En rappel sur une cheminée de refroidissement, en paramoteur au cœur de la centrale, encordés au réacteur... Les militants de Greenpeace essaient régulièrement de nouveaux modes d’expression pour dénoncer l’état du parc nucléaire français. Avec une constante : s’introduire sur un site censé être ultra-protégé et y rester le plus longtemps possible avant de s’en faire déloger. Le tout sans violence.
Dix ans d’escalade sur site nucléaire
-* Encordés au réacteur : Tricastin (Drôme), 15 juillet 20135h20. Une vingtaine de militants de Greenpeace atteignent, en moins de quinze minutes, les réacteurs 1 et 3 de la centrale nucléaire du Tricastin dans la Drôme. 12h30 : « plus aucun grimpeur sur la structure », annonce l’organisation de défense de l’environnement qui relate les faits en direct sur son site.
Sur les banderoles et les images projetées : « Tricastin accident nucléaire », « François Hollande : président de la catastrophe ? », « prêt à payer le prix ? » Le prix de quoi ? Celui de la « vétusté et de la dangerosité », selon Greenpeace. L’organisation, qui a classé Tricastin parmi les cinq centrales les plus dangereuses en France, réclame sa fermeture. Et elle n’est pas la seule à pointer les failles de la centrale. L’ASN a d’ores et déjà constaté des « défauts sous revêtement » – des fissures – sur le réacteur n°1. A quelques jours de la clôture du débat sur la transition énergétique, le calendrier d’action de Greenpeace a donc été choisi très méticuleusement. « La centrale du Tricastin est tout aussi dangereuse que Fessenheim », insiste Isabelle Philippe, chargée de communication pour Greenpeace France.
- En paramoteur et atterrissage en douceur : Bugey (Ain), 2 mai 2012
Le 2 mai 2012 à 7h40, un militant de Greenpeace survole la centrale du Bugey à 35 km de Lyon, pénétrant ainsi dans un espace aérien interdit. Equipé d’un paramoteur, il allume des fumigènes sur le réacteur avant d’atterrir au sein de l’établissement.
EDF a assuré que l’objet volant avait été détecté et identifié bien avant le survol de la centrale. L’opération avait cependant bien pour objectif de dénoncer les failles dans le système de protection, alors que l’Allemagne venait d’intégrer le scénario de la chute d’avions dans ses tests de sûreté.
- En trottant : Nogent-sur-Seine (Aube) et Cruas (Ardèche), 5 décembre 2011
« Le nucléaire sûr n’existe pas », c’est la banderole déployée par quelques militants de Greenpeace sur le dôme de la centrale de Nogent-sur-Seine dans l’Aube. Ils sont huit à être entrés, à pied, dans l’enceinte de l’établissement. Leur objectif était de dénoncer l’audit lancé par le gouvernement sur la sûreté des centrales nucléaires. Une « opération de communication, selon Greenpeace, qui ne prend en compte que les risques déjà identifiés dans le passé et ne tire pas les leçons de Fukushima ».
Le même jour, à Cruas, deux activistes ont réussi à ne pas être vus par les systèmes de protection pendant quatorze heures.
- En rappel : Belleville-sur-Loire (Cher), 27 mars 2007
Pendant la campagne présidentielle, douze militants de Greenpeace grimpent sur les cheminées de refroidissement de la centrale de Belleville-sur-Loire pour dénoncer la construction de l’EPR de Flamanville. Un immense collage est réalisé avant que les activistes ne soient interceptés.
- En nombre : Penly (Seine-Maritime), 4 décembre 2003
45 militants s’introduisent sur le site de Penly. Ils y restent quatre heures pendant que 15 de leurs camarades déploient des répliques d’éoliennes à l’extérieur.
Pour quelles conséquences ?
« Les 29 militants interpellés risquent jusqu’à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs, dégradation et offense au chef de l’Etat », précise Isabelle Philippe, rappelant que cet ultime chef d’inculpation est une première. Et ce, à cause du portrait de François Hollande en « président de la catastrophe ? » érigé sur la centrale.
Ce délit, prévu par la loi sur la liberté de la presse de 1881, n’est cependant plus sanctionné par une peine de prison. Depuis 2000, l’offenseur risque, seulement, une belle amende (45 000 euros). Et une mention sur son casier judiciaire. « C’est le principe de désobéissance civile : tout le monde est mis en danger donc certains activistes choisissent, de manière volontaire et consciente de prendre ces risques pour le bien de tous », poursuit Isabelle Philippe. En milieu d’après-midi lundi 15 juillet, les 29 militants interpellés entre 8h23 et 12h30 attendaient « au commissariat de Pierrelatte », l’arrivée de l’avocat de Greenpeace.
Pour quel impact ?
Mais à quoi rime ce jeu du chat et de la souris avec les forces de l’ordre qui se termine toujours de la même manière ? Des activistes en garde à vue et la question de la sécurité des centrales remise sur la scène politico-médiatique.
« C’est un peu la marque Greenpeace. » Une manière de « provoquer le débat », poursuit Isabelle Philippe. « On a sorti un scénario proposant des alternatives au nucléaire mais il a eu beaucoup moins d’impact qu’une action de cette nature. »
Scénarii proposés par Greenpeace pour sortir du nucléaire :
Ces actions, savamment orchestrées, ont été effectuées plus de dix fois en quinze ans. Mais si elles sont spectaculaires et relayées par les médias, quel est leur impact sur les politiques ? « Difficile d’isoler une seule action, c’est une campagne de fonds », souligne la chargée de communication de l’ONG. Pour l’instant, elle semble surtout avoir provoqué le courroux de l’Elysée et du gouvernement qui a assuré que les activistes risquaient des « sanctions pénales plus lourdes. »
La centrale du Tricastin en chiffres
La centrale du Tricastin, mise en service en 1980, a produit 24 milliards de kilowattheures en 2012, ce qui équivaut à la consommation d’environ 3,5 millions d’habitants et couvre les besoins énergétiques de 45% de la région Rhône-Alpes, selon EDF. La centrale emploie 1 373 salariés du groupe d’électricité et 500 sous-traitants permanents.
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