sur les couches lavables ou l’allaitement qui asserviraient les femmes, leurs réserves sont réelles. « Il faut être vigilant sur un point, tempère Virginie Maris. Culturellement, on a des différences, mais pour moi, il n’est pas intéressant, voire suspect de les essentialiser. »

Jean-Pierre Le Danff n’en pense pas moins. « Il serait dangereux de se limiter à cette dichotomie. D’autant que rien n’empêche les hommes d’avoir les mêmes facultés que les femmes. » Ou les femmes d’avoir les mêmes défauts que les hommes… « Il existe des sociétés matriarcales pas plus écolos que la nôtre, argumente Bruno Vilalba. Ce n’est pas parce que les femmes accèdent au pouvoir qu’elles vont l’exercer différemment. Le parti vert est très féminisé. Les partis d’extrême gauche aussi. On n’aboutit pas pour autant à des comportements différents. »

Cerveau malléable

Du côté des sciences exactes, on rencontre la même protestation. « Les vieilles théories sur le cerveau féminin et masculin sont complètement caduques aujourd’hui, explique Catherine Vidal, neurobiologiste à l’institut Pasteur, auteur de Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ? (éditions le Pommier). Les capacités du cerveau sont sans cesse malléables et si les femmes sont plus sensibles à l’écologie, ça n’est pas par nature. Il faut arrêter de figer les êtres humains dans des destins présents à la naissance. C’est une idée réactionnaire et non scientifique. »

C’était déjà ce qu’affirmait Luc Ferry, en 1992, dans Le Nouvel Ordre écologique (Grasset) : « Que les écoféministes haïssent la civilisation occidentale et la modernité, c’est leur affaire. Qu’elles (ou ils) veuillent trouver à cette détestation une justification naturelle, c’est jouer le jeu d’un déterminisme biologique dont toutes les femmes subiraient les conséquences s’il devait être pris au sérieux. La revendication du droit à la différence cesse d’être démocratique lorsqu’elle se prolonge dans l’exigence d’une différence de droits. » Une question politique, on vous dit. —

(1) Sondage réalisé, du 27 au 28 octobre, auprès d’un échantillon de 1 057 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Au sein de cette échantillon, ont été isolées les personnes déclarant vivre en couple soit 720 individus.


En savoir plus

- Ecoféminisme, Maria Mies et Vandana Shiva, (L’Harmattan, 1999)

La première est professeur de sociologie à l’Université de Cologne, la seconde, prix Nobel alternatif, se bat contre la biopiraterie en Inde, en s’appuyant sur les paysannes. Ensemble, elles cherchent à refonder le monde sur les valeurs de l’écologie et du féminisme.

- Le conflit, la femme et la mère, Elisabeth Badinter, (Flammarion, 2010)

La philosophe constate un repli sur le terrain du droit des femmes : baisse de la natalité dans beaucoup de pays développés, regain du discours naturaliste visant à river les femmes à leur rôle de mère… Et pointe notamment le diktat de l’allaitement.

- Le nouvel ordre écologique, l’arbre, l’animal et l’homme, Luc Ferry (Le Livre de poche, 1992)

Pour le philosophe, l’écologie, problème de civilisation, enjeu politique capital, peut être une science indispensable à l’homme, mais dérive parfois vers des idéologies redoutables, qui plongent leurs racines dans un idéal de pureté.

- Solutions locales pour désordre mondial, Coline Serreau

En interrogeant des paysans sans terre brésiliens ou Pierre Rabhi, la réalisatrice explore les nouveaux systèmes de production agricole respectueux de la planète. Pour elle, la terre est féminine et l’agriculture intensive – masculine – la violente depuis trop longtemps.

1 commentaire
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  • très bel article et assez pertinent
    La femme est l’avenir du monde ...disait Aragon et chantait Ferrat
    En randonnée il est vrai que j’ai plus souvent vu des hommes "oublier" leur détritus que des femmes...
    Un petit essai de géographie :la géographie n’est plus ce que vous croyez esquissait déjà cette idée
    http://lageographienestplus.wifeo.com
    isabelle Vesquer

    14.12 à 08h34 - Répondre - Alerter
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