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22-11-2009
Mots clés
France
Portrait

La banquière masquée

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On peut être banquière, écolo et conseiller une organisation environnementale au sujet de l’impact des banques sur la santé de la planète. Portrait d’une femme qui a choisi l'anonymat comme moyen d'action.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Pardon, mais je ne peux révéler mon identité ». Madame X, puisque tel est son souhait, a quelque chose de schizophrène. Pensez, elle est d’un côté salariée d’une grande banque française et conseille de l’autre des ONG écologistes sur leur rôle à tenir vis-à-vis des institutions financières. « La plupart des projets financés par les banques s’opposent clairement à l’action des associations écologistes. Et les associations militantes ne sont pas forcément bien perçues par les banquiers », résume d’une phrase la quinquagénaire. Pas facile effectivement.

Pour cette francilienne au look plus « écolo provincial » que « cadre de la Défense », certaines phrases « cristallisent cette contradiction », comme celle du directeur du développement durable de la Société Générale : « La morale ne fait pas partie de notre univers. » (Le Monde, 2006). Des propos frappants, pour une femme qui, « depuis des lustres », est engagée. Greenpeace, WWF, Planète Urgence… ? Nous ne saurons pas où exactement. Ce qui est sûr, c’est que cette femme, aussi épanouie au travail que dans la vie associative, est passionnée depuis sa petite enfance par la terre et son environnement.

Nocifs pour l’environnement

C’est donc naturellement qu’elle choisit des études liées au domaine para-agricole. Elle travaille un temps dans un organisme professionnel, jusqu’à ce qu’une mésentente avec la direction la pousse à partir. Mais où aller lorsque l’on est trop spécialisé, et que l’on veut rester en région parisienne ? Il reste la banque et l’informatique, se dit alors la jeune femme, qui à 35 ans mise sur le premier secteur. Et voilà comment vingt plus tard, la banque, et plus précisément le domaine de la gestion des risques, est toujours son métier. Madame X vit à cheval entre deux mondes : celui de projets qu’elle étudient et jugent parfois nocifs pour l’environnement, et celui des associations qui les dénoncent.

A titre d’exemple, le projet d’oléoduc Tchad Cameroun (le plus gros investissement jamais réalisé en Afrique centrale : 4 milliards de dollars), dont l’exploitation devrait générer 137 millions de tonnes de pétrole (soit 427 millions de tonnes de CO2). Financé en partie par la Banque européenne d’investissement. Ou encore l’un des plus grands chantiers pétroliers et gaziers du monde : Sakhaline II, amorcé en Russie en 1994, financé notamment par BNP-Paribas. Evalué à plus de 22 milliards de dollars, ses impacts sur l’écosystème de la région et sur les communautés locales suscitent de très nombreuses critiques.

Pessimiste active

« On ne voit pas comment faire face à ce problème de réchauffement climatique sans une modification radicale de la façon dont fonctionne notre économie », dénonce cette mère de deux enfants. Sébastien Godinot, coordinateur des campagnes, au sein des Amis de la Terre explique : « Dans le secteur de l’énergie, les banques investissent à 10% dans du renouvelable, et à 90% dans du dégueulasse (pétrole, charbon, gaz nucléaire). Il faut inverser le rapport. » Pourtant, ces deux mondes dialoguent : « Les banques évoluent, il faut dire que les associations les y ont bien aidées », admet Madame X. Craignant pour leur image, les banques se sont résolues à respecter les principes dits « Équateur », instaurés par un certain nombre d’entre-elles, sous l’égide de la Banque mondiale. Objectif : examiner les investissements sur le plan environnemental et social, et fixer des conditions pour leur financement. « Un début, mais il reste beaucoup à faire ! » L’un des membres de l’association de madame X témoigne : « C’est très pratique pour nous de travailler avec elle. Brandir des banderoles pour manifester, ce n’est pas son style. Elle est réaliste, pragmatique, et très bonne dans ses analyses. »

Est-ce supportable, pour une écolo convaincue, d’être aux premières loges de projets parfois scandaleux pour l’environnement et les populations locales ? Quand certains deviendraient schizophrènes, elle répond posément : « Je ne suis pas dans l’émotivité, ni de ceux qui pleurent toutes les larmes de leur corps devant des images catastrophiques, avant d’aller prendre l’apéro. » Cette adepte du « pessimisme actif » estime qu’il faut agir dans la vie courante et, comme ça ne suffit pas, collectivement, à travers les associations. « Bien sûr qu’il ne s’agit pas de revenir à la bougie !, répond-elle aux « climato-sceptiques » de son bureau, à qui elle ne manque jamais de faire passer des messages. « Bien sûr les progrès de la science et de la technique sont très précieux, mais nous sommes allés beaucoup trop loin.Voilà des années qu’on est entré dans le nuisible ».

Noix de lavage

Sa conviction est née dans la région Centre, chez ses grands-parents. Leur mode de vie, autarcique, ressemblait à celui du modèle agricole des années 1900. C’est ainsi qu’elle a perçu le basculement de notre société. Elle en appelle au philosophe Michel Serres : « Au début du siècle, tout le monde connaissait de près ou de loin le monde agricole, aujourd’hui, c’est l’inverse, c’est une minorité qui connaît ce milieu. » Les formes d’économie qu’elle a pu observer, enfant, lui servent donc de modèle : « On n’avait pas les moyens d’aujourd’hui. Tout était organisé pour ne rien gaspiller. Résultat : il n’y avait quasiment pas de poubelles. Et on ne manquait de rien ! » Pas un discours nostalgique, mais un constat. Sans revenir en arrière, on pourrait en retenir beaucoup de choses assure-t-elle. La pessimiste active fourmille d’idées : « Par exemple, pour la lessive, l’eau chaude suffit. Un peu de savon ou d’eau de javel pour les grosses taches, et c’est tout. » Elle reconnaît ajouter, de temps en temps, « le nouveau truc à la mode chez les écolos », la noix de lavage (un produit naturel indien) : « C’est psychologique, je n’arrive pas à ne rien mettre ! » sourit-elle.

Elle soupèse les conséquences de chaque gestes quotidien, quitte à se faire railler. Par ses enfants, qui se plaignent de ne pas avoir assez d’écrans chez eux ; par sa sœur lorsque celle-ci prend trop l’avion. « On me dit : « Tu t’emmerdes à réfléchir tout le temps comme cela ! ». Mais eux, ils passent bien des heures à choisir le meilleur forfait téléphonique ! », répond cette adepte du vélo pour aller au boulot : « Dès que je peux utiliser ma force musculaire : pour battre des œufs en neige ou galoper sur un escalator. » Tête froide, humour, et une grande envie de transmettre. Celle qui se rend chaque année au Salon de l’Agriculture peut expliquer pendant des heures, avec passion, le faux problème de la pomme Ariane, si résistante à la tavelure... Le genre de discussions auxquelles ses confrères de la banque risquent d’avoir droit à la pause café, pendant quelques temps encore !

Portrait rédigé pour Terra eco par Juliette Filloux, étudiante au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes)

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