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3-11-2011
Mots clés
Finance
G 20
Europe
Chronique

Irresponsables ou démocrates, les Grecs ?

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Irresponsables ou démocrates, les Grecs ?
(George Papandréou, en 2010. Crédit photo : Policy Network - flickr)
 
En convoquant un référendum, les Grecs font figure d'irresponsables. A moins qu'ils ne soient opposés au dogme monétaire qui régit l'Union, suggère Alain Grandjean.
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Il y a quelque chose de surréaliste dans l’annonce par Georges Papandréou d’un référendum en Grèce, postérieure au sommet de Bruxelles. Comment est-il possible qu’elle n’ait pas été faite en même temps ? On comprend que les marchés dévissent. Ce pourrait être l’allumette qui met le feu aux poudres et nous conduit au « big one », le grand krach annoncé. Bref, un beau cygne noir, qui nous rappelle à la modestie : qui l’avait vu venir ?

L’interprétation la plus immédiate est évidemment de dénoncer l’incurie grecque et d’en faire de commodes boucs émissaires : incapables de gérer leur Etat, fraudeurs, mendiants d’une aide qui nous aurait coûté un bras, ils vont en plus planter l’euro et l’Europe avec.

Je me permets de proposer une autre lecture de cet événement extraordinaire : les Européens, le peuple grec en étant l’un des plus beaux fleurons, ne sont pas des Aztèques. Ils ne veulent pas se sacrifier, ni sacrifier leur idéal et en particulier pas la démocratie. Or c’est aussi ce que veut le dogme (1). Si des Etats européens ne sont pas capables de gérer leur pays, on va le faire à leur place et envoyer des experts pour le faire. Cela nous rappelle le temps maudit du Chili, soumis aux golden boys, et de tous ces pays qui ont dû passer sous les fourches caudines du FMI et de ses plans d’ajustement structurels criminels.

La force du dogme est qu’il repose sur un apparent bon sens et sur quelques épisodes historiques, sur du solide donc. Financer un déficit budgétaire par la planche à billets ne peut être qu’une fuite en avant, la preuve que le gouvernement est incapable de lever l’impôt pour financer les dépenses souhaitées par ses électeurs. Cela ne peut se finir que dans l’hyperinflation (celle des assignats révolutionnaires ou des marks de la République de Weimar) et ses suites tragiques. La discipline doit être encore plus stricte, quand on est au sein d’une union monétaire, où la tentation d’un Etat serait forte de faire plaisir à ses électeurs, en comptant sur les voisins pour payer l’addition. C’est d’ailleurs pour cela que le traité de l’Union européenne comporte les articles 123 (pas de planche à billets pour financer les Etats) et 125 (pas de solidarité entre Etats). Qu’opposer à ce bon gros bon sens ?

Quelques « détails » déterminants :

1. Si la Banque centrale ne peut financer un Etat, elle peut refinancer les banques qui les financent, en empochant les intérêts au passage ; en cas de crise budgétaire la seule différence c’est que le risque est plus élevé : quand les banques sont en difficulté il est difficile de savoir ce qui peut se passer.

2. Ce risque est encore accru par l’invention des CDS, ces instruments de garantie de dette, inventés par nos financiers imaginatifs dont on ne sait pas bien combien sont émis, ni qui perd et qui gagne s’ils sont « actionnés ».

3. La clause de non-solidarité a pour effet de conduire à des appréciations de risque différentes entre les différentes dettes publiques des pays de la zone euro donc à des taux d’intérêt différents. Or les « ratios de Maastricht » (déficit inférieur à 3% du PIB et dette inférieure à 60%) supposent que 3 autres variables se comportent « sagement » : le taux de croissance du PIB, le taux d’intérêt et le taux d’inflation.

Ce qui pourrait se passer en théorie mais qui ne s’est pas passé en pratique dans la zone Euro où les économies des pays de la zone se sont mises à diverger. Dès lors la spéculation a pu s’acharner sur les pays en difficulté.

4. Quand un pays est dans la seringue, il ne peut que recourir, avec ou sans l’aide de ses voisins, à une politique d’austérité visant à redresser ses comptes publics.

5. Mais comme l’a dit François Baroin cet été, le temps de la démocratie n’est pas celui des marchés. Ces derniers ne connaissent que deux émotions : l’exubérance ou la panique. Ils exercent une pression vite intolérable, par l’intermédiaire de leurs bras armés, sur les peuples, qui ne comprennent pas facilement qu’on leur impose une purge. Surtout quand le déclenchement de la crise provient de la lointaine Amérique et de sa crise des subprimes. Quand les efforts les plus importants des dirigeants européens semblent avoir été faits pour éviter des ennuis aux banques…

6. Dessaisir les gouvernements des deux leviers majeurs de la politique économique, le budget et la monnaie, tout en leur laissant s’expliquer devant leurs électeurs puis confier à une troïka le soin d’appliquer un plan de restructuration est un excellent moyen pour faire détester l’Europe.

Bref le dogme a voulu nous faire croire qu’il allait nous permettre d’accoucher d’une belle Europe, c’est une sorcière qui sort de la crise actuelle. Le dogme veut la peau de l’Europe dont les peuples veulent.

Dans sa probable panique, Georges Papandréou nous rend peut-être un grand service. Son pied de nez au moment où Jean-Claude Trichet le grand commandeur du Dogme laisse sa place à Mario Draghi ne manque pas de piquant. Si Jean-Claude Trichet incarne le prototype du grand commis de l’Etat et si l’on peut penser qu’il ne cherchera pas comme Alan Greenspan à se faire un complément de retraite auprès d’un hedge fund comme celui de Paulson, ce n’est pas exactement le cas de son successeur, un ancien de Goldman Sachs, très probablement bien informé des opérations de maquillage des comptes grecs réalisés par son employeur…Le Dogme tombera-t-il tout seul ?

J’ai tendance à le penser.

L’eurolibéralisme a vécu. Que naisse une Europe débarrassée du dogme.

(1) C’est le monétarisme au nom de quoi les Etats européens ont abandonné leur souveraineté monétaire et tout recours à la Banque centrale pour financer leur déficit. C’est aussi en son nom qu’ils ont livré intégralement le pouvoir de création monétaire aux banques privées.

Cet chronique a été publiée initialement le 1er novembre 2011 sur le blog d’Alain Grandjean.

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Cofondateur et associé de Carbone 4, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot.

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