Sauver l’Amazone des mers

Si l’on regarde la carte de la répartition mondiale des récifs coralliens, cela ne fait guère de doute : la plupart se trouvent entre la Malaisie et les iles Salomon, dans une zone surnommée "l’Amazone des mers". Ce mouchoir de poche, à l’échelle de la planète, a en effet la particularité de concentrer 53% des récifs coralliens du monde, 75% des espèces de coraux et plus de 3.000 espèces de poissons, selon l’Initiative du Triangle de Corail (ITC). Surtout, ces écosystèmes marins font vivre plus de 100 millions de personnes. Un rapport rendu public en mai par le bureau australien de l’ONG WWF et l’université du Queensland, tire la sonnette d’alarme. "Depuis 40 ans, 40% des récifs coralliens et des mangroves ont déjà disparu". Les mesures de conservation et de développement habituelles ne seront pas suffisantes, puisque de toute façon, les températures annuelles des océans entourant les zones côtières du Triangle de Corail devraient croître de 1 à 4°C d’ici à la fin du siècle. Ce qui se traduira "par des pressions sur les récifs coralliens en raison d’un accroissement du blanchiment, de la maladie et de la mortalité des coraux". En cause ? La pollution, la pêche illégale, mais aussi la déforestation côtière, et le changement climatique, qui entraîne des inondations, des glissements de terrain, réchauffe et acidifie les eaux tout en augmentant leur niveau.

Des mesures s’imposent

Bien conscients de ce à quoi peut mener l’inaction, les six pays [1] directement concernés ont organisé le premier sommet dit de l’ITC, à l’occasion de la conférence mondiale de Manado sur les océans. WWF a qualifié le plan d’action décennal comme étant l’un "des plus détaillés et des plus précis pour la sauvegarde des océans". Les gouvernements prévoient de s’associer pour lutter contre la pêche illégale, et de créer des zones maritimes protégées, en particulier pour préserver les ressources en thon, premières au monde dans la région. A terme l’ITC souhaite transformer 20% des zones côtières du Triangle en zones maritimes protégées, où la pêche serait réglementée.

Des mesures qui s’imposaient, à en croire les scénarios d’évolution possible de l’état des récifs coralliens élaborés par WWF. Le plus pessimiste prédit en particulier des mouvements de populations à la recherche de nourriture et de revenus. "Les flux migratoires des communautés traditionnelles de pêcheurs vers les villes iront en s’intensifiant. Des conditions de vie de plus en plus difficiles au sein d’environnements urbains surpeuplés conduiront à la perte des valeurs traditionnelles, familiales et culturelles." En plus de mesures locales, l’ONG préconise une action forte et indispensable contre le changement climatique : "La stabilisation de la concentration atmosphérique en CO2 à 450 ppm (parties/million) est absolument essentielle pour permettre aux pays du Triangle de Corail d’atteindre leurs objectifs de préservation des écosystèmes côtiers et de prospérité des populations littorales."

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