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13-06-2014
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Politique
Développement
Energies
France
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La France a toujours les deux pieds dans le charbon

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La France a toujours les deux pieds dans le charbon
(Crédit photo : Duncan Harris - Wikimedia)
 
Chez nous, son poids est insignifiant. Mais ailleurs, l’Hexagone continue de contribuer au développement de la filière charbon… sous la pression du puissant Alstom. Explications.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mis à jour le 27 novembre 2014 : Le président François Hollande a annoncé, le 27 novembre 2014, lors de la Conférence environnementale, la suppression des crédits à l’exportation accordés aux pays en développement dès lors qu’il y a utilisation du charbon. Le but : renforcer la lutte contre le changement climatique. « Au niveau européen, nous ferons en sorte que les subventions aux énergies fossiles soient supprimées à terme », a-t-il déclaré.

« On soutient à l’étranger des projets qu’on ne porterait pas ici », s’agace Lucie Pinson, chargée de mission pour les Amis de la Terre. Dans sa ligne de mire : le soutien financier apporté par la France à la filière charbon au-delà de ses frontières. Pourtant, sur son pré carré hexagonal, Paris fait belle figure à côté de ses voisins, notamment allemand. Seuls 3,6% de son électricité voient le jour dans des centrales à charbon. Mais pendant qu’elle joue la vertu chez elle, la France continue de soutenir le développement de la filière à travers la Coface, son agence de crédit aux exportations.

Celle-ci a pour mandat d’aider les entreprises françaises à l’étranger. « Si Alstom veut exporter des turbines, la Coface offre une garantie aux banques. Ainsi, si l’acheteur étranger fait défaut et que le projet s’écroule, les banques qui avaient prêté à Alstom sont sûres de retrouver leur mise », précise Lucie Pinson. Depuis 2011, selon les Amis de la Terre, la France aurait ainsi soutenu des « projets charbon » à hauteur de 1,2 milliard d’euros. « Cela correspond à quatre garanties accordées à Alstom sur l’exportation de turbines pour deux mégacentrales sud-africaines, l’une à Medupi, l’autre à Kusile. Quand elles seront en service, elles devraient représenter à elles seules 14% des émissions annuelles de gaz à effet de serre de la France ! », explique la chargée de mission.

Un combat gagné, l’autre perdu

Certes, la France a bien fait un effort. C’était en mars 2013. Le président François Hollande l’annonçait alors : l’Agence française de développement (AFD) ne financerait plus de centrales carburant au charbon tant qu’elles seraient « sans captage ou stockage du CO2 ». Plus d’argent public directement versé, au nom du développement du Sud, dans le ventre de projets pollueurs. Mais si cette voie de financement est bel et bien bouchée, les garanties de la Coface continuent d’épauler les projets étrangers. « C’est l’un de mes grands regrets, souligne Pascal Canfin, ex-ministre délégué au Développement. J’ai gagné le premier combat, celui de l’AFD, mais j’ai perdu le second. »

Le défi était-il intenable ? Il faut croire que non. En juin 2013, le président américain, Barack Obama, a franchi le pas et annoncé la fin de l’ensemble du soutien public américain aux centrales à charbon. Et ce via l’agence de développement du pays (l’équivalent de l’AFD), mais aussi les banques multilatérales dans lesquelles siègent les Etats-Unis [1] et surtout l’agence publique de crédit aux exportations Ex-Im (l’équivalent de la Coface).

Un râteau pour Obama

Quelques mois plus tard, le grand cousin américain a voulu entraîner la France dans son sillage vertueux. « En janvier, j’avais rencontré Caroline Atkinson, la conseillère d’Obama chargée des affaires économiques et internationales. Elle m’avait confié qu’il était compliqué pour Obama de tenir seul [2]. Pris sous le feu de General Electric et des critiques de nombreux congressistes, il avait besoin de montrer que sa prise de position faisait bouger les lignes internationales », se souvient Pascal Canfin. L’accord aurait pu être scellé en février 2014, lors d’une visite du président américain à François Hollande. Mais ses charmes ont laissé la France de marbre.

Il faut dire qu’Alstom – l’un des acteurs de la filière à l’étranger – a mis tout son poids dans la balance. De ce lobbying intense, Pascal Canfin a été témoin : « Lors d’une réunion interministérielle à laquelle j’ai participé, les conseillers ministériels de Bercy avait devant les yeux un papier à entête d’Alstom. L’argumentaire qu’ils déroulaient était bien celui de l’industriel », précise l’ex-ministre. Pourtant, selon lui, les réserves de l’équipementier et le chantage à l’emploi qui les accompagnait – la menace de 100 postes supprimés sur 700 en France, croient savoir les Amis de la Terre – ne tiennent pas : « Cet argent qui ne pourrait plus être affecté à des centrales à charbon sales pourrait être fléché vers d’autres activités dans lesquelles intervient aussi Alstom : l’éolien, la géothermie, les transports publics propres. Leur vision est ultracourtermiste, sans aucune prise en compte de la nécessité d’une transition. » Avant d’ajouter : « Que le lobby d’Alstom soit celui-ci, ce n’est pas bien glorieux. Que les conseillers de Bercy, les politiques, ne soient pas capables de dépasser cette vision, c’est plus grave. » Sollicité, Alstom n’a pas répondu dans les délais impartis [3].

Une centrale, c’est pour trente à cinquante ans

Et la France n’a pas fini de reculer. Selon les Amis de la Terre, l’Hexagone entendrait bien freiner une proposition portée depuis mars (voir ici un document de travail qui a fuité) par Washington et Londres.

Les deux capitales veulent proposer le 16 juin à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) [4] un seuil de performance énergétique en dessous duquel les crédits à l’exportation ne pourraient pas être attribués (voir le plan d’approche des Etats-Unis, du Royaume-Uni et des Pays-Bas dans cet autre document fuité). La France aurait fait très clairement savoir à l’ONG qu’elle ne soutiendrait pas une telle proposition punitive, mais présenterait plutôt un système d’encouragement aux projets d’énergie propre. En attendant, Alstom peut poursuivre sa conquête : « Quand on construit une centrale, c’est pour trente à cinquante ans, souligne Lucie Pinson. Ces projets contribuent à enfermer les pays dans une dépendance au charbon alors qu’on pourrait plutôt les aider à développer les énergies renouvelables qui sont aujourd’hui aussi compétitives que les fossiles. »

[1] Banque mondiale, Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), Banque européenne d’investissement (BEI), mais aussi des banques régionales de développement.

[2] Il a, depuis, été suivi par les pays nordiques en septembre 2013 – qui se sont engagés à ne plus participer au financement de nouvelles centrales à charbon à l’étranger –, le Royaume-Uni en novembre et les Pays-Bas en mars 2014, qui ont fermé les vannes de leur agence de développement.

[3] Alstom n’a pas pu répondre avant la publication de cet article. Ils l’ont fait quelques jours plus tard par mail. Voici un extrait de leur texte : « Alstom est aujourd’hui le seul acteur occidental capable d’offrir et d’intégrer toutes les composantes d’une centrale qu’elle soit au gaz ou au charbon. Couper les financements nationaux à l’export, reviendrait à laisser comme seule possibilité aux pays qui ont choisi de produire de l’électricité à partir du charbon, de produire de l’électricité avec des technologies moins propres que ce que nous pouvons proposer. »

[4] C’est l’OCDE qui est chargé d’encadrer les agences de crédit à l’exportation.

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