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29-06-2011
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Religions
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God save la planète

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God save la planète
(Illustration : Benjamin Bachelier pour « Terra eco »)
 
Depuis un demi-siècle, la question verte a peu à peu investi le champ religieux. Pour le meilleur ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Et si la panade environnementale dans laquelle on a le nez fourré était de sa faute à Lui, tout là-haut ? Oui, à Dieu lui-même ! Enfin, pas n’importe quel dieu. Celui des chrétiens tout particulièrement. L’idée ne date pas d’aujourd’hui, mais de 1966. Elle émane de Lynn White Jr. Ce professeur d’histoire médiévale à l’université de Californie donne alors une conférence intitulée « Les racines historiques de notre crise écologique », qui sera publiée l’année suivante dans la revue Science. Ses paroles vont secouer le cocotier des milieux religieux, philosophiques et même politiques. Et ouvrir un débat qui dure encore.

Que dit Lynn White Jr ? Il avance, par exemple, que « spécialement sous sa forme occidentale, le christianisme est la religion la plus anthropocentrique que le monde ait connue ». Et de souligner : « Non seulement le christianisme établit un dualisme entre l’homme et la nature mais encore il soutient que c’est Dieu qui veut que l’homme exploite la nature pour ses propres fins. » L’universitaire enfonce le clou : « En détruisant l’animisme païen, le christianisme a permis l’exploitation de la nature dans un climat d’indifférence à l’égard de la sensibilité des objets de nature. » (1).

Saint patron pour écolos

Dans l’Amérique conservatrice et pratiquante des années 1960, cette thèse fait l’effet d’un électrochoc. Les religieux accusent Lynn White Jr de blasphémer, les capitalistes libéraux le traitent de beatnik californien… Il n’empêche, ses idées font leur chemin aux Etats-Unis comme en Europe. Ainsi, cette fameuse conférence de 1966 va marquer le début du dialogue entre les mondes de l’écologie et du religieux. Et, sans doute parce que Lynn White Jr l’avait suggéré dans son intervention, Jean Paul II proclame, en 1979, saint François d’Assise, le solidaire des pauvres, l’ami des oiseaux célébrant son frère soleil, patron des écologistes. Aujourd’hui, le saint est considéré partout comme tel.

Et ce n’est pas un hasard si le WWF décide de célébrer, en 1986, ses 25 ans à Assise, en Italie. Sont invités à la fête des représentants de cinq des plus grandes religions mondiales : le bouddhisme, le christianisme, l’hindouisme, le judaïsme et l’islam. Auprès du prince Philip himself, duc d’Edimbourg, époux de la reine d’Angleterre et à l’époque président de l’ONG, chacun des responsables religieux s’engage alors à diffuser la bonne parole écologique.

Ce raout très médiatique et photogénique – imaginez un bouddhiste en tenue safran, un musulman en turban, un juif en kippa priant ensemble sur la place médiévale d’Assise ! – débouche, en 1995, sur la création de l’Alliance of Religions and Conservation (ARC). Son but : « Aider les plus grandes religions du monde à développer leurs propres programmes environnementaux. » Puis, les bahá’is, les taoïstes, les jaïns et les sikhs rejoignent le groupe initial. En 2000 s’y ajoutent les shintoïstes et les zoroastriens.

Une pêche inspirée du Coran

Je vous entends d’ici, mécréants. Vous vous dites : « Ce n’est pas avec toutes ces bondieuseries qu’on va sauver la planète. » A l’ARC pourtant, on y croit. Les onze religions inscrites à l’Alliance « atteignent chaque ville et village » et « embrassent 85 % de la population mondiale, soit environ 5 milliards d’humains ».

Les membres de l’ARC ne se contentent donc pas de prières ou d’exégèses mais apportent leur appui à des actions menées, avec des ONG, par des groupes religieux. Les plus actifs au sein de l’Alliance sont les bouddhistes et les chrétiens. Des exemples ? Au Royaume-Uni, l’ARC a créé un réseau d’échanges de bonnes pratiques entre écoles et universités catholiques. On y parle techniques de jardinage ou transports alternatifs. Au Cambodge, une association de moines bouddhistes répartis dans quatorze monastères invite les communautés villageoises, avec l’aide de l’Alliance, à protéger la forêt en plantant des arbres, en construisant des poêles à bois à faible consommation… C’est en Chine, en Inde, en Mongolie, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis que l’on dénombre le plus d’actions. Mais aucun des onze cultes n’est en reste.

Des hindous ont lancé un programme au Népal pour rendre ses couleurs à la rivière sacrée Bagmati, en encourageant ses riverains à ne pas la polluer. Aux Etats-Unis, l’association juive Hazon crée des genres d’associations pour le maintien de l’agriculture paysanne qui relient les membres d’une synagogue à un fermier bio. On en dénombre une cinquantaine à ce jour. En Tanzanie, des musulmans ont convaincu une communauté de pêcheurs d’adopter des pratiques responsables, inspirées du Coran. Depuis 2009, le mouvement EcoSikh célèbre chaque 14 mars la Journée sikh de l’environnement. Il aide également Amritsar, un centre spirituel dans l’Etat du Penjâb indien, à devenir la première « ville verte sikh ». En Inde encore, des zoroastriens récupèrent les montagnes de fleurs qui envahissent les temples à la nouvelle année pour lancer des actions de vermicompost !

Quant à la France, elle ne figure sur la liste qu’avec un seul projet, celui du monastère orthodoxe de Solan près d’Uzès dans le Gard, où l’on cultive la vigne selon les principes d’agroécologie du penseur et agriculteur Pierre Rabhi.

Si les croyances religieuses divisent, attisent les haines, provoquent des guerres, l’ARC tente à l’inverse de réunir les fidèles autour d’un dénominateur commun : « Chaque religion croit que le cadeau de la vie est sacré : il ne nous appartient pas mais nous avons la responsabilité de le préserver », avance-t-on sur le site de l’Alliance.

Indispensable religion ?

D’autres entonnent le même credo, comme le Forum On Religion and Ecology de Yale, aux Etats-Unis. Mary Evelyn Tucker et John Grim, ses deux directeurs, admettent que les traditions religieuses ne résoudront pas tout. Mais, clament-ils, « il faut reconnaître que certaines orientations et valeurs du monde des religions pourraient non seulement être utiles mais même indispensables pour une orientation cosmologique plus globale et une éthique de l’environnement. »

Indispensables, carrément ! C’était déjà le point de vue de Lynn White Jr en 1966 : « Davantage de science et davantage de technique ne viendront pas à bout de l’actuelle crise écologique tant que nous n’aurons pas trouvé une nouvelle religion, ou repensé l’ancienne. » La crise appelle un bouleversement de la société en profondeur. Et nous n’y parviendrons pas, plaident de plus en plus de penseurs, sans élever un minimum nos âmes. « Nous avons besoin d’une spiritualité qui nous apprenne à être présent à la Terre et à vivre selon ses rythmes et ses mythes », écrit Heather Eaton (1), professeur à l’université Saint-Paul d’Ottawa, au Canada, docteur en écologie, en féminisme et en théologie.

Un gourou pour nos âmes

Et comment s’y prend-on ? En livrant nos âmes à un gourou ? Pour Dominique Bourg, professeur à l’université de Lausanne et membre du Comité de veille écologique de la Fondation pour la Nature et l’Homme, point de miracle. La foi, celle qui sera capable de nous reconnecter à la nature, ne va pas se répandre en claquant des doigts. « Nous ne disposons par principe d’aucun levier d’action permettant d’agir directement sur notre spiritualité, sur le socle de nos comportements et le fonctionnement de notre être au monde », admet le chercheur en développement durable (1). Alors, que peut-on faire ? « Appelons de nos vœux des changements économiques, politiques et institutionnels puissants, affectant volontairement et profondément nos modes de vie, poursuit-il. Ils ne tarderaient pas à éroder notre ancien socle spirituel, à favoriser de nouvelles interprétations de notre héritage et à susciter l’émergence de valeurs nouvelles, participant d’une spiritualité de la finitude et de la modération. » Manifestement, une petite prière à saint François d’Assise ne sera pas de trop. —

(1) A lire dans « Crise écologique, crise des valeurs ? », dirigé par Dominique Bourg et Philippe Roch (Editions Labor et Fides, 2010).


Pour un islam durable

Pendant plus de vingt ans, Fazlun Khalid, Britannique né au Sri Lanka, a servi la British Royal Air Force, à la commission pour l’équité raciale. La retraite venue, il s’est lancé dans une nouvelle mission : élever la conscience écologique de ses frères musulmans. Il crée en 1994 l’Islamic Foundation for Ecology and Environmental Sciences (IFEES) qu’il dirige encore. Comment s’y prend-il ? D’abord en publiant un Muslim Green Guide, guide écologique musulman qui assortit les versets du Coran à des écogestes. Pour l’IFEES, le texte sacré a un mot à dire sur chaque grand thème environnemental. Sur le climat : « La corruption est apparue sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont accompli de leurs propres mains » (30:41). L’alimentation : « Mangez et buvez des biens que Dieu vous a accordés ; n’usez pas de violence sur la Terre, en la corrompant » (2:60). Les avions : « Nous avons fait du ciel une voûte protégée, et pourtant ils se détournent de Nos signes. » (21:32).

L’IFEES encourage aussi très vivement la sortie de terre de mosquées « vertes », comme celle de Singapour, construite en 2009 et équipée d’un dispositif pour économiser l’énergie (ampoules basses consommation, détecteurs de mouvements…), des réducteurs de débit d’eau, un jardin sur le toit, un mur végétal. Et la Fondation a même pris le parti de verdir le concept de « djihad », le combat spirituel. Elle a lancé à Birmingham une campagne baptisée « Green Jihad », invitant les bons musulmans à nettoyer les rues de leur quartier. —

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