Par Arnaud Gossement, avocat, docteur en droit et Maître de conférences à Sciences Po.
Climato-scepticisme, écolo-scepticisme, grenello-scepticisme… le scepticisme est partout et très à la mode dés qu’il est question de débattre de protection de l’environnement. Certes le doute est indispensable à la réflexion mais le scepticisme actuel s’apparente davantage à un profond pessimiste si ce n’est parfois à du cynisme. En définitive, le scepticisme ambiant n’encourage pas à l’action mais plutôt à la lamentation ou au désespoir, ce qui n’est pas nécessairement le meilleur moyen d’avancer, et ce, alors même que l’urgence écologique est toujours là. A la veille de la discussion du projet de loi « Grenelle 2 », ce doute généralisé, quel qu’en soit les motifs, créé un risque d’affaiblissement de la mobilisation citoyenne pour l’écologie.
Grenello-scepticisme
Les différents scepticismes n’ont pas le même fondement. On peut être convaincu de la contribution de l’homme au dérèglement climatique et annoncer chaque matin la mort du Grenelle de l’environnement. Un point commun pourtant : une certaine culture de la tristesse qui incite à baisser les bras plus qu‘à se retrousser les manches. Répondre à un scepticisme par un autre scepticisme n’est sans doute pas le meilleur moyen de mobiliser le plus grand nombre de citoyens. A la veille de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi « Grenelle 2 », le grenello-scepticisme prend pourtant de l’ampleur alors que ce texte, fort d’une centaine d’articles, est destiné à mettre en œuvre les engagements négociés en octobre 2007. D’un côté, certains groupes de pression industriels, habitués à opposer écologie et économie, pratiquent un lobbying forcené pour affaiblir la portée du texte. De l’autre, certains écologistes focalisent sur les faiblesses du texte et le verre à moitié vide au risque de jeter le bébé avec l’eau du bain : le Grenelle ne créerait pas d’emplois verts, représenterait une régression du droit de l’environnement, etc…Cette convergence des doutes renforce le syndrome du « à quoi bon ? » dénoncé par plusieurs responsables dont Jean-Louis Borloo. A quoi bon se battre pour un texte si imparfait ? A quoi bon tenter de convaincre les parlementaires de faire mieux que les acteurs du Grenelle ? Certes le projet de loi « Grenelle 2 » n’est pas parfait et certaines de ses dispositions sont même contraires aux engagements du Grenelle comme l’alourdissement de la procédure de création des éoliennes. Toutefois, face aux amendements grenello-incompatibles, la désolation n’est pas la meilleure stratégie… Le projet de loi « Grenelle 2 » comprend nombre de dispositions qui, potentiellement, vont dans le bon sens. Tenter de les améliorer est plus urgent que de les noyer.
Hulot-scepticisme
Nicolas Hulot a été et reste un acteur central du Grenelle de l’environnement dont il est un des pères fondateurs. A l’évidence, Nicolas Hulot est un constructeur, pas un destructeur même si son dernier film, le syndrome du Titanic, n’était pas précisément une ode à l’optimisme. Reste que la décision de sa fondation de suspendre sa participation au Grenelle a elle aussi contribué à l’écolo tristesse du moment même si son sens a pu être mal interprété.J’entends bien que cette décision tendait à créer un électrochoc et non une électrocution du Grenelle. Mais alors que le premier cycle du Grenelle va s’achever avec le vote de la loi « Grenelle 2 », la pratique, même ponctuelle, de la chaise vide au sein du comité de suivi du Grenelle revient à donner plus d’espace aux lobbys productivistes qui se sentent toujours mieux seuls et sans projecteurs braqués sur eux. Il faut saluer ici le l’esprit de responsabilité de responsables associatifs comme Serge Orru (WWF) ou Bruno Genty (FNE) qui ont appelé à une réunion d’urgence des acteurs du Grenelle. Je reste convaincu qu’il faut renouer avec l’énergie et l’enthousiasme dont faisait preuve Nicolas Hulot en 2007 et qui a contribué à rendre l’écologie populaire.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions